Société

Région du Sahel : en 2 ans, 229 cas de violations des droits humains en lien avec la lutte contre l’insécurité

De début 2021 à fin 2022, dans la région du Sahel, 229 personnes ont été victimes de violations de droits humains en lien avec la lutte contre l’insécurité. C’est ce qu’indique le Centre pour la qualité du droit et la justice (CQDJ) à travers la mise en œuvre d’un projet dit « Contrôle citoyen du secteur de la sécurité et accès à la justice » dont les résultats ont fait l’objet d’une rencontre de restitution le 30 décembre 2022 à Ouagadougou.

Pour le CQDJ, un accès à la justice des personnes victimes de violations de leurs droits dans le cadre de la lutte contre l’insécurité contribue à renforcer la confiance entre populations et forces de sécurité (Photo d’illustration. Source: Infowakat.net)

S’il y a une expression devenue courante depuis l’apparition du phénomène terroriste, c’est bien celle-là : « le renforcement de la confiance entre populations et forces de sécurité ».  Le Centre pour la qualité du droit et la justice en a fait tout un objectif du  projet « Contrôle citoyen du secteur de la sécurité et accès à la justice »¸ mis en œuvre dans la région du Sahel de février 2021 à décembre 2022 avec l’appui de la coopération danoise.

Renforcer la confiance oui, mais comment ? Pour le CQDJ, cette confiance passe nécessairement par la promotion de l’accès à la justice des personnes victimes d’abus de la lutte contre l’insécurité. Car des abus, il en existe, selon des organisations de la société civile qui ne manquent pas souvent l’occasion de les signaler. « L’Etat lui-même, par ses commis peut être vecteur d’insécurité et d’injustice », se convainc d’ailleurs le président du conseil d’administration du CQDJ, Sosthène Ouédraogo.

Des participants à la rencontre de restitution des résultats du projet

Le PCA du CQDJ ne croit pas si bien dire, les chiffres du projet sont parlants. En effet, pas moins de 229 personnes, dans la région du Sahel, ont été victimes de violations de leurs droits dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, selon le CQDJ. Ces violations, selon l’équipe de coordination du projet, ont consisté en « des enlèvements, des disparitions forcées, des sévices corporels, des garde-à-vue excédant les délais règlementaires ou quelques fois en des exécutions extrajudiciaires ».  En première ligne des présumés auteurs : les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui sont des supplétifs de l’armée dans le  cadre de la lutte contre le terrorisme. Et selon la typologie de violation des droits, les sévices corporels viennent en tête, selon le CQDJ.

Le président du conseil d’administration du CQDJ, Sosthène Ouédraogo

Afin que la confiance entre populations et forces de sécurité ne prenne pas un coup au nom de ces violations, le travail du CQDJ a notamment consisté en une assistance juridique des victimes dans la formulation de recours ou avec des conseils mais aussi  au renforcement, par des activités communes, du tissu associatif des populations, histoire de promouvoir la cohésion sociale.

 Au total, 163 personnes présumées victimes d’abus ont été assistées, selon le coordonnateur du projet, Abdoul Wahab Semdé. Il note, à titre d’exemple, que cette assistance a permis de libérer provisoirement des personnes détenues, conscient que la liberté provisoire est souvent mal comprise par l’opinion publique qui en général fait fi du principe de la présomption d’innocence.

Le coordonnateur du projet, Abdoul Wahab Semdé

En s’investissant autant pour la confiance entre populations et forces de sécurités, les porteurs du projet sont convaincus d’une chose : si cette confiance est inexistante ou rompue, cela constitue un terreau pour l’insécurité. Abdoul Wahab Semdé explique que  »si les citoyens sentent leurs droits violés, la tentation de rejoindre les groupes armés est accrue.

 Pour le CQDJ, la justice est bien une voie de salut. Mais dans les zones à fort défi sécuritaire, comme ce fut le cas dans la région du Sahel lors de la mise en œuvre du projet, le contexte s’y prête le moins. Et Abdoul Wahab Semdé de relever une indisponibilité des institutions judiciaires quand elles ne sont pas géographiquement distantes, face pourtant à une forte demande.

Lire aussi: Contre le terrorisme : la justice comme arme ”incontournable” pour gagner le combat

Pour que les droits des citoyens soient respectés et que la confiance perdure, les acteurs de la mise en œuvre du projet préconisent un renforcement des capacités des défenseurs des droits humains sur le contrôle citoyen du secteur de la sécurité, à travers notamment le monitoring des abus. Egalement, ils souhaitent que les  victimes d’abus puissent bénéficier d’une assistance juridique et administrative. Mais pas que cela; il faudra aussi, estiment-ils, la promotion d’un cadre juridique d’opération des forces de sécurité intérieure respectueux des droits humains.

Bernard Kaboré

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