Editorial

Lutte contre la désertification : le « j’aime ma terre à la folie » de Yacouba Sawadogo

Et de deux pour Yacouba Sawadogo ! Après le prix Nobel alternatif à lui décerné en novembre 2018, ce paysan modèle du Burkina vient d’être à nouveau honoré avec le prestigieux prix de « champion de la Terre »

Yacouba Sawadogo: « le fou » devenu « champion de la Terre »

C’est une distinction que les Nations unies attribuent aux dirigeants issus des milieux politiques, de la société civile ou du secteur privé pour leur engagement exceptionnel en faveur de la protection de l’environnement.

En cette année 2020, ils sont 06 lauréats à avoir été récompensés par l’ONU dont le Burkinabè Yacouba Sawadogo. L’homme est maintenant archi connu pour sa témérité dans la lutte contre la désertification. Il mène avec courage ce combat dans sa région natale du Yatenga, dans le village de Gourga, au nord du Burkina. Ainsi, depuis le milieu des années 1980, par la technique dite du zaï, une méthode ancestrale de culture et de conservation des sols, il a réussi à reverdir 27 hectares de terres arides en y faisant pousser au fil des ans une végétation qui jure avec la désertification qui sévit dans cette partie du Sahel. En cela, Yacouba Sawadogo a fait œuvre de pionnier incompris. En effet, il passait pour un fou auprès des autres paysans de la localité qui n’avaient pas compris que la désertification, la sècheresse et le désert qui vont avec ne sont pas une fatalité ; Au lieu de fuir ses terres hostiles comme les autres partis, à la recherche d’hypothétiques eldorados dans des régions du Burkina voire des pays étrangers plus hospitaliers, il a travaillé avec ténacité pour dompter la nature. Et il a gagné. Aujourd’hui, il est un septuagénaire heureux. Heureux de ses productions agricoles, horticoles, arboricoles. Heureux d’être un modèle pour les paysans du Burkina, du Sahel, de l’Afrique et du monde entier. Ce prix « champion de la Terre » est amplement mérité pour ce paysan qui aime sa terre à la folie.

Qu’il lui ait été décerné à l’aube de la décennie des Nation unies pour la restauration des écosystèmes ne fait qu’en rajouter à son symbolisme et à sa portée. Pour sûr, il va faire des émules autour de l’homme, et motiver davantage les paysans de Gourga à agir contre la désertification. Yacouba Sawadogo en a tracé les sillons, lui qui, 2 fois dans le mois, organise « les journées de marchés » sur ses terres reconquises au désert. Des centaines de paysans du Yatenga viennent ainsi boire à la source de sa riche expérience et y échanger des semences forestières, céréalières et fourragères. L’amour à la folie de Yacouba Sawadogo pour sa terre est donc devenu contagieux. Tant mieux pour la lutte contre la désertification.

Dommage que le trophée « champion de la Terre » ne soit pas accompagné d’une récompense financière. Elle pouvait booster un tant soit peu les projets de notre homme notamment celui de construire une clôture autour des terres conquises sur le désert afin d’empêcher la coupe clandestine des arbres qui s’y trouvent.  Par ailleurs, la cérémonie de remise du prix a lieu loin des terres du lauréat et de ses admirateurs. Qu’importe ! Nul doute que « le fou de Gourga devenu un héros planétaire » saisira la tribune qui lui est ainsi offerte pour plaider vigoureusement afin que le projet immobilier qui menace les terres conquises sur le désert ainsi que le bâtiment qui lui sert de banque de semences ne réduise à néant près de 40 ans de labeur.

Notre rédaction voudrait donc en ajouter à la sonnerie d’alarme déclenchée depuis un an à ce sujet par le nouveau champion de la terre. Lui donner un passeport diplomatique ne suffit pas de la part du gouvernement burkinabè. Il doit faire mille fois plus. Par exemple lui délivrer un titre foncier, si ce n’est déjà fait, pour les terres où il compte étendre son projet d’arrêter l’avancée du désert.

En attendant, chapeau bas  devant cette flamme incandescente de Yacouba  Sawadogo pour la terre nourricière de l’humanité.

La rédaction 

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