Culture

Remonter en musique le moral des troupes : le « Sacerdoce » de Whé wé

Quand le combattant fait reposer son arme pour une chanson d’hommage à ses frères tombés sous les balles assassines de l’ennemi, on ne peut que tendre l’oreille pour saisir des mots lourds de sens. On peut ainsi dire de « Sacerdoce », un single que le gendarme et artiste slameur, Auguste Sama alias Whé Wé vient de mettre sur le marché du disque en attendant la sortie d’un album. Un chef d’œuvre plein d’émotions qui ne laisse pas indifférent le mélomane, pour peu que ce dernier soit sensible à la situation sécuritaire difficile que traverse le Pays des Hommes intègres.

Pour l’artiste Whé Wé, la musique est un allié essentiel au combattant

Entre la musique et Auguste Ghislain Sama alias Whé Wé, c’est une histoire à laquelle s’est mêlé le pandore qu’il est devenu depuis 2017. Avant de se frotter au métier des armes, le jeune homme, aujourd’hui âgé de 26 ans, est d’abord un amateur de rap en quête de ses marques. Puis, il découvre le slam, un genre voisin qui lui convient à merveille. « J’ai découvert que j’étais mieux posé en slam qu’en rap », raconte-t-il.

Les premiers pas de Whé Wé en slam sont prometteurs. Il s’est fait surtout remarquer lors de concours auxquels il a participé. « En 2015, à l’occasion d’une soirée dédiée à la Journée internationale de lutte contre la faim, j’ai livré devant un public une brillante prestation qui m’a valu une attestation de reconnaissance. L’année qui a suivi cette expérience, j’ai pris part au Tremplin artistique de la jeunesse à Tenkodogo où j’ai obtenu le troisième prix », confie le jeune homme.

Au même titre que la musique, Auguste Sama est passionné de la tenue bleu bariolée par laquelle on reconnaît le gendarme burkinabè. L’ex-choriste de la chorale Sainte Cécile de Tenkodogo se souvient en effet que, déjà enfant, la gendarmerie lui paraissait un corps d’élite impressionnant.

Anecdote : « Sur le chemin de l’école, il y avait une brigade de gendarmerie. Et à chaque fois que j’arrivais à hauteur de cette brigade, je m’arrêtais pour admirer les éléments dans leur tenue bariolée. Cela a fortifié mon envie de devenir, moi aussi, gendarme », se rappelle-t-il. En 2017, le rêve d’Auguste devint réalité, alors qu’il est en première année de Sciences économiques et gestion, il passe avec succès le concours d’entrée à l’École nationale des sous-officiers de gendarmerie.

Un reflet du vécu des troupes combattantes

Quand deux passions se rejoignent, il en résulte forcément un produit au goût unique. Le single est baptisé « Sacerdoce » et est éponyme de la promotion dont relève le maréchal de logis qui se prépare à enregistrer une demie douzaine titres déjà bouclés. Grosso modo dans « Sacerdoce », il est question de remonter le moral des troupes, de rendre hommage aux combattants fauchés par les balles de l’ennemi au moment où le Burkina est durement éprouvé par des attaques terroristes depuis plusieurs années.

Au détail, Whé Wé – « Dieu est présent » en langue marka, dépeint le vécu quotidien des hommes au front, loue leur bravoure, note la noblesse du combat pour lequel certains d’entre eux ont définitivement déposé les armes, … Morceaux choisis :

« Le combat nous mène à bon port, suons, donnons de tout ce nous avons pour que brille à nouveau notre drapeau de sa couleur or »

Soyons fort, d’un mental de fer même si nous enterrons toujours des corps depuis que ces lascars se pavanent au nord »

« Même si certains ignorent mes merveilles, je leur dis aujourd’hui que je porterais toujours le treillis pour les mettre à l’abri pendant que je survis »

« Si j’ai mis du temps pour vous écrire ce n’est pas parce que je vous ai oublié ;

C’est tout simplement parce que je cherchais la bonne plume pour exprimer mon chagrin et mon cœur attristé ».

Requinquer le moral pour la poursuite de la lutte

Sacerdoce, c’est un ensemble de vers soigneusement posés sur des notes de piano et qui finit par un chœur de voix féminines pour ce refrain : « Au revoir la famille, au revoir les amis », en hommage aux défunts frères d’armes. Pour la petite histoire, cette chanson est née à l’école des sous-officiers de gendarmerie. Son auteur se rappelle qu’il la fredonnait au grand bonheur de ses compagnons d’études, puis de ses frères d’armes sur le terrain. C’est d’ailleurs le passage sur le terrain qui a renforcé l’idée d’enregistrer le titre, fait savoir le maréchal de logis.  « Sur le terrain, j’ai fait le constat des dégâts causés par le terrorisme et cela m’a un peu galvanisé à faire ce tube, à encourager ceux qui sont touchés psychologiquement à continuer le combat afin qu’on aille à bon port dans la lutte ».

Bientôt, Sacerdoce sera disponible en clip. Mais déjà, son auteur nourrit un grand espoir : que son tube voyagera, dépassera le cercle des Forces de défense et de sécurité, touchera aussi des cœurs de civils. Car « la lutte contre le terrorisme est plus que jamais une affaire de tous », se convainc l’artiste. Et d’ajouter : « Si aujourd’hui à Ouagadougou comme dans d’autres villes les populations peuvent vaquer à leurs occupations, c’est parce qu’il y a des gens qui abattent un travail au front, qui y donnent leur vie. Nous ne demandons pas un soutien financier d’autant plus que nous percevons un solde. Ce solde ne peut d’ailleurs pas payer une vie, si ce n’est juste de nous aider à prendre soin de nos familles. Quoi qu’il en soit, les populations doivent faire l’effort de soutenir moralement les FDS, de les galvaniser dans cette lutte », lance le gendarme musicien.

Bernard Kaboré

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