Grands entretiens

Sandra Clark, ambassadeur des USA au Burkina: « Nous souhaitons le retour à l’ordre constitutionnel le plus tôt possible »

Les activités marquant le cinquantenaire de L’Observateur paalga ont pris fin le 28 mai 2023 (la date anniversaire), mais l’année jubilaire du journal se poursuit avec notamment quelques visites de personnalités, comme ce fut le cas le mercredi 6 septembre de Sandra Clark, l’ambassadeur des Etats-Unis au Burkina Faso. Au-delà des échanges avec le maître de céans, de la visite guidée dans les différentes sections avec le directeur des rédactions ainsi que le rédacteur en chef, la diplomate américaine, qui a présenté ses lettres de créance à l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré le 25 septembre 2020, s’est prêtée aux questions des journalistes. Sandra Clark s’est exprimée sur la liberté de la presse au Burkina, la situation sécuritaire au Sahel, la coopération bilatérale entre le Pays des hommes intègres et celui de l’Oncle Sam et l’épidémie de coups d’Etat, pour ne citer que ces aspects.

Ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit dans nos locaux l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Burkina. Quel bon vent vous amène donc, madame l’ambassadeur ?

Je suis très contente d’être là ce matin. Je tenais à faire le déplacement pour vous féliciter pour les cinquante ans de votre journal parce que L’Observateur est le doyen de la presse écrite en Afrique de l’Ouest francophone. C’est aussi une sortie pour mieux comprendre la situation des médias et jauger le rôle ô combien important que ceux-ci jouent au Burkina Faso.

Qu’est-ce que vous retenez justement de cette situation des médias ?

Je suis contente d’avoir eu un moment de partage avec les journalistes de la rédaction. Sur la situation des médias, on voit qu’il y a des défis en ce qui concerne l’aspect business et les nouvelles technologies qui changent le rôle des médias. Je vois aussi que le rôle de la presse est très important dans un pays car elle permet d’avoir de vraies informations et des opinions diverses afin de renforcer la liberté d’expression.

A ce propos, comment madame l’ambassadeur apprécie-t-elle l’état de la liberté de la presse au Burkina ?

Cette liberté est très importante, voire essentielle, car elle aide les citoyens à savoir ce qui se passe et à prendre de bonnes décisions, à comprendre la situation actuelle. Je pense que c’est quelque chose de très important et je sais qu’il y a quelques années de cela, le Burkina Faso était bien classé en matière de liberté de la presse par Reporter sans frontières. C’était à un bon niveau. Et il y a eu un moment où ce pays était devant les Etats-Unis. Je pense que c’est important de continuer à protéger cette liberté de la presse.

A présent, parlons coopération. Quel est l’état de la coopération entre le Burkina et le pays de l’Oncle Sam ?

Nous avons plusieurs activités dans de nombreux domaines. Nous poursuivons notre rôle d’assistance humanitaire qui vise à aider les populations dont les déplacées et des communautés hôtes en termes de sécurité alimentaire, par exemple. Nous continuons aussi avec divers programmes de développement comme l’agriculture et la formation des jeunes, pour ne citer que ces aspects. Nous avons également une grande coopération dans le secteur de la santé en vue d’améliorer le système qui existe et de répondre aux besoins des Burkinabè. Par exemple, pendant la pandémie de COVID-19, nous avons assisté le pays dans la vaccination et la sensibilisation à la nécessité de se faire vacciner. Nous avons des programmes contre le paludisme et le SIDA et dans ce contexte, un renforcement des moyens des structures sanitaires. Nous coopérons avec le Burkina dans la lutte contre le terrorisme. C’est dire donc que les Etats-Unis ont une coopération assez variée avec votre pays.

Sur le plan militaire justement, quel est l’apport des USA dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et particulièrement au Burkina ?

Nous comprenons très bien que la situation est difficile, mais le fait qu’il y a eu le coup d’Etat empêche de faire une vaste coopération comme ce que nous faisions avant.  Il y a certaines choses que nous ne pouvons plus faire. Par exemple, nous avons un programme d’envoi de militaires burkinabè aux Etats-Unis pour une formation en maintien de la paix. Chose que nous avons été obligés d’arrêter, mais nous essayons de trouver d’autres moyens de coopérer avec les Forces de défense et de sécurité de votre pays. Nous faisons ce que nous pouvons selon nos lois pour aider le Burkina à faire face au terrorisme.

Après le coup d’Etat du lieutenant-colonel Damiba, soit le 31 janvier 2022, le Conseil d’administration du Millenium Challenge Corporation (MCC) annonçait la suspension de ses activités au Burkina. Quand peut-on espérer une levée de cette suspension ?

Vous faites bien de rappeler que c’est une suspension liée au coup d’Etat que le Burkina a subi l’année dernière. Et pour que le MCC revienne, il faut un gouvernement élu démocratiquement et géré par des civils. C’est dans ce sens qu’on pourra recommencer les discussions avec le MCC afin d’envisager une collaboration future. Mais je reste optimiste que le Compact pourra revenir.

Depuis pratiquement un an, c’est le grand amour entre Ouaga et Moscou, comment analysez-vous cela ?

Le Burkina est un pays souverain et c’est à lui de choisir sa politique. Mais la question, c’est de savoir quel est le futur que ce pays souhaite avoir. Est-ce un futur démocratique, qui respecte les lois, les libertés ? Nous espérons voir le Burkina renforcer ses valeurs et tout dépend de la vision que votre pays a du futur.

Il y a comme une épidémie de coups d’Etat dans la sous-région, particulièrement les pays du Sahel. La crise sécuritaire à elle seule peut-elle expliquer cette recrudescence ?

(Rires) Vous êtes mieux placé que moi pour répondre à cette question car vous connaissez le Burkina Faso mieux que moi. Oui, c’est sûr que la crise sécuritaire a mis la pression sur les populations d’une manière générale parce que quand elle survient, elle pose des problèmes sur l’économie, la cohésion sociale, entre autres. Mais pour nous, la démocratie, le système des élections sont les moyens pour répondre aux crises. Nous souhaitons le retour à l’ordre constitutionnel et une démocratie forte au Burkina, le plus tôt possible.

Pendant que la France pousse à la roue pour l’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, les USA semblent avoir une position beaucoup plus conciliante vis-à-vis de la junte, N’est-ce pas une façon d’encourager les putschistes ?

Non je ne pense pas. La position des Etats-Unis est de soutenir le principe qui a été adopté par la CEDEAO pour la défense de la démocratie et de l’ordre constitutionnel au Niger.  Nous sommes fermes là-dessus. Nous pensons que la démocratie et le développement jouent un rôle important dans la stabilité, la prospérité et la sécurité au Sahel. Nous soutenons donc les efforts pour le retour à l’ordre constitutionnel et pour libérer le président Bazoum, sa famille et les autres qui sont détenus injustement.

Propos recueillis par Harouna Abdoulaye Nass

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