Justice

Affaire guérisseuse de Komsilga : Larissa Nikièma condamnée à 3 ans de prison avec sursis

Le procès de la guérisseuse de Komsilga, Larissa Nikièma et 8 autres prévenus a livré son verdict dans la nuit du mercredi 6  au jeudi 7septembre 2023 au Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Tous les neuf prévenus ont été reconnus coupables des faits de séquestration avec préméditation, coups et blessures volontaires, ou incitation à ces infractions ou encore atteinte à la vie privée d’autrui. Larissa Nikièma a été condamnée à 3 ans de prison avec sursis et au paiement d’une amende d’un million de F CFA. Retour sur les débats.

Cette fois fut la bonne après au moins deux rendez-vous manqués. Ce mercredi, au TGI Ouaga I, pas d’objection contre l’ouverture des débats sur une affaire qui aura nourri l’actualité nationale il y a quelques semaines. 

Le moins que l’on puisse dire est que l’intérêt autour de ce dossier n’a faibli en rien. En témoigne une salle d’audience pleine à étouffer, contraignant même certains à faire le pied de grue. Côté défense des prévenus, la mobilisation d’une bonne dizaine d’avocats est tout aussi remarquable.

La guérisseuse de Komsilga, Larissa Nikiema alias Adja Amsetou et 8 autres prévenus sont poursuivis, les uns et les autres, pour séquestration avec préméditation, coups et blessures volontaires, ou incitation à ces infractions ou encore atteinte à la vie privée d’autrui. 

Tout partit d’une vidéo qui a déferlé sur la toile fin juillet de l’année en cours. Dans cette vidéo, on y voit un groupe de personnes, des jeunes, bastonner un homme de la cinquantaine révolue. Ces faits se sont déroulés à Rakissé, une bourgade de la commune de Komsilga, à la périphérie sud de Ouagadougou. Le groupe de jeunes, 8 au total, ne sont d’autres personnes que des agents de la sécurité de la célèbre guérisseuse de la commune, Larissa Nikiema. La victime des sévices, Kanazoé Hamidou, un homme qui ne jouirait pas de toutes ses facultés selon des témoignages ultérieures de ses proches.

Mais que s’est-il réellement passé à Rakissé ? Le défilé à la barre des prévenus  a fait retenir aussi bien des versions convergentes des faits que des contradictions.

Selon le premier à livrer son récit des faits, Adama Barry, l’un des 8 co prévenus de dame Nikiema, les évènements de fin juillet s’expliquent. D’après sa relation des faits, un inconnu qui se révélera être Hamidou Kanazoé s’est retrouvé un après-midi aux abords d’un marigot, l’un des quatre sites de guérison de dame Nikiema mais  »interdite » à toute personne non autorisée. Toujours selon le récit d’Adama Barry, l’inconnu avait l’allure suspecte, ayant, au bord du même marigot, recommandé des sacrifices à certaines personnes et ayant jeté un objet suspect dans le cours d’eau. Cela a suffi pour qu’Abdoul Razak Nikiema, témoin de la scène, alerte ses collègues de la sécurité du site de dame Nikiema.     « Puis, nous avons ensemble décidé d’emmener monsieur Kanazoé vers notre patronne (Larissa Nikiema) qui était en brousse pour une séance de guérison. Elle nous a dit qu’elle était occupée mais que d’emmener le monsieur sur le site de soins», a expliqué Adama Barry. Et de poursuivre en ces termes : «Au lieu du site des soins, nous avons ramené l’homme suspect au marigot pour qu’il nous dise ce qu’il y faisait. Il n’a pas voulu parler, nous l’avons enchaîné pour ensuite le bastonner», a ajouté Adama Barry.

A quelques contradictions près, les dépositions des 8 autres co-prévenus d’Adja, qui ont tous plaidé coupable, ne dérouleront pas un récit différent.  Selon plus d’un prévenu, l’enchaînement de monsieur Kanazoé aura duré environ une heure soit de 14h à 15 h selon Abdoul Razak Nikiema. Si le timing des évènements ne concorde pas selon les prévenus, une chose est sûre : la victime a reçu plusieurs coups de ses bourreaux, qui de fils électriques, qui de cordelettes ou encore de fouets. D’un prévenu à l’autre, le nombre de coups reconnus varie : trois pour les uns, 4 à cinq ou encore un nombre dont d’autres ne se souviennent plus.

Qu’en dit Larissa Nikiema, la  »patronne »? Dans sa déposition, celle qui n’a pas reconnu les faits à elle reprochés, a d’emblée fait savoir que l’affaire impliquant ses hommes et sieur Kanazoé lui avait déjà été révélée quelques jours plutôt par ses pouvoirs mystiques. Et d’expliquer son seul contact avec la victime : « Mes agents de la sécurité l’ont conduit vers moi alors que j’étais en brousse avec des patients. Ils m’ont expliqué ce qui s’est passé au marigot. Le monsieur qu’ils m’ont présenté m’a dit de le pardonner parce qu’il ne jouissait pas de toutes ses facultés. Il m’a ensuite tendu un billet de 5000f me demandant de faire des bénédictions à son endroit. J’ai alors ordonné à mes agents de le conduire sur le site des soins afin qu’il m’y attende». Toujours selon le récit de la «Guérisseuse de Komsilga», c’est après commission de ces actes de sévices qu’elle en sera informée, d’abord par son père. Et après en être informée, elle a tenu à rencontrer la famille de la victime au moment de faire libérer cette personne. « j’ai dit à la famille que si leur membre est souffrant il faudra le garder et faire en sorte qu’il ne risque pas sa vie quelque part en commettant certaines actes. J’ai encore dit aux représentants de la famille que j’ai ordonné qu’on corrige monsieur Kanazoé. Mais ça, c’était pour couvrir mes collaborateurs», a souligné dame Nikiema. 

Les questions des différentes parties au procès ont tourné principalement autour des responsabilités individuelles des uns et des autres, face à des prévenus qui soutiennent avoir agi «ensemble et en même temps». Il aura ainsi  fallu de l’insistance pour savoir que l’idée de l’enchaînement est venue du prévenu Ousmane Ouédraogo qui a aussi suggéré la bastonnade; que Sayouba Rouamba a été le  »cameraman » de circonstance pour capturer ces moments.

A l’endroit de la guérisseuse, les questions ont principalement porté sur sa propriété du marigot qui donnerait à ses collaborateurs le droit de  »corriger » un suspect maladroit. Sans pour autant disposer de documents à titre de preuve, dame Nikiema a argué avoir acquis le terrain contre des sommes d’argent. A l’instar de ses coprévenus, on retiendra de son passage à la barre ses nombreuses demandes de pardon. On se souviendra surtout que la célèbre guérisseuse a même écrasé une larme à cette même barre. Comme pour appuyer sur la sincérité d’un acte de contrition.

Au terme des dépositions à la barre et les plaidoiries de la défense, le tribunal a tranché : Larissa Nikièma et les 8 autres prévenus sont reconnus coupables. Dame Nikièma écope de 36 mois de prisons et d’une amende d’un million de F CFA, le tout assorti de sursis. Ses 8 coprévenus, ont également été condamnés chacun à 4 ans de prison avec le paiement d’une amende de 500 000 F CFA, le tout assorti de sursis.

Bernard Kaboré

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