Justice

Dossier Norbert Zongo : « La Cour européenne veut s’assurer que les nouvelles autorités sont dans la même disposition que le président Kaboré », Me Sankara

Le 23 mars 2022, la France a envoyé une lettre officielle  à l’ambassade du Burkina Faso à Paris pour demander aux nouvelles autorités du pays de réitérer certaines garanties entrant dans le cadre de l’extradition de François Compaoré, principal accusé dans l’assassinat, le 13 décembre 1998, du journaliste d’investigation Norbert Zongo. De quelles garanties il s’agit exactement ? Quelle sera la suite de cette procédure ? Réponses de Me Bénéwendé Stanislas Sankara qui nous a accordé un bref entretien le 3 mai 2022.

Me Bénéwendé Stanislas Sankara



Dans le cadre du dossier Norbert Zongo, les autorités françaises ont demandé au Burkina de réitérer des garanties. Dites-nous de quoi il s’agit exactement?

D’abord, il faut savoir que la demande d’extradition émane de l’Etat du Burkina Faso qui souhaite l’extradition de monsieur François Compaoré qui a été arrêté par les autorités françaises dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt international et conformément aux accords judiciaires qui existent entre le Burkina Faso et la France. Monsieur François Compaoré, par l’entremise de ses avocats, avait justement attaqué cette décision d’arrêt devant les juridictions françaises. C’est parti même jusqu’au Conseil d’Etat qui, si vous le voulez, est la juridiction supérieure de toutes les juridictions. Ainsi, ce Conseil d’Etat français a simplement entériné la première décision en disant que monsieur François Compaoré doit être purement et simplement extradé vers le Burkina Faso qui a rempli toutes les conditions exigées par les juges français.

Rappelez-nous ces conditions svp.

Entre autres conditions, il fallait d’abord que dans l’Etat requérant qui est le Burkina Faso la peine de mort ne soit pas en vigueur, qu’il puisse offrir au détenu des conditions de détention qui respectent la dignité humaine et que le procès éventuel soit équitable et respecte les normes internationales. Et il se trouve justement qu’entre temps, notre pays a aboli la peine de mort. Il est également en mesure d’offrir au détenu des conditions de détention qui respectent la dignité humaine. Enfin, en matière de procès équitable et respectant les normes internationales, le Burkina Faso a une grande jurisprudence.


Ces conditionnalités avaient déjà été examinées par les juges français qui avaient estimé que le Burkina est un pays où monsieur François Compaoré peut être extradé conformément à la loi. Mais, je crois que monsieur François Compaoré, ne voulant pas se faire extrader, a poussé jusqu’à ce que ses avocats saisissent la Cour européenne des droits de l’homme qui est une juridiction européenne ayant pour mission de voir si l’Etat français qui est membre de cette Cour a respecté la procédure.

Si le Burkina est en mesure de respecter toutes ces conditions, pourquoi la France demande encore des garanties?

Si la France se tourne une fois de plus vers le Burkina Faso, c’est certainement dû aux évènements du 24 janvier 2022, à savoir le coup d’Etat. Mais ce qu’il faut savoir c’est que la Constitution a été rétablie et que nous sommes dans un Etat de droit. Je pense que c’est dans ce sens que la Cour européenne voudrait s’assurer que les nouvelles autorités politiques burkinabè sont dans la même disposition de garantir à monsieur François Compaoré un procès équitable avec des conditions de détention qui respectent les normes. Donc, si la France s’est retournée vers les nouvelles autorités, il était de bon aloi que l’autorité politique burkinabè réponde à la requête de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce sont des communications qui existent d’un point de vue procédural mais on ne peut pas, dans un silence, se contenter purement et simplement de dire que le Burkina avait déjà satisfait à ces conditions devant les juridictions françaises et ne pas répondre à la Cour européenne qui est une autre juridiction.

Que savez-vous de la réponse apportée par les autorités politiques burkinabè?

Le gouvernement du Burkina a rendu publique un communiqué pour dire qu’il a répondu à bonne date à ladite Cour. Nous attendons bien sûr de voir puisque la déclaration ne dit pas exactement à quel moment la réponse a été communiquée et nous ne savons rien non plus du contenu. Pour l’opinion nationale et internationale, les nouvelles autorités burkinabè, sous la présidence du lieutenant Paul Henri Sandaogo Damiba, réaffirment à la Cour européenne la disposition du Burkina Faso, sa volonté de voir l’extradition de monsieur François Compaoré. Ce n’est pas une remise en cause mais une confirmation de ce que monsieur François Compaoré doit être purement et simplement extradé vers le Burkina.

Et donc on lui garantit tout ce qu’il faut…

En fait, la garantie n’est pas ut singuli. Ce n’est pas parce que c’est lié à monsieur François Compaoré. Les garanties dont on parle sont intrinsèques à l’Etat de droit pour tout justiciable qui se trouverait dans la même situation que lui. Il est un cas d’espèce : il est Burkinabè, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international et nous avons des accords de coopération avec la France qui permettent de l’extrader. Maintenant, la loi française détermine un certain nombre de conditionnalités que le juge apprécie. Et le Burkina a satisfait ces conditions en donnant toutes les preuves, toutes les garanties mais c’était sous l’empire du président Roch Marc Christian Kaboré. Même la loi portant abolition de la peine de mort a été initiée sous l’ancien président. Maintenant qu’il y a une junte militaire qui est arrivée au pouvoir, la juridiction européenne veut s’assurer que les mêmes conditions sont toujours de mise. Voilà pourquoi je dis que le communiqué rendu public par le porte-parole du gouvernement vient confirmer cette volonté des nouvelles autorités de voir extradé monsieur François Compaoré. C’est ce que j’ai compris du communiqué.

Si le gouvernement burkinabè a effectivement répondu, à quand donc le retour de François Compaoré à Ouagadougou ?

C’est trop facile de donner des dates…

Mais quelle sera la suite ?

La suite c’est que la Cour européenne des droits de l’homme, au regard des communications qui seront faites par le Burkina et la France, va rendre une décision. Les dates qui ont été données sont butoirs pour permettre à la Cour de rendre une décision. Si elle dit que monsieur François Compaoré doit être extradé, parce que le Burkina Faso est un pays qui respecte les droits de l’homme et que les conditions d’extradition sont réunies comme le Conseil d’Etat français l’a déjà dit, monsieur François Compaoré, de mon point de vue, n’aura plus d’autres voies de recours. Il devra se faire extrader purement et simplement, au besoin manu militari vers le Burkina Faso, son pays d’origine.

Propos retranscrits par Zalissa Soré

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Un commentaire

  1. Bel article ; Bravo à la journaliste!

    Paix à l’âme de Norbert Zongo!!! MAIS CE QUI M’ENERVE DE CE DOSSIER, c’est pourquoi diable on traine tant à faire ce procès, depuis X années???! Si des éléments existent réellement, alors jugez et finissons-en!!!
    Voyages en Europe, frais de communications etc!?… Franchement, arrêtez de saigner le Trésor Public sur ce dossier ; par ces temps-ci, nous avons besoin de l’argent pour autres choses (URGENTES). Mais j’ai l’impression que certains secouent les cadavres juste pour gagner leur pain ou se faire un nom, plutôt que par réelle soif de Justice: si c’est avéré, c’est extrêmement malsain!
    Ce qui me pousse à penser ainsi?! C’EST SIMPLE: on a jugé Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando sans leur présence ici, à Ouaga. Sans commission rogatoire pour les entendre, là où ils sont, et sans attendre d’extradition… Alors pourquoi sur ce dossier on se secoue autant pour la venue de François Compaoré? Est-ce juste pour satisfaire ls égos de certains!

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