La chronique de Bernard Kaboré

Au coin du palais: condamnée pour une histoire de sauce qui finit en coup de poignard

Akoua, restauratrice, n’a pas pu contenir sa colère devant l’attitude du jeune garçon de 19 ans, Bassirou,  le jour où ce dernier a mis son restaurant à sac suite à une altercation. Elle n’a pu s’empêcher de poignarder le jeune homme à la poitrine à l’aide d’une paire de ciseaux. Reconnue coupable de l’infraction de coups et blessures, Akoua est condamnée à 12 mois de prison dont trois ferme par le tribunal de grande instance de Ouagadougou.

Akoua (nom d’emprunt) va bientôt tutoyer la quarantaine. Tout juste, elle a vu naitre et mourir 38 saisons de pluies. C’est une célibataire, reconnaissante tout de même au Bon Dieu de lui avoir fait grâce d’un rejeton. Akoua a un physique qui résume sa combativité. Son visage transpire la femme courage, celle qui se réveille aux premiers chants des coqs pour ne fermer l’œil que tard dans la nuit.

De tous les métiers, la restauration est ce qu’Akoua  sait faire le mieux. Dans un quartier populaire de Ouagadougou, la jeune dame tient une gargote qui lui permet de subvenir à ses besoins, à ceux de son enfant mais aussi de sa mère avec qui elle partage ses modestes pénates.

Le restaurant d’Akoua n’a rien de singulier vis-à-vis des autres gargotes qui jonchent les rues de la capitale burkinabè. Elle propose à la clientèle un menu peu varié et low-cost, fait essentiellement de riz à la sauce. De quoi fidéliser pourtant une certaine clientèle. Chaque midi, son établissement ne désemplit pas, pris d’assaut par des employés des commerces environnants.

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Bassirou et son ami Akim (noms d’emprunt) ne sont pas des inconnus du restaurant d’Akoua. En effet, les deux employés de commerce y vont se restaurer très régulièrement. Pas de quiproquo entre la restauratrice et ses deux clients qui se démarquent bien d’ailleurs de ces nombreux chalands habitués à vouloir se faire servir un plat fumant à crédit.

Mais le jour où Bassirou a été poignardé à l’aide d’une paire de ciseau par Akoua suite à une altercation pour une histoire de sauce, le duo a juré sur tous les dieux de ne plus jamais mettre pied dans son resto préféré.

Que s’est-il passé ? C’était un jour comme tous les autres. Gagnés par un creux, Bassirou et son acolyte ont encore fait un tour chez Akoua. L’un, Bassirou y a passé la commande d’un plat de riz, à 300 F CFA, tandis que l’autre, Akim a préféré le menu d’un restaurant voisin à celui d’Akoua, non sans revenir se mettre à table dans la gargote de cette dernière.

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Alors que Bassirou n’avait pas fini son plat de riz, la sauce a manqué. Sans hésiter, il en a demandé à la bonne dame un complément, mais n’entend pas débourser un rond supplémentaire, ce qu’Akoua a refusé. Bassirou insiste, mais le niet est catégorique. En fait, l’option d’Akim de commander dans un resto voisin et concurrent avait déjà irrité Akoua. Il ne fallait plus qu’une étincelle d’injures pour exploser les colères de part et d’autre. En réaction à une mise à sac des effets de son restaurant et un coup reçu à l’œil, Akoua s’est saisie d’une paire de ciseaux et a porté un coup à la poitrine du jeune homme, le laissant baigner dans le sang, pour être par la suite transporté dans un centre de soins. Là, elle entendait donner « une raclée à un enfant qu’elle aurait pu mettre au monde ». Mais surtout, elle s’est laissée guider par la verte colère qui l’animait à l’instant I, comme pour dire « adviendra que pourra si je franchis le Rubicon ».

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Deux jours après le violent incident produit au resto, Akoua a été arrêtée par la gendarmerie. Elle ne pouvait d’ailleurs pas s’attendre à un autre épisode suite à cette altercation.  Ce fut le début de la procédure qui l’a conduit devant les juges du tribunal de grande instance de Ouagadougou. La jeune dame n’a pas nié les faits de coups et blessures à elle reprochés. Avant de confesser à la barre ses regrets, elle a justifié son acte comme une « réaction à la violence par la violence », de quoi y voir des circonstances atténuantes selon le ministère public. C’est d’ailleurs en vertu de ces circonstances atténuantes que le parquet a requis « une condamnation au seuil minimum », selon les peines prévues, soit six mois de prison assortis de sursis. Mais le juges ont estimé que dame Akoua mérite une peine plus lourde. En effet, elle a été condamnée à 12 mois d’emprisonnement dont trois fermes et une amende de 500  000 F CFA. Elle devrait également  payer au jeune Bassirou la somme de 610 000 F CFA à titre de dommages déclarés par la victime.

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En quittant la barre, Akoua a voulu garder le visage de la femme forte, prête à surmonter toutes les péripéties de la vie. Mais sa mine froissée l’a trahi, au moment où elle pensait certainement à son séjour en prison, à ce que sera pendant ce temps le quotidien de son enfant et de sa mère qui comptaient sur elle pour leur pitance quotidienne. Ainsi, trois mois c’est à la fois vite passé et long. Long suivant cette leçon de l’écrivain Jean-Paul Sartre déjà retenue à la barre : « La violence est injuste d’où qu’elle vienne ». Car en réaction au saccage de son établissement, Akoua aurait dû privilégier un recours à la justice, comme l’a conseillé le juge.

Bernard Kaboré

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