Culture

Cinéma burkinabè : à la redécouverte de Serge Henri

Nombreux le connaissent certainement à travers la mythique série télé, ‘’Vis-à-vis’’ d’Abdoulaye Dao ou encore par ‘’Une femme pas comme les autres’’, un long métrage du même réalisateur. Pourtant Serge Henri, alias Max, se reconnaît des moins  exposés dans les médias. Mais, récemment dans  un café de la capitale, nous avons réussi à voler un peu de son temps au natif de Léo (Sissili). A travers une entrevue nous en avons su davantage sur son parcours de comédien, sa vision du cinéma burkinabè et ses projets futurs.

A 62 ans, Serge Henri continue d’être sollicité sur les plateaux de tournage

Il est le barman au ton ferme dans l’emblématique série, Vis-à-vis, dont il est le co-géniteur avec le réalisateur Abdoulaye Dao. Serge Henri dit Max ne l’a plus jamais quitté depuis cette série dont les premiers épisodes ont été tournés dans les années 90.

Jovial et taquin, de lui, les critiques du 7e art affirment qu’il se distingue difficilement dans la vie courante de son personnage de cinéma ou de théâtre. De sa génération, Serge Henri est encore l’un de rares qui n’ait pas décroché avec les plateaux de tournage.

De son vivant, le défunt réalisateur Idrissa Ouédraogo, affirmait souvent que  l’artiste n’a pas de retraite. C’est aussi le credo du natif de la Sissili. Un acteur, dit-il, peut jouer jusqu’à 90 ans, « s’il peut se tenir sur ses deux jambes ou qu’il arrive à parler, à incarner des rôles ». Car pour celui que des amis d’enfance ont surnommé « Café au lait », allusion à son teint bronzé, « un acteur de 45 ou de 90 ans se maquille pour jouer le rôle d’un vieillard ou d’un jeune », et « l’acteur est comme le vin qui se bonifie à mesure qu’il vieillit ».

Ainsi, à 62 ans, chevelure blanche, celui qui, dans une autre vie, fut d’abord laborantin d’usine, puis concepteur de spot publicitaire, est régulièrement sollicité  pour incarner des rôles, si bien qu’il nous a été difficile de lui voler un peu de son temps.

A l’égard de Serge Henri , le réalisateur, Abdoulaye Dao ne tarit pas d’éloges

Si aujourd’hui plusieurs films burkinabè portent des empreintes de Serge Henri, ce dernier reconnaît que ses premiers pas dans le septième art n’ont pas été sans épines.

« L’acteur n’est pas respecté »

Anecdote :   « Nous avons débuté le tournage des dix voire des vingt premiers épisodes de Vis-à-vis avec 50 000 F CFA la série. C’est la somme que la télévision nationale a mis alors à notre disposition. Et chaque acteur était payé à 5000 francs l’épisode. On a travaillé comme ça jusqu’à ce que la série prenne de l’ampleur, et avant que le ministre de l’Information et de la Communication d’alors, Mahamoudou Ouédraogo ait eu, disons, pitié de nous en décidant de nous octroyer une pige à chaque acteur qui avait finalement 25 000 F CFA. Mais ça, ce n’était que plus tard dans les années 2000. Ainsi, si vous faisiez quatre épisodes, ça vous faisait 100 000 F CFA. On était très heureux d’avoir cette somme parce que ça permettait au moins de payer l’eau et l’électricité à la maison. Pourtant, cette série a été diffusée sur les chaînes internationales telles que Canal France International et TV5. Je pense d’ailleurs qu’au Burkina, c’était l’une des séries les mieux regardées à l’époque ». Serge Henri le reconnaît, seule la passion reste la motivation.

Sur scène, Serge Henri est « extrêmement lucide dans l’improvisation » estime le réalisateur de Vis-à-vis, Abdoulaye Dao

Aujourd’hui, les choses ont évolué, juge le publicitaire reconverti. Preuve pour lui, « les acteurs touchent par série, 200 000, 400 000, parfois plus d’un million de francs CFA ». Mais comme bien d’autres du domaine, il estime que l’acteur au Burkina mérite mieux que la place qui lui est conférée. « L’acteur n’est pas respecté puisque rien n’est fait pour qu’il le soit. Il ne l’est pas à partir de l’instant où une production se permet par exemple de lui payer 100 000 F ou 150 000 F CFA pour un film ou un rôle où logiquement il est prévu qu’il doit avoir par exemple 1 500 000 f CFA. Le discours tenu est que ‘’si ce n’est pas toi, ce sera quelqu’un d’autre’’, simplement parce que tout le monde rêve d’être acteur ou de faire du cinéma. Au finish on accepte des compromis tout de même avilissants. Mais des gens se cantonnent à ça, ils sont heureux d’être vu à la télévision. Ils ne se font donc pas respecter, et les producteurs et réalisateurs en profitent ».

Jardinier-éleveur dans une vie prochaine

Qu’à cela ne tienne, Serge Henri ne regrette pas d’avoir emprunté le chemin qui mène aux écrans de télévision ou des salles obscures, après une trentaine d’années de carrière. Satisfaction surtout morale, d’autant plus que pour celui qui a été fait chevalier de l’Ordre du mérite dans les années 2000,seule suffit  «la noblesse » du métier : « Je ne regrette pas et ne regretterai jamais d’avoir choisi ce métier grâce auquel partout où je vais on m’appelle par mon pseudonyme Max du film Vis-à-vis. Des gens se mettent presqu’à genou des fois pour me saluer ou me rendre service. On ne peut pas payer le respect des téléspectateurs ou des cinéastes », se réjouit-il.

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Marié et père de trois enfants, le comédien à la riche filmographie n’est pas au bout de ses ambitions professionnelles, lui qui n’a pas encore été sur le podium des lauréats du FESPACO. « Je n’ai pas eu un prix au FESPACO, ce qui n’est pas bien grave, me disant que tant qu’il y a la santé et que le travail continue on pourra, à travers un film, remporter un trophée au moins. J’ai toujours grand espoir parce que même si je n’y ai pas obtenu un prix, des films dans lesquels j’ai joué en ont raflés ».

Au plan social, le double lauréat du meilleur rôle masculin aux festivals Khouribga au Sénégal et Ecran noir au Cameroun ne cache pas son regret de n’avoir pas toujours eu assez de temps pour les siens, du fait des exigences de son métier. Mais il compte visiblement se rattraper même s’il nourrit le rêve d’une autre vie consacrée à l’élevage et au petit jardinage, « loin de la ville avec ses pollutions ».

Bernard Kaboré

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