Tribune

Crise au Sahel et en Ukraine:  » l’Afrique doit anticiper et défendre ses intérêts « Dr Nestorine SANGARE

Ceci est une tribune du Dr Nestorine Sangaré, ancienne ministre de Blaise Compaoré, relative à la guerre en Ukraine et la crise au Sahel. Pour elle, dans cet autre nouvel ordre mondiale qui se dessine, l’Afrique doit anticiper et défendre ses intérêts.

« L’histoire se répète sur un même territoire. La conférence de Yalta s’est tenue du 4 au 11 février 1945 dans le palais de Livadia, situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta en Crimée, une province de l’Ukraine.

Cette réunion a réuni les principaux responsables de l’Union soviétique (Joseph Staline), du Royaume-Uni (Winston Churchill) et des États-Unis (Franklin D. Roosevelt). Les buts de la conférence de Yalta étaient les suivants :

– adopter une stratégie commune afin de hâter la fin de la Seconde Guerre mondiale ;

– régler le sort de l’Europe après la défaite du Troisième Reich ;

– garantir la stabilité du Nouvel Ordre Mondial après la victoire. L’objectif principal de Staline, qui était alors maitre du jeu, était de faire approuver un plan de partage de l’Europe du Sud-Est en « zones d’influence » pour l’après deuxième guerre mondiale. La version officielle soviétique avancée par Staline était de « préserver l’Union soviétique de futures attaques, comme ce fut le cas en 1914 et en 1941, en la protégeant par un glacis territorial et politique ». La diplomatie soviétique a œuvré donc pour commencer la création d’une Pologne dirigée par un gouvernement ami de l’URSS.

Plus de 77 ans après la Conférence de Yalta en Crimée, l’histoire se répète en Ukraine avec un scénario à peu près similaire. Cette fois-ci encore, la version avancée par Vladimir Poutine de la Russie est à peu près similaire à celle de Staline dont il reprend tous les arguments protectionnistes. Ce qui diffère, c’est que l’objectif réel de Poutine est de reconquérir des territoires perdus de l’Union Soviétique après leur défaite de la Guerre froide. L’occident n’a pas tenu parole et a démantelé l’Union Soviétique. Poutine est décidé à prendre la revanche et a préparé une « guerre chaude ». Il est à l’offensive face aux pays Occidentaux qui gesticulent et vocifèrent. Ce faisant, Poutine risque de plonger le monde entier dans une troisième guerre mondiale. En effet, il mise surtout sur le rapport de force et la supériorité de la puissance de feu russe et peu sur la concertation, en accusant les Occidentaux de n’avoir pas respecté les accords anciens de Yalta, de Malte et de Moscou. La seule façon d’éviter la confrontation est que les pays de l’OTAN laissent le nouveau Tsar russe s’emparer de l’Ukraine et des autres anciens Etats soviétiques, en trouvant des arguments plats.

Le monde a beaucoup changé depuis 1945. De nouveaux acteurs sont rentrés dans le jeu et les alliés d’hier ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Avec la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran et la Corée du Nord d’un côté et les pays membres de l’OTAN (Allemagne, USA, Angleterre, France, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège, etc) de l’autre, la configuration actuelle des alliances ne semble plus en faveur de l’Occident. Bien que le souvenir des bombardements de Hiroshima et Nagasaki au Japon demeure vivace, plusieurs pays disposent maintenant de la Bombe atomique et des armes de destruction massive. La Nouvelle donne est aussi que l’Afrique a subi le néocolonialisme des pays occidentaux qui n’ont pas tenu les promesses de la décolonisation et des indépendances. La jeunesse africaine est en colère contre la poursuite de l’hégémonie et l’exploitation occidentale sur plus de 100 ans. Elle s’offusque en particulier contre les velléités de la France de poursuivre cette mainmise impérialiste. L’heure du divorce Europe-Afrique semble sonnée et le Sahel est perçu comme le nouveau terrain de confrontation entre les grandes puissances du monde.

L’Afrique est devenue l’objet des convoitises non dissimulées des pays industrialisés qui fondent leur survie sur l’exploitation de ses ressources naturelles. Si c’est par la violence et la guerre que ces protagonistes vont se départager, les dégâts risquent d’être très immenses pour les africains qui ne peuvent nullement se défendre contre les uns et les autres et n’ont pas d’abri anti-nucléaire.

Avec les évènements au Sahel et en Ukraine, un autre Nouvel Ordre Mondial se construit sous nos yeux, après celui mis en place suite à la Deuxième Guerre Mondiale. Au risque d’assister en spectateur à un nouveau partage de l’Afrique entre ces puissances avides de matières premières, les africains doivent anticiper pour défendre ses intérêts. C’est de bonne guerre que l’Union Africaine ait envoyé un message invitant les protagonistes au dialogue. Aucun pays africain ne dispose de bombe à neutron ou d’armes chimiques de destruction massive.

Malgré tout, les leaders politiques africains doivent répondre présents à la prochaine rencontre de Yalta en Ukraine à défaut de pouvoir convier ses puissants belligérants à Bamako, Ouaga, Accra ou à Addis Abeba. Pour une fois, l’Afrique doit anticiper et défendre ses intérêts autour de la table des grandes puissances. Un rêve et un espoir. »

Dr Nestorine SANGARE

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