Justice

15 octobre 1987 : « L’assaut a été dirigé par Hyacinthe Kafando mais ordonné par Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré »

Après une dizaine de jours de suspension, le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et douze de ses  compagnons a repris ce 4 janvier 2022 dans la Salle des banquets de Ouaga 2000 avec la lecture des procès-verbaux d’audition de témoins de la partie civile qui, pour diverses raisons, ne passeront pas à la barre. Ainsi, tout comme pour une dizaine d’autres témoins, le greffier a donné lecture du PV du caporal Diwété Kambou. A croire ce témoin, la mort de Thomas Sankara a été programmée à l’avance et l’assaut au Conseil a été dirigé par Hyacinthe Kafando mais ordonné par Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré.

Blaise Compaoré (extr. d.) et Gilbert Diendéré (milieu) sont les commanditaires de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons, selon le témoin Diwété Kambou

Caporal à la retraite, Diwété Kambou était en service au Centre national d’entraînement commando (CNEC) sous la Révolution. Il fut d’abord chauffeur de Thomas Sankara avant d’être mis à la disposition de Blaise Compaoré lorsque ce dernier remplace le chef de la Révolution à la tête du Centre.

Devant le juge d’instruction, le militaire retraité s’est souvenu que peu avant les évènements du 15 octobre, des informations qui lui sont parvenues ont fait état de ce que la vie du chef de l’Etat était menacée. Le témoin croit savoir qu’initialement, c’est à Tenkodogo, lors d’un meeting tenu quelques jours plus tôt, que le président devait être assassiné. Le 12 octobre, Diwété Kambou, selon son témoignage, est allé informer le père de Sankara de ce qui se préparait contre son fils tout en lui demandant de rencontrer Blaise et Thomas en vue d’une réconciliation, car selon des indiscrétions à l’époque, des mésententes opposaient les deux leaders de la Révolution.

Deux jours après l’entrevue avec le père de Thomas Sankara, Diwété Kambou dit avoir reçu des envoyés de Blaise Compaoré et de Gilbert Diendéré, tous deux accusés dans ce dossier : « Ils ont envoyé Alain Bonkian et Ousséni Ouédraogo me dire qu’ils sont au courant de ce que je suis allé dire au père de Sankara ». Puis, « un message venu de Ouaga ordonnait de me tuer », selon le témoin.

Au soir du 15 octobre, après l’assaut au Conseil de l’Entente, Diwété Kambou, selon ses déclarations, a embarqué à Pô avec d’autres militaires du CNEC pour venir en renfort à Ouaga. « En cours de route, le convoi a marqué un arrêt et Alain Bonkian m’a ordonné de descendre et d’aller lui couper une branchette d’arbre. C’est à ce moment, je crois, que je devais être tué. Mais les militaires qui devaient le faire ne l’ont pas fait », a déclaré le caporal Kambou devant le juge instructeur.

Arrivé au Conseil, Diwété Kambou aurait été désarmé dès l’entrée, puis enfermé dans le pied-à-terre de Blaise Compaoré  où il aurait passé une semaine sans nourriture avant d’être transféré à la gendarmerie. Libéré par la suite, le témoin dit avoir été plus tard accusé de tentative de coup d’Etat en complicité avec d’autres personnes dont Tibo Ouédraogo (Ndlr : accusé dans le dossier). Et suite à cette accusation, Diwété Kambou aurait alors fait l’objet d’une recherche entreprise par Hyacinthe Kafando (accusé dans ce dossier), le contraignant à fuir à pied au Ghana voisin. Revenu plus tard au pays, l’ex-chauffeur de Thomas Sankara dit n’avoir pas convenablement bénéficié d’un processus de dédommagement : « Au lieu de 9 millions qui me revenaient de droit, je n’ai obtenu que 700 000 francs », a-t-il déclaré lors de l’instruction. Sur interpellation-réponse, Diwété Kambou a dit être convaincu que l’assassinat du Père de la révolution a été dirigé par Hyacinthe Kafando qui a été, lui, envoyé par ses patrons d’alors, en l’occurrence, Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré.

Bernard Kaboré

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page