Tribune

Lettre ouverte au Président du Faso : Le reclassement des enseignants du primaire

Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré (photo d’illustration)

Une complainte aux accents de jérémiades sur ses difficiles conditions de  vie d’enseignant du primaire : c’est la substance de cette longue lettre ouverte qu’Adama Dabilgou adresse au président du Faso, et à travers lui, aux services compétents de la fonction publique et du ministère de l’Education nationale.

Pour M. Dabilgou, à travers lequel beaucoup d’enseignants se reconnaîtront, mettre en œuvre le reclassement des enseignants de sa catégorie, ne participerait pas seulement à la revalorisation de leur fonction mais aussi à une justice sociale.

Un message de détresse poignant, malgré les difficultés de style et de maniement de la langue de son auteur.

Monsieur le Président du Faso, ma plume à la main, les larmes qui débordent les orbites, la douleur tenace qui hante mon esprit, englouti de peines et de désespoirs, seul, le courage me tient comme une corde tient un pendu à l’arbre. Au regard de tout cela, j’ai décidé de m’attabler sur mon écrit pour que l’extérieur aperçoive ma stupéfaction. De prendre la parole en m’adressant à vous.  J’aurais voulu m’adresser à vous dans un moment de joie. Dans un moment de joie qui me permettra de vous transmettre une lettre respectant tous les critères nécessaires d’une note à la hauteur d’un président. Je suis navré, l’atrocité de ma situation brouille les méninges, presse le temps pour une réflexion poussée. La faim chronique et sévère creusent le ventre et me donnent une vision altérée. Les ulcères gastriques ont été les héritages d’une faim lointaine et persistante. Les maladies cardiovasculaires dont je ne suis pas encore épargné, pourront être l’œuvre de la craie et les séquelles indéniables de ma condition terrible et horrible. Et je crois que cela vous permettra de me comprendre aisément sans confondre ça à de l’insolence ou à de l’impertinence. Qu’à cela ne tienne, monsieur le Président du Faso, je tiens à vous décliner mes salutations les plus sincères et hautement distinguées.

Monsieur le Président du Faso, je prends la parole au nom de l’enseignant tout court en m’appesantissant sur ma situation qui est le reflet de celles des autres. Au nom de l’enseignant pour vous déballer la dure réalité de l’existence de ce dernier à compter de votre élection à la plus haute fonction du pays. C’est ainsi que j’ai décidé de prendre la parole. De prendre la parole en m’appuyant sur ma plume et le désert aride que je traverse en tant qu’enseignant. J’estime que même si parler ne dit plus rien à personne, au moins dénoncer touche la sensibilité des Hommes sensibles et dévoile la honte des insensibles.

Le MENAPLN, une poule dite de race améliorée qui prend l’allure d’éclore des semeurs de la terreur (petits terroristes=grands terroristes). Il est possible que vous ne soyez au courant de rien compte tenu de certaines faveurs du moment qui vous submergent. Et ça, c’est toute de même dommage.

Je me nomme Adama DABILGOU. Je suis venu dans l’enseignement par vocation. Je fus inscrit au Cours Normal Privé de Kaya (CNPK) par mon père. Mon père qui a accepté à ma demande, s’est séparé de ses dernières économies. De ses dernières économies pour satisfaire le souhait ardent de son fils. De son fils qui promet le relèver dans ses charges. Puisqu’il fut un commerçant malheureux. Malheureux parce qu’il faisait parti des nantis de la commune. Mais il fut dépouillé de ses biens par de vols répétés et autres. A l’âge de vingt ans (20), je fus intégré dans la fonction publique. Mais petit à petit, la vocation qui avait fait effet sur mon père se dissipe et se dissout dans une mare de larmes et de douleurs. Ma vocation se retrouve transformée en déception. Elle se retrouve transformée en peine, en chagrin et en un torrent de remords intarissables. Aujourd’hui, j’ai un grand frère qui poursuit ses études à l’université de Kaya. Mon petit frère a fait son baccalauréat cette année. Lui, sa petite sœur fera la terminale. Elle, son petit frère fera la troisième. La dernière va faire la sixième. Depuis 2013, je dandine avec cette charge. A cela s’ajoute le vieux, la vieille et ma famille nucléaire et élargie. Avec une telle charge, le minimum de vitalité naturelle est improbable. Et cela est vraiment ahurissant pour moi comme pour mes collègues. Car de la manière que la douleur est vive chez moi, elle peut être plus vive ailleurs. Et croyez moi, c’est sans doute chez un autre enseignant. Ma promotion, la promotion de 2013  ne demande pas une largesse auprès du gouvernement. Mais elle demande une reconstitution de carrière. Dès le premier salaire, nous avons constaté un salaire de base inférieur à celui de nos aînés et à celui de nos benjamins. Il y avait au moins une différence de 10000f. De ma mésaventure où l’injustice gangrène et la déception embrasse tout le parois, le caractère se forge. Convaincu qu’être subalterne, c’est être un escalier où les supérieurs traversent parfois même en laissant des crachats quand ils rejoignent les bureaux, je me suis enfoui dans une auto-formation. A cinq ans de service, auprès d’un employeur qui clochardise et marginalise ses employés, dont à vingt cinq ans de mon existence sur cette vie infernale, je fus définitivement déclaré admis à l’examen professionnel du CAP. Cet examen me fait quitter de la catégorie C à la catégorie B. Après la proclamation des résultats, j’avais cru bientôt être dans ma nouvelle catégorie. La catégorie que je pense être à mesure d’essuyer les larmes d’une demie décennie. La catégorie que je perçois comme un piédestal qui me propulsera dans la suite de mon chemin. Mais désolé, les pleurs ne s’arrêteront pas pour bientôt. L’impitoyable employeur, le MENAPLN en a décidé autrement de mon sort et de ceux de mes confrères. Probablement que cette décision a été prise parce que je ne tiens qu’un stylos et une craie. Cette décision a été prise parce que l’homme à main nue est perçu par vous et votre gouvernement comme un infirme. Un infirme malléable, manipulable à tout bout de temps. Cette décision a été prise parce que la loi, c’est vous. La loi, c’est eux. Elle a été prise parce que la loi, c’est pour vous, pas pour moi, ni pour mes collègues encore moins pour mes parents qui sont au cachot de la souffrance exécrable où la mort est luxueuse. Vous et votre MENAPLN, vous pèsez lourd devant la loi. Et moi à l’image de mes confrères suis je léger comme une feuille morte devant la loi. Me morfondre ou me révolter reste l’option envisageable. Je ne me coucherai plus au moment où me tenir debout est la seule issue qui semble être à mesure de me donner le salut. J’ai foi qu’un jour, la loi châtiera les forts pour le tort qu’ils font subir aux faibles. Je suis à quelques mois de ma huitième année de service. Ce qui fera mes trois ans de fonction d’instituteur certifié sans  reclassement. Un agent de l’État, catégorie B mais qui est tenu de se présenter devant un conseiller clientèle de la banque pour négocier un découvert. Parce qu’il touche toujours le salaire d’un agent de catégorie C.   Ça, ce n’est qu’un échantillon de la vie d’un enseignant Burkinabè. Le moment venu, les responsables du MENAPLN sont censés être les premiers à être entendus devant la loi. Pour l’heure, j’accuse le MENAPLN de répression  morale, mentale et physique contre des employés soumis à leurs diktats. Pour mes confrères décédés, j’accuse le MENAPLN d’homicide volontaire. J’accuse le MENAPLN de responsable de tout délit ou crime que tout brimé venait de commettre. J’attribue toute négativité au MENAPLN car cela résulte des dommages collatéraux d’une éducation peu conséquente, aliénante et déroutante. Des enseignantes et des enseignants se sont livrés à la mort, tout simplement parce qu’ils n’en peuvent plus. Ils sont nombreux à mourir parce qu’ils n’avaient pas les moyens nécessaires pour avoir une nourriture saine, de l’eau potable et des soins médicaux appropriés au temps de la maladie. Paradoxalement, chacun de ces morts à un minimum de deux dossiers à corriger pouvant lui procurer des sous. Malheureusement, ils s’en vont sans avoir perçu leurs dûes. Je me vois obligé de vous dire que le MENAPLN sous le ministre OUARO est une scène maccabée  organisée pour étouffer des travailleurs qui ont derrière eux, toute une communauté à nourrir, à vêtir, à loger, à soigner et à éduquer. D’où la nécessité d’ajouter à la charge du MENAPLN le crime contre l’humanité. Si aux yeux de tous, nourrir, éduquer et soigner constituent le socle de développement alors, il n’y a rien de plus normal que de mettre l’enseignant aussi dans sa peau afin qu’il vive et mène à bien sa mission. Sinon qu’à ce stade, il est moralement incompétent et techniquement déroutant et aliénant. Ce qui conduit naturellement à rendre l’action éducative moins utile et inavouée aux conséquences désastreuses, imparables et interminables. Des produits comme dix maladies, deux couleurs et bien d’autres ont fait de ravages dans la famille enseignante. Parce qu’ils étaient contraints de se rabattre sur les pharmacies par terre.  Des enseignants se sont livrés à des actes ignobles : vente d’honneur et de dignité, achat de conscience, demande régulière de crédit, loyers impayés, irresponsabilité familiale élevée, escroquerie, viol de mineurs pour avoir vainement tenté chez les majeures, la pratique de la politique du tube digestif, le vol, l’immoralité, l’immolation des enfants innocents dans les salles de classes et la consommation accélérée de tabac, de l’alcool et de la drogue … Des enseignantes, se livrent à la prostitution occasionnelle et/ou permanente et sans se mettre à l’écart des actes ignobles embrassés de façon tenace par les hommes du Bic et de la Craie. Pourtant, même étant  un enfant de 1992 tout près, j’ai connu une période, dans mon village où l’enseignant était le seul phare à même d’éclairer toute la communauté villageoise. De nos jours, ce nom est décrié partout. Même à la présidence du Faso ce rejet se fait sentir de par le traitement que vous nous réserver. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre dans la bouche de n’importe quel citadin ou de n’importe quel villageois, si tu fais, je vais te maudire pour que tu deviennes enseignant. Et je m’interroge comment peut-on être aussi perdu et naïf pour confier son enfant et son avenir à un maudit. Je m’interroge, comme pouvez-vous nous remettre l’avenir du pays alors que nous ne sommes que des bons à rien. Ô mon Dieu ! Quel sacrilège ? Je suis enseignant. J’enseigne. Mais je saigne. Je saigne du désespoir et je me perds. Monsieur le Président, dites à votre représentant à l’éducation d’arrêter de me terroriser! Arrêtez de me terroriser car je crois être un citoyen comme vous, même si la chance ne m’a pas encore souri comme vous. Je ne suis pas un malheur. C’est vous qui me faites malh eur. Remettez-moi mon argent ! Monsieur le Président, je tiens à ce que vous sachez que le monde est une cabane où les choses ne sont jamais figées. Elles changent constamment. L’expérience indexe des nantis qui se retrouvent dans la rue, en culotte, souvent sans chemise, avec des ordures en bandoulières, une boîte à la main pour quémander et survivre. Que Dieu vous éloigne de cela. Car j’ai de la peine en voyant ça. La même expérience indexe des Hommes défavorisés du départ mais qui se hissent à l’arrivée au sommet inattendu. Il m’est difficile de comprendre, qu’une administration qui se veut sérieuse, dirigée par un homme qui se dit sérieux soit incapable d’établir pendant deux ans un acte administratif qui reconnaît un agent dans sa nouvelle catégorie. Dans quelle administration sommes-nous ? Sommes-nous réellement dans un État de droit où le droit pèse ou dans un État voyous où la force des fortes primes sur le droit des faibles ? Voilà autant de questions que je me pose inlassablement. A la limite,  j’aperçois un manque de volonté à le faire. Ce manque de volonté s’illustre dans l’intention de me confiner. Pardon de confiner l’enseignant dans le cercle vicieux de la pauvreté, de lui dépouiller de sa dignité et de son autorité dans l’espoir de voir croupir le peuple dans l’ignorance et la misère. Ce qui vous donne le feu vert d’utiliser cette masse laborieuse, ignorante et innocente comme un bétail électoral dont un sac de tourteau est suffisant pour les rassembler dans un enclos national, régional, provincial ou communal pour une idée politique. Le silence dans de tel cas est suicidaire. Avec mes confrères, nous avons décidé de prendre la parole. De prendre la parole le 24 août 2020, avec le M18, mouvement né pour la circonstance. Cette décision a été prise pour que toute la communauté nationale et internationale découvre la boue dans laquelle sont éclaboussés les Instituteurs Certifiés de 2018, 2019 et 2020. La boue dans laquelle vous avez embourbé toute ces promotions et probablement celles à venir. Expressément monsieur le Président du Faso, je vous attribue la responsabilité de tout. On ne nomme pas une personne ministre parce que la personne est simplement bon en politique. Non! A cela s’ajoute la compétence de la personne dans le domaine où elle est nommée. L’éducation est un domaine sensible comme celui de la santé, celui de la défense et de le sécurité. La sensibilité de ces domaines interpelle tout Président de ne jamais les confier à n’importe qui. Car toute moindre erreur est fatale et imparable.

Dans l’attente d’une prise en compte de ma douleur, de mes observations et recommandations, je prie d’agréer, monsieur le Président du Faso, l’expression de mes sentiments les plus sincères.

Adama DABILGOU dit le seigneur, Instituteur Certifié, Gestionnaire des Ressources Humaines, Manager, Coach, Médiateur, Négociateur et Gestionnaire de Conflits, Spécialiste en Communication, en Environnement et développement durable, en Leadership, en Gestion de projet et en Epidemiology et bientôt Spécialiste en Journalisme à l’Université d’État de Michigan au État Unis et par ailleurs SG du SYNIACCB et P-DG de la CAIBF, une entreprise en gestation.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page