Société

Séminaire régional UEMOA : pour que les réseaux sociaux ne deviennent pas des fléaux sociaux

Plus que jamais, lutter contre les dérives qu’occasionne Internet constitue un défi majeur pour les Etats. Au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la question est prise à bras le corps. En témoigne un séminaire régional d’information et de sensibilisation relatif aux comportements délictuels sur les réseaux sociaux tenu du 26 au 28 octobre 2021 par visioconférence, à l’initiative de la Commission de l’institution.  Une rencontre qui a accouché de plusieurs recommandations dont l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’éducation au bon usage des réseaux sociaux et à la détection des fake news. 

Une vue des participants à la rencontre

Le 19 mai de l’année en cours, une fausse vidéo montrant des Nigériens s’attaquant à leurs voisins ivoiriens a poussé de jeunes ivoiriens à s’en prendre à des ressortissants nigériens en Côte d’Ivoire. Bilan : de 10 personnes blessées, 6 véhicules calcinés et des magasins pillés.

En juillet 2017, dans l’État indien du Bengale-Occidental, une photo publiée sur Facebook par un étudiant hindou et jugée blasphématoire par la communauté musulmane. Cette publication a entraîné de violents affrontements intercommunautaires, causant la mort d’un homme et faisant au moins 12 blessés.

Fin novembre 2016, suite à un faux communiqué sur une révision de ses comptes et le renvoi de son directeur financier, l’action du groupe Vinci dévisse sur les marchés, lui faisant perdre 7 milliards d’euros en dix minutes.

A Ouagadougou, Photo de groupe à l’issue de la cérémonie d’ouverture du séminaire

Des conséquences de dérives liées à l’utilisation des réseaux sociaux, on ne finira pas d’en énumérer, tant elles sont légion. Ces dérives sont aussi polymorphes : désinformation, chantage par le biais de contenus obscènes,  extorsion de fonds, etc.

A travers l’initiative du présent séminaire régional, l’UEMOA veut s’attaquer au mal qui, de jour en jour, gagne du terrain. Étendue sur trois jours, cette rencontre a réuni, par visioconférence, une soixantaine de participants des huit Etats membres de l’Union : des professionnels de médias, des parlementaires, des représentants des d’autorités en charge de l’audiovisuel, d’instances de régulation des communications électroniques, d’institutions de protection des données à caractère personnel, de ministères en charge de la justice, de la sécurité et bien entendu du numérique. Et comme axes principaux du programme, un partage d’expériences d’experts de différents pays sur les comportements délictuels sur les réseaux sociaux, des témoignages de journalistes spécialisés dans la lutte contre la désinformation.

L’absence d’une règlementation adéquate

Livrant un exposé sur les infractions et sanctions relatives aux actes délictuels sur les réseaux sociaux, le Professeur Akodah Ayéwouadan, ministre de la Communication du Togo a présenté les réseaux sociaux d’aujourd’hui comme un espace hybride où a lieu un mélange de genre et dont nombre d’utilisateurs en font un usage agressif ou transgressif. Par ailleurs, cet espace vu par certain comme la place de la démocratie est, selon le porte-parole du gouvernement togolais aussi l’endroit de l’effacement du visage d’autrui, du bannissement du temps de raisonnement, un espace où des individus sont à la recherche constante de coups d’éclats (buzz) et où tout le monde est expert de tout, explique le communicateur. Pour lui, les infractions sur les réseaux sociaux peuvent être réparties en deux grandes catégories, à savoir les atteintes contre la personne et les atteintes au groupe. Pour ce qui est des atteintes contre la personne, elles prennent notamment en compte les atteintes à l’honneur, à la dignité, la vie privée, l’intimité, etc. Afin que « les réseaux sociaux ne deviennent pas des fléaux sociaux »,  Akodah Ayéwouadan  a suggéré une éducation à ces nouveaux outils de communication ainsi qu’une démarche participative et collective des Etats.

Mais il est aussi question de mener la lutte par la réglementation et la régulation, une thématique développée par le Docteur Mouhamadou Lo, du Sénégal. Ce dernier a fait état d’une absence de réglementation et de régulation spécifique aux réseaux sociaux. A cela,  il a ajouté une insuffisance du dispositif juridique classique pour appréhender les évolutions technologiques.

Plutôt du fact-checking

Pour Mahamadou Lo, le combat contre les dérives sur les réseaux sociaux ne peut être sans une collaboration avec les géants du numériques regroupés aujourd’hui au sein des GAFAM, notamment en ce qui concerne la gestion des données. Une gestion de données déjà minutieuse chez Facebook, comme l’ont rassuré Par Balkissa Idé Siddo, Ilunga Mpyana et Olivia Tchamba, représentants du groupe à ce séminaire.

Le directeur de l’Economie numérique pour la Commission de l’UEMOA, Abossè Akué-Kpakpo

Pour leur part, les journalistes ayant livré des témoignages sur la lutte contre la désinformation ont insisté sur la nécessité de donner une place de choix au fact-checking, entendez, la vérification des faits. Pour Boureima Salouka de Faso check tout comme pour Valdez Onanina d’Africa Check ou encore Frédéric Garat de Radio France internationale (RFI), la désinformation est couramment source de tensions intercommunautaires. D’où l’importance, par ce fact-checking, d’assainir le débat public, de consacrer le droit à une information de qualité et de ramener la crédibilité dans les médias.

A la lumière des échanges, ce séminaire régional, première du genre, a révélé l’importance des enjeux liés aux comportements délictuels sur les réseaux sociaux. Preuve en est que l’une des recommandations formulées par les participants à l’endroit de la Commission de l’UEMOA incite à l’organisation d’autres rencontres régionales sur le même sujet ou des sujets liés à l’utilisation des outils numériques. Une recommandation parmi bien d’autres dont la Commission a pris note foi de son chef de département en charge de l’Economie numérique, Abossè Akué-Kpakpo.

Bernard Kaboré

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