Justice

Dossier charbon fin : le rapport d’expertise aux mains des parties

Nouveau rebondissement dans le dossier dit « charbon fin » qui implique la société minière IAMGOLD Essakane, Boloré Transport & Logistic ainsi que des personnes physiques dans une fraude présumée en matière de commercialisation de l’or. Ce 11 juillet, les résultats du rapport d’expertise demandé par la mine ont été transmis aux différentes parties au procès, ouvrant ainsi la voie à 90 jours d’observations, lesquelles devraient déboucher sur la programmation d’une nouvelle audience.

Du charbon fin transformé (Ph; d’illustration, source WakatSéra)

A cette séance consacrant la remise du rapport d’expertise voulu par la société minière IAMGOLD, c’est d’abord l’ouverture ou non de ladite séance à la presse qui a donné lieu à d’intenses débats. « Monsieur le président, nous voulons d’abord savoir si l’audience est publique. Procéduralement, je ne pense pas que des personnes autres que celles parties prenantes au procès sont autorisées à assister à cette séance qui est d’ailleurs supposée se tenir dans votre bureau », a tonné un avocat à l’endroit du juge, en voyant prendre place des journalistes dans la salle. Et un de ses confrères de saisir la balle au bond : « En recevant l’invitation à la rencontre de ce matin, il ne m’a pas été dit que je suis convié à une conférence de presse », a-t-il déclaré en se fondant sur le code de procédure pénale.

Pour d’autres avocats, tout comme pour le ministère public , il n’y a pas de quoi fouetter un chat, la séance, à ce stade de la procédure peut se tenir en présence des scribouillards. Le juge a finalement tranché, la présence des journalistes est autorisée seulement lors de la présentation du rapport. Pas question donc d’assister aux débats sur le délai que prendront les avocats pour formuler des observations sur le document ou la date à convenir pour la reprise de l’audience.

Le rapport d’expertise devrait permettre aux parties de disposer de plus d’éléments d’appréciation du dossier

Au sortir du huis clos, peu de précisions ont été données sur le contenu du rapport que les parties comptent examiner minutieusement. « C’est un rapport, nous imaginons, avec une terminologie suffisamment technique, nous avons besoin d’un peu de temps, avec le REN-LAC et avec l’appui de personnes outillées en matière de langage technique pour nous expliquer le  contenu », a indiqué Me Prosper Farama, avocat constitué partie civile auprès du REN-LAC. Me Pierre Yanogo, avocat de la mine d’Essakane, espère qu’avec ce rapport, l’opinion sera mieux située sur l’affaire et que la justice sera enfin dite sur ce dossier qui a tant nourri l’actualité.

Par « charbon fin », tout l’objet de ce rapport, il faut entendre un produit issu d’un procédé de récupération de l’or. Du charbon activé, fait à base de carcasses de noix de coco, est utilisé pour capturer les particules fines d’or. Dans le processus d’extraction de l’or avec le charbon, un tamis permet de séparer « le charbon grossier » et « le charbon fin » qui est traité et mis dans des sacs pour être expédié vers la fonderie. Dans le cas qui oppose la justice burkinabè à la société Essakane et d’autres prévenus, c’est la teneur en or du charbon qui est mis en jeu. Selon une source proche du dossier, les résultats de l’expertise demandée par la mine établit une importante teneur en or des échantillons analysés, confirmant les premières analyses.

Me Pierre Yanogo, avocat d’IAMGOLD Essakane, semble confiant quant à la qualité du rapport d’expertise

En rappel, un premier rapport, commandité par le parquet, avait été contesté par les avocats de la défense. Le présent devrait permettre aux juges de disposer de plus d’éléments d’appréciation sur les charges qui pèsent sur les personnes physiques et morales mises en cause dans ce dossier appelé pour la première fois en audience en août 2019.

L’affaire elle-même remonte à 2018.  En décembre de cette année-là, 32 conteneurs contenant du charbon fin, propriétés d’Iamgold Essakane SA, ont été saisis par la Brigade nationale anti-fraude (BNAF) du Burkina Faso à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou. Ce charbon fin contenant de l’or était destiné à l’exportation. Essakane (société canadienne) et Boloré (française) sont poursuivies par la justice burkinabè  pour des infractions de faux et d’usage de faux en écriture privée de commerce, d’exportation illégale de déchets dangereux, de fraude en matière de commercialisation de l’or et autres substances précieuses, de blanchiment de capitaux. Outre la mine et le transporteur Boloré Transport & Logistic, le doigt accusateur est pointé sur des personnes physiques relevant notamment de la Direction générale des douanes (DGD).

Pour Me Prosper Farama, la remise de ce rapport permettra l’avancée du dossier

Dans un communiqué daté de février 2022,  le procureur du Faso situait l’opinion sur l’évolution du rapport d’expertise demandé par les avocats en ces termes : « Initialement, les analyses de laboratoire devraient être effectuées dans le laboratoire français CRISMAT de l’Ecole Nationale Supérieure d’ingénieurs de Caen (ENSICAEN) suivant le jugement de commission d’experts. A l’épreuve, les experts ont constaté que le laboratoire précité, qui est un laboratoire de recherche, ne pouvait pas faire les analyses en temps raisonnable des plus de deux mille (2000) échantillons. Le 16 février 2021, à leur demande, le tribunal, autorisait les experts à recourir à tout laboratoire dans le cadre de leur mission. C’est ainsi que les analyses ont été finalement faites dans un laboratoire implanté au Ghana sous la supervision du juge commis à cette tâche ». Dans le même communiqué, le procureur précisait que dès le dépôt du rapport d’expertise, le dossier allait être enrôlé en vue du jugement.

Bernard Kaboré

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