Editorial

Coup d’Etat au Mali : Dur dur de bâtir des institutions fortes en Afrique

Et de 4  pour le Mali qui vit depuis hier un autre coup d’Etat ! Exit la VIème République, bonjour au régime du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Comme en 2012, lors du 3e putsch, le détonateur de ce pronunciamiento a été activé par une mutinerie dans le principal camp militaire aux environs de la capitale : Kati. Comme en 1991, à l’occasion de son 2e coup de force, la soldatesque a fait irruption  au-devant de la scène politique pour s’emparer des rênes du pouvoir après des manifestations de la rue, remettant en cause la légitimité des institutions républicaines. Comme en 1968, lors du 1er  coup d’Etat, l’armée se présente comme le Zorro de la nation, redresseuse des tords  de la corruption et de la gabegie orchestrés par des dirigeants peu probes.

Voilà ramassée l’histoire bruyante de l’intervention de la Grande muette malienne dans la vie politique du pays.

Sur le même sujet, on pourrait faire un bilan au passif plus lourd au Burkina, au Niger, au Ghana, en Guinée Bissau et  dans d’autres pays du continent hors de la CEDEAO. En réalité, il ne se passe pas 2/3 ans sans qu’on assiste à un changement inconstitutionnel de pouvoir en Afrique, si ce n’est une crise postélectorale qui met à mal la stabilité institutionnelle ici et là. Et on oublie les guerres civiles,  les attaques terroristes qui vont jusqu’à remettre en cause l’intégrité territoriale de certains Etats.

Certes, l’histoire d’aucun pays, y compris celle des vieilles nations, n’est un fleuve tranquille. Mais après 60 ans d’indépendance, pour la plupart des pays africains, on se serait attendu à plus de stabilité institutionnelle, atout centripète de l’Etat et  du renforcement de la communauté de destin des peuples dans des pays aux frontières sécurisées. Hélas, cet énième coup d’Etat en Afrique est un avatar des difficultés à y bâtir des institutions fortes qui assurent une bonne gouvernance, propice à des progrès socio-économiques à l’aune des énormes potentialités dont regorge le continent.

Au lieu de cela, bien de pays africains souffrent du délitement de l’autorité de l’Etat, voire de l’absence de l’Etat, avec des élites dirigeantes dont la probité est inversement proportionnelle à leurs discours démagogiques. La prédation des biens publics, qui enrichie une minorité de politiciens et leurs courtisans, prompts à tripatouiller les lois et les élections pour se maintenir au pouvoir, finie par rendre illégitimes, aux yeux de la majorité des populations,  les institutions républicaines les plus pertinentes.

Le cas du Mali où un président « démocratiquement » élu a été incapable d’opposer la force des institutions républicaines et de la loi à des conjurés putschistes est donc illustratif du bégaiement de l’histoire en Afrique subsaharienne où l’instabilité de certains Etats est un serpent qui se mord la queue : les régimes corrompus sont remplacés par des régimes plus corrompus, d’où la défiance des citoyens qui demandent des reformes voire une révolution mais sont vite déçus par les nouveaux maîtres du pays qui font pire que leurs prédécesseurs et le peuple demande à nouveau le changement. Un éternellement recommencement en quelque sorte. Et l’on s’exclame avec le Grand penseur Joseph Ki-Zerbo : A quand l’Afrique ?

Pourvu que l’avènement du Comité national pour le salut du peuple au Mali soit une piqûre de rappel  aux dirigeants africains, particulièrement aux chefs d’Etat de la CEDEAO,   sur leurs responsabilités de construire des institutions fortes dans la bonne gouvernance au service du progrès social et économique des Etats.

Zéphirin Kpoda       

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page