Retour au pays de tirailleurs sénégalais : Haie d’honneur pour l’histoire, l’humanité et la justice
La France exorcise les démons de son histoire coloniale. Dernier acte en date, et pas des moindres, le retour au Sénégal de 9 tirailleurs sénégalais, anciens combattants de l’armée coloniale, qui auront eu la chance de vivre plus qu’octogénaires.
Ils marquent d’une pierre blanche cette date du 28 avril 2023, ces braves soldats qui remportent la dernière bataille, mais combien importante, de leur vie ! La bataille de vivre libres parmi les leurs, dans leur pays natal, débarrassés de cette chaîne honteuse de la résidence alternée (6 mois) entre l’Afrique et l’ancienne métropole afin de bénéficier de leur pension de retraite.
Ce fut un véritable parcours du combattant pour ces survivants de plusieurs guerres qui sont passés par l’étape de la démobilisation avec cristallisation des pensions, la décristallition de celles-ci et, enfin, le droit au Minimum vieillesse, 800 à 850 euros par mois, avec en sus une aide financière exceptionnelle de l’Etat français.
De 2006 à 2023, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron en passant par François Hollande, les premiers magistrats français y ont mis du leur, donnant de vigoureux coups de pic à ce mur de la honte que constituaient les différences de traitement entre anciens combattants français.
Ce 28 avril, en débarquant à l’aéroport international Blaise-Diagne de Dakar, les 9 rescapés des boucheries de la guerre d’Indochine, d’Algérie et de la ségrégation d’origine, pour ne pas dire raciste, dans la jouissance de leurs droits de retraités et d’anciens combattants, voire de Français tout court pour certains, sont des héros de l’histoire, de l’humanisme et de la justice. Et cette dernière victoire du retour triomphal au pays natal est assurément la plus belle et la plus importante, d’où les titres dithyrambiques de nos confrères d’ici et d’ailleurs, notamment outre Atlantique, qui claironnent : ‘’Mieux vaut tard que jamais’’, ce ‘’retour de la dignité’’ qui leur vaut ‘’une satisfaction morale’’ et ‘’une joie immense’’. Dès lors, la haie en leur honneur ce 28 avril l’est aussi pour l’histoire, l’humanité et la justice.
C’est pourquoi on applaudit à tout rompre avec l’espoir que suivent d’autres retours au pays natal, d’autres murs qui s’écroulent et d’autres symboles qui émergent comme balises d’une Afrique décomplexée de son passé et d’anciennes métropoles qui font amende honorable pour les blessures indélébiles infligées aux peuples asservis, hier et aujourd’hui.
En cela, ‘’nos ancêtres les Gaulois’’ balaient devant leur porte avec le retour au village, en terre d’Ebène, de Yoro Diao (95 ans), d’Oumar Dieme (91 ans), d’Ousmane Sagna (86 ans) et des 6 autres estafettes, en attendant le gros de la troupe des 37 anciens combattants, tirailleurs sénégalais, recensés en France et concernés par cet élargissement de la servitude de la résidence alternée.
Hélas, on ne poussera pas que des hourras ce 28 avril pour Yoro Diao et ses bienheureux compagnons. Il y aura aussi des moments de silence et de soupirs de profundis. En effet, ils sont légionà avoir passé l’arme à gauche après avoir attendu en vain leur pension de démobilisation, de retraite, la décristallisation et le graal du Minimum vieillesse. On n’oublie pas, on oubliera jamais la tragédie de Thiaroye, le 1er décembre 1944, le naufrage du paquebot Afrique, le 12 janvier 1920, ni les drames silencieux sur les multiples fronts de bataille en Europe, en Asie et en Afrique où périrent des centaines de milliers de tirailleurs sénégalais, non générique donné aux soldats enrôlés dans l’armée coloniale française venus de l’ex-AOF.
Alors à côté de la fierté de ce retour triomphal au pays natal de Yoro Diao et autres, souvenons-nous, avec le poète Birago Diop, que nos soldats ‘’morts ne sont pas morts’’, ils sont dans le souffle de ces héros qui reviennent.
Zéphirin Kpoda