Grands entretiens

Contre le terrorisme : « Il va falloir offrir un grand sacrifice à nos aïeux », Me Ollo Larousse Hien

Parmi les organisations de la société civile qui ont souvent proposé la réconciliation comme une passerelle dans la lutte contre le terrorisme, il faut compter avec Hamaschiach in you ou si vous préférez, « l’amour du prochain réside en chacun de vous ». Dans une interview qu’il a accordée à lobspaalga.com , Me Ollo Larousse Hien, président de ce mouvement et avocat insiste en donnant sa lecture de l’actualité nationale, marquée justement par le terrorisme mais aussi par le changement intervenu à la tête de l’Etat il y a de cela quelques jours. Libérer les militaires en détention, réintégrer ceux radiés, passer outre la justice pour une réconciliation,  taire les divergences confessionnelles et offrir un grand sacrifice aux aïeux, sont entre autres propositions de Me Hien pour que le Burkina retrouve sa paix d’antan.

Le président du mouvement Hamaschiach in you, Me Ollo Larousse Hien

Depuis quand existe le mouvement Hamaschiach in you et quels sont ses objectifs ?

Le mouvement existe depuis septembre 2020. Et à partir d’octobre 2020, nous l’avons officialisé à l’issue d’une assemblée générale. Nous militons pour une réconciliation nationale, pour un éveil patriotique des Burkinabè, nous apportons aussi de l’aide aux déplacés internes, aux victimes du terrorisme ainsi que les victimes de toute catastrophe naturelle. Malheureusement nous n’avons pas les moyens nécessaires en ce qui concerne l’aide aux déplacés et les victimes du terrorisme parce que le mouvement n’est financé que par ses membres. Depuis la création nous n’avons reçu aucun rond de qui que ce soit.

Combien de membres compte Hamaschiach in you à ce jour ?

Il est difficile de donner un nombre d’adhérents. Chaque jour des gens appellent pour manifester leur intérêt, avoué que nos objectifs sont nobles.

Un coup d’Etat a été perpétré le 30 septembre dernier. Est-ce que la rectification du MPSR vous a surpris ou pas ?

Cette rectification ne nous a pas du tout surpris ; parce que nous avions remarqué qu’à chaque fois que chacun se prononce sur la situation du Burkina, il finit par ‘’Dieu bénisse le pays’’. L’emploi de cette formule suppose que les gens appellent à l’intervention de l’aide suprême doit. Cela, parce que nous remarquons tous que nos efforts ne suffisent pas. Pour revenir à la question, Hamaschiach in you a son côté spirituel. Nous suivons beaucoup les enseignements d’un nabi (un prophète supérieur) du nom Melchizedek Maranatha Mashia’h qui avait tout prédit sur le Burkina.ce panafricaniste d’origine gabonaise avait prédit qu’il y aura une transition dans la transition. Que même les corps habillés allaient s’affronter, et que des militaires prendront encore le pouvoir.

Dans le contexte actuel que peut être la contribution de votre mouvement ?

En rappel, pour dire que Hamaschiach  n’est pas un mouvement qui se tait face à ce qui arrive au Burkina, lorsque le mouvement a été créée en 2020, c’était à quelques mois des élections pour le second mandat du président Roch Kaboré. Nous avons interpelé le président Roch mais aussi les partis politiques pour leur dire qu’il ne fallait pas aller coûte que coûte à une élection. Parce que ce « coûte-que-coûtisme » allait nous coûter cher. Parce que le terrorisme allait prendre de l’ampleur et que si Roch allait à cette élection, il va la gagner mais ne va pas savourer à ce pouvoir. Parce que le même nabi Melchizedek avait fait une prophétie pour dire que si Roch s’efforce de prendre part aux élections sans passer par une réconciliation, il va gagner mais ne va pas savourer sa victoire.  C’est effectivement ce qui est arrivé. Mais avant, nous avions pris l’engagement de rencontrer le président. Nous lui avons adressé une demande d’audience sans jamais être reçu. De même, nous avons demandé à rencontrer des partis politiques tels que le CDP et l’UPC mais là encore, personne ne nous a prêté oreille attentive. Nous sommes allés voir le Mogho  Naaba avec qui nous avons partagé notre idée, notre stratégie de réconciliation. Il a apprécié et nous a même fait savoir qu’il était bon que nous en parlons partout où l’on sera. Nous ne nous taisons pas, malheureusement comme je le dis, nous sommes limités par nos maigres moyens. Nous sensibilisons, nous donnons de la voix, nous attirons toujours l’attention sur tel ou tel aspect.

Particulièrement sur la lutte contre le terrorisme, vous êtes de ceux qui ont souvent prôné le recours à des militaires en détention ou radiés des effectifs de l’armée. Pourquoi ?

Nous avons rencontré des militaires burkinabè en détention, en l’occurrence le général Diendéré qui nous avait dit en son temps était prêt à aider, prêt à apporter tout ce qu’il sait pour ramener la paix. Parce que quoiqu’on dise, il constitue une boite noire du pays, tout le monde le sait, ne serait-ce qu’à travers ce qui a été révélé lors du procès Thomas Sankara. Nous avons de telles boites noires dans notre pays et on plaisante. Il a dit qu’il est prêt à aider mais malheureusement les autorités ne lui tendent pas la main. Nous avons attiré l’attention des autorités en disant qu’il fallait aller vers ces personnes, trouver un terrain d’entente pour une sortie de crise et voir dans quelle mesure on allait aller tous à une réconciliation. Parce que la question des militaires et policiers radiés ou en détention est une question  brûlante. Et nous devons avoir le courage de la remettre sur la table et prendre les décisions qui siéent.

Passer outre la justice pour aller à une réconciliation, cela met aussi mal à l’aise une partie de l’opinion. Qu’en dites-vous ?

Les mettre mal à l’aise oui, ils seront mal à l’aise.  Mais mieux vaut que les gens soient mal à l’aise que de laisser des centaines de Burkinabè perdre la vie. Nous nous estimons que pour une réconciliation qui peut être durable au Burkina, il faut aller par la voie de la vérité et de la réconciliation et non la vérité, la justice et la réconciliation. Nous disons cela pour une raison très simple : à ce jour personne n’a désigné un certain nombre de dossiers à juger avant d’aller à une réconciliation nationale. Quand est-ce qu’on va dire donc qu’on a fini de juger les dossiers et qu’il faut aller à une réconciliation. Comme si les terroristes, l’insécurité nous attendent. Non, nous n’avons pas ce temps. Et même si les dossiers avaient été répertoriés, ils n’ont pas le même niveau d’instruction ? Vous prenez un dossier qui est clôturé, prêt à être jugé, vous prenez un autre qui est toujours sur le bureau du juge d’instruction. Prenons par exemple le dossier de l’insurrection populaire de 2014. Il est toujours sur la table du juge. Quand est-ce va-t-on le clôturer, le programmer, juger avant de parler de réconciliation ? Je pense qu’on prend une fausse route. Si nous suivons ce triptyque vérité-justice-réconciliation, nous n’allons jamais nous réconcilier dans notre pays. Or par la vérité et la réconciliation, il suffit d’aller très rapidement à la  création concrète d’une commission « vérité et réconciliation » qui va commencer à recenser tous les cas de crimes et autres, tous ceux qui se sentent victimes, blessés ou lésés, inscrire tous ceux à qui on reproche des crimes qu’ils soient à l’intérieur ou hors du pays. On invite ceux qui sont hors du pays à rentrer et qu’ils s’inscrivent. Et la commission travaille, pas comme une juridiction  mais une structure qui va entendre tout le monde. Pour cela nous proposons une retransmission des travaux de cette commission, à la radio nationale et à la télévision si possible. Et cela, pour donner à tous les Burkinabè la chance d’avoir le même niveau d’information. Ainsi, après les travaux, ce sera très facile de se réconcilier.

Que compte entreprendre votre mouvement pour l’effectivité de cette réconciliation et pour plus de résultats dans la lutte contre le terrorisme ?

Pour tout vous dire, nous ne sommes pas une force militaire. Nous sensibilisons, essayons toujours d’interpeller pour attirer l’attention de tous et c’est ce que nous continuons de faire. Nous avons repris une prophétie du nabi Melchizedek qui dit si nous voulons aller à une paix durable, les armes seules ne suffiront pas et qu’il va falloir que tous les Burkinabè, toutes tendances et religions confondues se mettent ensemble pour faire un grand sacrifice aux aïeux. Nos aïeux ce sont nos parents et grands-parents décédés, qui sont sous terre et qui veillent sur nous. Ces aïeux sont très fâchés parce que le sang a trop coulé. Ils ont laissé un sol burkinabè très riche, propre, et nous sommes venus souiller ce sol avec du sang de Burkinabè qui a trop coulé et qui les dérange. Tant qu’on ne fera pas des sacrifices pour les apaiser ça va être difficile qu’on arrive à une paix. Le jeune capitaine qui est arrivé au pouvoir, il fera ce qu’il peut. Mais si nous ne nous mettons pas ensemble en laissant les analyses intellectualistes, en laissant les questions de l’appartenance confessionnelle, en pensant que faire un sacrifice c’est forcément être un animiste, nous allons toujours continuer à subir l’insécurité. Il y a lieu de prendre en compte cet aspect et s’y mettre.

Beaucoup de Burkinabè estiment aussi que dans cette guerre il faut diversifier les partenaires. Quelle est la position de Hamaschiach in  You sur cette question ?

Sur cette question de terrorisme, le MPSR  2 doit pouvoir aller vers d’autres partenaires qui peuvent réellement aider le Burkina Faso. Et quand des jeunes sortent et scander ‘’il faut aller vers la Russie’’,  ‘’chasser la France, etc. ;’’ je pense qu’il faut simplement diversifier les partenaires pour avoir le maximum d’expertise, le maximum de moyens possibles pour parvenir çà de meilleurs résultats. Si aujourd’hui la France est suspectée de connivence avec des terroristes et que nous avons des partenaires comme des Chinois, les Russes, les Turcs, et autres, la France, si elle est réellement du côté des terroristes, elle aura désormais moins de marges de manœuvre parce que d’autres partenaires auront l’œil sur elle.

Propos recueillis par Bernard Kaboré

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