JusticeLa chronique de Bernard Kaboré

Vol aggravé : six ans ferme pour le soulard à la lucidité sélective

Après une soirée bien arrosée en compagnie d’un de ses amis,  Tibo se souvient avoir, à l’aide d’une barre de fer, assommé un inconnu devant son domicile pour lui arracher sa monture. Et rien de plus : le trentenaire dit ne même pas se rappeler comment il s’est retrouvé en détention, encore moins pourquoi il est prévenu des faits de vol aggravé. Pas convainquant pour le tribunal de grande instance de Ouagadougou qui l’a reconnu coupable avant de le condamner à six ans d’emprisonnement ferme.

Curieux comme les voleurs se réclament toujours d’une profession acceptée par la société quand on leur demande de se présenter ! Tant et si bien que sur une carte d’identité, jamais personne n’est « voleur » même quand on ne sait pas faire mieux que ce… »travail » aussi vieux que le monde. Tibo (nom d’emprunt), la trentaine révolue, est un commerçant. Mais ne le prenez surtout pas au mot. Car à la vérité, il exerce, lui aussi, dans ce métier qu’on ne voudrait pas mentionner sur un document d’identité : le vol. Plus précisément, le vol à l’arraché.

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Tibo fonctionne avec un binôme que nous appellerons Dik. La stratégie mise en place par le duo ne diffère véritablement pas d’autres que révèlent très souvent les enquêteurs. Cette stratégie consiste à se remorquer à deux sur une moto, pister une cible, attendre le moment opportun pour soutirer le bien convoité, généralement un sac à main ou le moyen de transport de la victime.

Ce fut le cas le soir où le duo a assommé un inconnu devant son domicile pour se volatiliser avec la moto de ce dernier. Ce soir-là, la dose était montée, pour emprunter au jargon des amateurs de la bière. Tibo avait vidé à lui seul 12 bouteilles de bibine, selon son propre témoignage. Leur ‘’proie’’ qu’ils avaient repéré, nous le nommons Amidou, un jeune commerçant qui, après avoir baissé les vitres de sa boutique, avait fait une escale chez son ami avant de rentrer chez lui, un peu tard autour de 22 heures.

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Arrivé à son domicile, le jeune commerçant n’avait pas eu le temps de trouver la bonne clé parmi un trousseau pour ouvrir le portail. Le trousseau qu’il cherchait était d’ailleurs, tout comme ses deux téléphones portables, contenu dans un sac accroché au guidon de la moto. Mais le commerçant reçut à ce moment-là un violent coup à la tête. C’était l’œuvre de Tibo qui s’était servi d’une barre de fer avant de  vite rejoindre son binôme pour se fondre dans la nature avec le butin. Incapable d’accéder à sa cour et ne disposant pas de téléphone pour alerter des secours, il ne restait plus à la victime que de poursuivre à pied ses bourreaux dans l’espoir de récupérer ce qu’il venait de perdre. Et cela, malgré le fait qu’il saignait de la tête. Cette tentative a quelque part payé. Tibo a, en effet, été interpellé, même si son binôme, lui, a réussi à se volatiliser.

Devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou, Tibo a gardé l’espoir de pouvoir se tirer d’affaire, lui qui est du gendre à fabriquer des récits pour convaincre à chaque fois qu’il se sent coincé. Peu importe si le fil de l’histoire ne tient pas la route, Tibo a tenté de faire croire qu’il a agi non seulement sous l’effet de l’alcool mais aussi sur recommandation de son binôme. « Dik m’a remis une barre de fer en me disant d’assommer le monsieur devant sa porte et de récupérer sa moto. Comme j’avais bu, je n’ai plus su réellement ce qui s’est passé et je me suis réveillé détenu en prison », a-t-il argué. De quoi faire jaser dans l’assistance, visiblement incrédule.

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Tibo a soutenu son récit et gardé une mine d’espoir jusqu’à ce que le parquet lui rappelle ses propos lors de l’instruction. Devant le procureur, le prévenu avait en effet reconnu le vol de la moto du commerçant, et même trois précédents autres cas de vol qui ne lui avaient pas valu des poursuites judiciaires. Le visage crispé Tibo a sans doute mesuré en ce moment la gravité des peines qu’ils encourait,. mais se montre quelque peu fataliste : « Qu’on fasse de moi ce qu’il y a de mieux à faire », a-t-il répondu à la question du parquetier de savoir le sort auquel il s’attend au regard des faits à lui reprochés.  

S’il ne tenait qu’au ministère public, Tibo devait être condamné à 10 ans de prison ferme et à une amende d’un million de F CFA. Car, estime le procureur, « le prévenu est en réalité un récidiviste qui a juste eu la chance les autres fois ». Mais le tribunal a eu la main moins lourde : Tibo a été condamné à six ans d’emprisonnement et à une amende d’un million de  F CFA le tout, ferme. A cela s’ajoute un montant d’environ 594 000 F CFA à titres des dommages et intérêts au profit de la victime qui dit avoir gardé plusieurs mois après les faits des séquelles de ses blessures. C’est dire que l’acte posé par le prévenu reste bien grave. Le juge l’a dit d’ailleurs à Tibo : « Vous auriez pu ôter la vie de la victime. Il aurait fallu au moins ne pas tenter de commettre l’irréparable ».  A ces mots, Tibo est resté quasiment indiffèrent à travers un regard fixe qui ne laisse lire ni l’acquiescement ni le regret. Au moment de rejoindre le box des prévenus, on l’a même vu esquissé un sourire décomplexé à l’endroit d’un codétenu.

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En ce moment-là, une question taraudait l’esprit de certains dans l’assistance : que pourrait signifier cette indifférence ? « Une blessure », comme le disait l’écrivain français, Claire France ? Ou bien « une paralysie de l’âme », selon l’écrivain et dramaturge russe, Anton Tchekhov ? La question reste posée. Mais pour sûr, les  six années de prison ne seront pas sans effet pour Tibo. Car, comme l’affirmait le célèbre écrivain brésilien, Paulo Coelho, « tout ce qui est fait dans le présent affecte l’avenir en conséquence, et le passé par rédemption ».

Bernard Kaboré

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