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Décision Conseil d’Etat français : « la course est terminée pour François Compaoré » (Me Bénéwendé Sankara)

Ce 30 juillet 2021, le Conseil d’Etat français a tranché, en dernier ressort, sur la question de l’extradition de François Compaoré, poursuivi par la justice burkinabè dans le cadre de l’affaire Norbert Zongo mais exilé en France depuis 2014. Dans sa décision, la plus haute autorité administrative de l’Hexagone s’est dite favorable à l’extradition du frère cadet de Blaise Compaoré. Décision « de portée majeure », a estimé Me Bénéwendé Stanislas Sankara, avocat de  la partie civile et ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de la ville que nous avons joint au téléphone. Selon l’avocat, « la course est terminée », pour celui dont les conseils comptent pourtant saisir la Cour européenne des droits de l’Homme pour retarder l’échéance. 

Que pensez-vous de la décision du Conseil d’Etat français de favoriser l’extradition de François Compaoré et la saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme par l’interessé et ses conseils ?

C’est vrai qu’il s’est vite pourvu devant la Cour européenne des droits de l’homme mais cette décision du Conseil d’Etat français est une décision de portée très majeure dans la procédure judiciaire qui n’a que trop duré. J’ai pris acte de la divagation de ses avocats mais je regrette que cette attitude ne soit une forme de lâcheté abominable qui est vraiment indigne de ce que nous appelons ici burkindlim, c’est-à-dire l’intégrité qui est la valeur caractéristique de chaque Burkinabè digne de ce nom. Parce qu’on ne peut pas dire qu’on prend acte et que c’est avec dignité et honneur que Mr François Compaoré va faire face à la justice de son pays avec responsabilité et s’en presser de saisir la Cour européenne. Cela me parait paradoxal. Mais comme l’avait dit Norbert Zongo, « bori baana », la course est terminée pour monsieur François Compaoré.

Que répondez-vous aux conseils de François Compaoré qui présentent le Burkina comme un pays de tous les risques pour leur client?

L’argumentaire qui est invoqué ne tient plus puisque fondé sur des arguments juridiques du type « je ne veux pas venir dans mon pays parce je serai torturé, ou subir un traitement inhumain et dégradant ». Je dis à monsieur Compaoré que ça ce n’est pas un argument qui peut être soutenu devant une juridiction quelconque. Il déplace les problèmes. Si c’est en droit, purement et simplement il doit être extradé parce que le Burkina, comme l’arrêt du Conseil d’Etat l’a démontré, a satisfait l’ensemble des prescriptions nationale et internationale pour tenir un procès équitable mais aussi offrir à tout citoyen une détention qui respecte les normes et standards internationaux. Et je lui dis que le Burkina a déjà une expérience et une jurisprudence bien acquise en la matière. Donc pour moi c’est purement et simplement du dilatoire. Il est otage de ses propres avocats qui, comme ils ne plaident pas gratuitement, vont se sucrer sur le dos du pauvre François Compaoré.

L’Etat du Burkina a garanti un lieu de détention. Est-ce à dire qu’il ne sera pas détenu à la MACO ?

On dit comparaison n’est pas raison. Suivez mon regard. Les président sud-africain qui a été membre fondateur de l’ANC est aujourd’hui détenu. C’est ça l’Etat de droit. C’est vrai que c’est une figure emblématique de la lutte anti apartheid ; il a été chef de l’Etat. Mais dès lors qu’il a été face à la justice de son pays et qu’il a été condamné, il n’avait pas autre choix que de se déférer à la justice. Pourquoi au Burkina vous voulez qu’il y ait deux types de citoyens ? Ceux-là qui peuvent être déférer pour quelques peccadilles devant nos juridictions et ceux-là qui se mettent au-dessus de la loi ? Ce n’est pas possible. Et comme je le disais d’ailleurs d’autres personnalités burkinabè ont fait face à la justice de ce pays. Y compris l’ex-premier ministre, Luc Adolphe Tiao. Il le sait bien puisqu’il était camarade de son parti. Bien d’autres ont fait face à la justice mais ils sont au Burkina. D’autres sont aujourd’hui en détention mais ils ne sont pas torturés, ils ne subissent pas de traitement dégradants, ils ont des autorisations de sortie. Y en a même qui ont voyagé, qui ont obtenus des autorisations pour se rendre en France, comme le général Djibril Bassolé. Mais je ne sais pas si monsieur Compaoré est otage de sa propre conscience ou il est otage d’une peur qui ne dit pas son nom ou qu’il se sent peut-être coupable de quelque chose et qu’il veut fuir.

Est-ce que vous pensez que le fait de saisir la Cour européenne retarde l’échéance ?

Bien sûr. Si le prétexte tout trouvé est de dire que nous avons saisi la Cour européenne et qu’il va falloir attendre qu’elle vide sa saisine, c’est ce que moi j’appelle du dilatoire. Ça va faire prolonger les échéances du procès au Burkina qui n’est qu’au stade de l’instruction où la présomption d’innocence de monsieur François Compaoré est quand même garantie, où il a la possibilité de se constituer des avocats et même être éventuellement innocenté. Parce qu’on l’a pas encore déclaré coupable.

Au niveau du Burkina est-ce que vous avez connaissance des avocats de François Compaoré ?

Pour le moment, dans la mesure où on n’a pas exécuté son extradition, je n’ai pas connaissance qu’il s’est constitué des avocats Burkinabè mais je sais que de par le passé il y avait des confrères qu’il constituait comme ses conseils.  Je sais que Me Olivier Sûr l’a déjà défendu dans d’autres dossiers au Burkina. Donc vous savez que les avocats français circulent librement au Burkina parce que nous avons les mêmes traditions, les mêmes pratiques et qu’il y a des accords de réciprocité. Il peut s’attacher des services de tous les avocats du monde qui vont venir plaider  en respectant bien sûr les mesures barrières.

Même si vous n’êtes pas le porte-parole du gouvernement on imagine que vous en avez parlé en Conseil des ministres ?

Non on n’en a pas vraiment parlé en Conseil. On respecte la séparation des pouvoirs. Chacun appris la nouvelle et l’apprécie à sa juste valeur. Moi je rentre dans certains détails parce que je demeure quand même avocat de par mon métier même si aujourd’hui je suis omis du tableau pour les fonctions ministérielles que j’exerce.

A propos, avec votre omission du tableau, quels sont les avocats qui poursuivent le dossier Norbert Zongo ?

Je suis omis mais ma suppléance est assurée par mon collaborateur, Me Patrice Yaméogo. Il y a aussi Me Prosper Farama et bien d’autres confrères.

Entretien réalisé par

San Evariste Barro

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