Justice

Procès présumés terroristes : la liberté pour le berger qui a séjourné au camp d’Ansar Dine

12 août 2021, cinquième et dernier jour de la première session de jugement de la chambre correctionnelle spécialisée du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes terroristes. Quatre dossiers sont inscrits au rôle, dont celui d’Oumarou Issa Barry, poursuivi pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste mais qui a bénéficié du doute des juges, échappant ainsi à 21 ans de prison ferme, comme avait requis le parquet.

Illustration camp d’entraînement terroriste (Ph. Internet)

Né en 1990. Nationalité malienne. Berger. Marié, père de sept enfants.  Domicilié à Kiéta, commune de Bourzanga : lorsque le juge a ainsi esquissé son identité, Kassoum Cissé n’a pas trouvé à redire. Ce qu’il réfute, ce sont les faits à lui reprochés : association de malfaiteurs, dégradation volontaire de biens mobiliers et immobiliers, le tout en lien avec une entreprise terroriste. Ces faits remontent à 2017, précisément dans la nuit du 6 au 7 novembre. Cette nuit-là, des individus armés, au nombre d’une demi-douzaine, ont attaqué la brigade territoriale de gendarmerie de Bourzanga.

Selon les enquêtes, Kassoum a participé à cette attaque signée du groupe Ansarul Islam de Malam Dicko et qui s’est soldée par des biens saccagés et du matériel emporté.

Kassoum Cissé a été interpelé en 2019, placé sous mandat de dépôt à la gendarmerie de Kongoussi, qui sera plus tard la cible d’une autre attaque armée. A la barre c’est un trentenaire tout distrait qui a balayé du revers de la main les accusations. Il nie ses affirmations devant le juge d’instruction selon lesquelles il appartient à un groupe terroriste de 15 personnes à savoir 12 Peuls et 3 Bêlas et qui est affilié à Ansarul Islam. Il tente par moment de faire croire qu’il ne jouit pas de ses facultés mentales en lâchant par exemple un « je ne suis pas totalement fou mais je prends de médicaments ». Il s’est même permis de se passer des services de l’interprète qui traduisait au juge ses propos en fulfulde. Ce dernier conclu que le mis en cause ne veut pas répondre aux questions.

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Pour le ministère public, la culpabilité du prévenu ne souffre d’aucun débat. C’est pourquoi il a requis à en encontre 21 ans de prison ferme, une sûreté de 14 ans ainsi qu’une amende de 2 millions ferme, exactement la peine que le juge a prononcée.

Libre au nom du doute

Si les juges ont décidé le maintien du père de sept enfants dans les liens de la prévention, ce n’est pas le sort qu’ils réserveront à son successeur à la barre, Oumarou Issa Barry. En clair, le doute a bénéficié à ce dernier. Malien, célibataire et père de 3 enfants, Oumarou, 27 ans, est poursuivi pour association de malfaiteurs et formation au maniement des armes en relation avec une entreprise terroriste. Jamais condamné, jamais recruté, ce berger a été interpellé en 2019 en territoire burkinabè, pour vol d’une motocyclette avec soupçon d’appartenir à un groupe terroriste. Suivant le dossier de l’instruction, l’homme a adhéré à la faction malienne du groupe Ansar Dine mais opérait en territoire burkinabè. Il a été mis aux arrêts suite au vol de l’engin roulant qu’il tentait d’acheminer vers la base terroriste, selon les enquêteurs.

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Mais à en croire le mis en cause, il n’en est rien. Il reconnait avoir séjourné, 11 jours durant, dans un camp terroriste où il a appris le coran, mais n’y a été emmené que contre son gré. Et d’arguer que son village était régulièrement visité par des combattants du groupe Ansar Dine qui y torturait hommes non barbus et femmes non voilés.  Même si le prévenu avait déjà été blanchi par le juge d’instruction des accusations de formation au maniement des armes dans au sein de la base terroriste, son récit à la barre n’a pas convaincu le ministère public. Selon le parquet qui a requis 21 ans de prison ferme assorti d’une sûreté de 14 ans ainsi qu’une amende de 2 millions de F CFA, Oumarou est le type de personne aux services de groupes terroristes communément appelé « cellules dormantes », car allant dans des camps d’entrainement et d’endoctrinement et revenant dans leurs villages se comporter en citoyens ordinaires. Néanmoins, ce n’est la conviction des juges qui ont estimé que le doute bénéficie au prévenu et qu’il n’y a pas lieu de le maintenir dans les liens de la prévention.

Avant de renvoyer le quatrième dossier du jour à une prochaine session de jugement, dont la date n’est pas déterminée, et clore du même coup la présente,  un troisième prévenu, un autre Oumarou, a été entendu à la barre. Lui est Dicko, un berger dont le téléphone a été utilisé par un des assaillants lors d’une attaque perpétrée en mars 2017 contre la mine d’or d’Inata, dans le nord du Burkina. Poursuivi pour détention illégale d’armes et associations de malfaiteurs le tout en relation avec une entreprise terroriste, il a été condamné à 10 ans de prison ferme dont 7 ans de sûreté ainsi qu’une amende d’un million de F CFA.

Bang-Sida Simbé

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