Justice

Assassinat Thomas Sankara : les aveux de l’accusé Yamba Elysée Ilboudo

A l’entame du procès des présumés coupables de l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons, ce mardi 26 octobre 2021 à Ouagadougou, la parole a tout de suite été donnée à Me Ollo Larousse Hien qui a soulevé une exception aux fins de nullité en faveur de son client Tondé Ninda Pascal. C’est le soldat de 1re classe Yamba Elysée Ilboudo qui a ouvert le bal des auditions. Il a reconnu les faits à lui reprochés même s’il minimise sa participation à la réalisation du coup d’Etat en arguant  n’avoir été qu’un simple chauffeur du commando.

Photo d’illustration de la salle d’audience

L’avocat de Tondé Ninda Pascal a en effet observé des irrégularités dans certains éléments de la procédure. Il s’agit en l’occurrence du numéro de l’arrêt de renvoi mais également de la citation à comparaître qui datait de 2017 au lieu de 2021. Pour Me Ollo Larousse, cette citation mérite d’être annulée. Il a également soulevé le fait que son client, accusé de subornation de témoin (délit) se retrouve maintenant également poursuivi pour recel de cadavre (crime) alors qu’il n’avait jamais été mis en examen pour cette deuxième infraction. L’avocat estime donc que le parquet a aggravé le cas de son client le faisant passer du statut de prévenu à celui d’accusé. « Monsieur Tondé est dans une situation de trouble », a-t-il fait savoir aux membres de la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou.

Après avoir suivi les réactions de la partie civile, avec, entre autres, Me Guy Hervé Kam et Me Prosper Farama, qui ont, si on peut le dire ainsi, minimiser ce qu’ils ont appelé des « erreurs matérielles », le président du tribunal, Urbain Méda, a donné la parole au parquet. Pour le ministère public, l’accusé s’est présenté dans la bonne salle. Ainsi, les arguments évoqués ne tiennent pas. Les débats se sont terminés par une suspension de quelques minutes qui a permis au juge de rejeter la requête de Me Hien, car « recevable dans la forme mais mal fondée ».

La deuxième étape de cette journée d’audience a été la diffusion, par le parquet, de sept éléments dont deux sonores et cinq vidéos. Il s’agit de la proclamation du Front populaire lue à la radio nationale le 15 octobre 1987 peu après 17h après l’assassinat du président Thomas Sankara ; d’un extrait du journal télévisé du 16 octobre au cours duquel il a été lu le communiqué du Front populaire ; d’un extrait du JT du 18 octobre parlant de deux rencontres dont l’une a eu lieu entre les directions du Front populaire et des secrétaires généraux des départements ministériels ; du message que le capitaine Blaise Compaoré a prononcé à l’attention de la nation le 19 octobre ; d’un extrait du JT du 20 octobre diffusant les extraits de ce message ; d’un extrait du JT du 26 octobre évoquant une rencontre d’explications des évènements du 15 avec des élèves et enfin d’un extrait du JT du 28 octobre expliquant comment le Front populaire a mis fin à la dissidence provoquée à  Koudougou par le capitaine Boukary Kaboré dit le lion.

A travers ces éléments, le ministère public a voulu montrer les tentatives d’explications engagées après l’assassinat du président Thomas Sankara ainsi que les propos haineux prononcés à son encontre et repris dans certains commentaires journalistiques. Traité en effet de traitre dès les premières heures, le leader de la Révolution burkinabè a été par la suite qualifié de camarade révolutionnaire qui s’est trompé.

L’audience s’est poursuivie avec l’audition du soldat de 1re classe Yamba Elysée Ilboudo accusé d’assassinat et d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Né en 1959 à Kombissiri, celui-ci a immédiatement reconnu les faits à lui reprochés, précisant néanmoins qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres. « Hyacinthe Kafando m’a appelé. J’ai commencé à chercher mon arme et on a quitté le domicile de Blaise Compaoré, situé à l’époque derrière l’ex-Assemblée nationale, pour nous rendre au Conseil de l’entente. Il y avait deux véhicules. Je conduisais celui où se trouvait Hyacinthe Kafando et le caporal Hamidou Maïga conduisait le second. Arrivés sur place, tous les occupants des véhicules sont rentrés au pied-à-terre de Blaise Compaoré où nous gardions notre matériel. Quelques minutes après, ils sont ressortis et nous avons à nouveau démarré. Entre temps, Hyacinthe m’a dit de tourner et avant même que je ne puisse réagir, il a saisi le volant et on est allé cogner la porte du secrétariat du Conseil », a expliqué l’ex militaire du CNEC (Centre national d’entraînement commando) de Pô. A l’en croire, tous sont descendus des véhicules et ont donné l’assaut alors que lui est resté tout le temps dans le véhicule tombé en panne après qu’il ait défoncé la porte.

A la question de savoir où était Blaise Compaoré, l’accusé a indiqué qu’il était à son domicile, ajoutant que Sankara l’avait consigné. Le président du tribunal a également voulu savoir pourquoi les militaires, à la fin de l’assaut, ont retourné leur béret ? « Je ne sais pas », a-t-il répondu. N’était-ce pas un code pour éviter d’être pris à partie par leurs propres éléments ? A cette interrogation, l’accusé a encore assuré qu’il n’en savait rien. Pour lui, il n’a, à aucun moment, été informé de ce qui s’est passé et il n’a pas participé aux échanges de tirs. Même quand le parquet l’a submergé de multiples questions, Yamba Elysée Ilboudo est resté droit dans ses bottes. Et avant que la session ne soit suspendue pour la pause à 13h, le ministère public a déploré le fait que les propos de l’accusé devant le juge d’instruction et ceux tenus à l’audience ne concordent pas.

Avant de suspendre l’audience de ce mardi, la chambre a répondu favorablement à la requête de liberté provisoire des onze accusés. Ainsi, ils ne dormiront donc plus à la MACA. Diendéré demeure le seul pensionnaire de la prison militaire accusé dans ce dossier. En rappel, il y purge une peine de vingt ans écopée lors du procès du putsch manqué.

Zalissa Soré

Le récit de la mise à mort de Sankara
Acteur ou témoin privilégié, c’est selon, le soldat de 1re classe Yamba Elysée Ilboudo a levé un coin du voile sur les circonstances de la mort du capitaine Thomas Sankara. D’après son récit, c’est à bord de deux véhicules que le commando s’est rendu du domicile de Blaise Compaoré (près de l’ex-Assemblée nationale) au Conseil de l’entente. Une fois parvenu au seuil de l’immeuble dans lequel le président Sankara était en réunion avec ses collaborateurs, Hyacinthe Kafando, le chef du commando, a ordonné aux occupants des deux véhicules d’aller à l’assaut de la citadelle où se trouvait le président du Faso. Aussitôt, les soldats commis à la sécurité de Blaise Compaoré ont commencé à rafaler sur tout ce qui bougeait. Hyacinthe Kafando, Otis et Hamidou Maïga ont gravi les marches en direction de la salle où se trouvait le président. Ce dernier, les mains en l’air et sans une arme sur lui, s’est présenté sur le seuil de la porte de la salle de réunion. Sans crier gare, ils l’ont mitraillé. Le soldat affirme ne pas savoir qui des trois a touché le président. Il a poursuivi sa narration en nous apprenant que le capitaine Sankara, après avoir été touché par les projectiles meurtriers, est tombé sur ses deux genoux avant de s’écrouler sur son flanc gauche.

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