Defense & Sécurité

Insécurité à Djibo : « des fonctionnaires ont été empêchés par les FDS de quitter la ville »

A la faveur d’un congé, Poko, nom d’emprunt, a pu quitter la ville de Djibo le weekend dernier. Cela a été possible, grâce à une évacuation par les airs. Agent du ministère de la Santé, plus de 300 de ses collaborateurs sont en attente d’une main tendue qui va les aider à quitter la localité. « Le 8 avril, des fonctionnaires ont pris d’assaut les camions pour quitter la localité mais les militaires ont exigé que ceux qui n’ont pas d’autorisation d’absence se démarquent du convoi », confie-elle dans un entretien qu’elle nous a accordé.

Comment s’est déroulé le voyage ?

Le voyage s’est bien déroulé à bord de l’hélicoptère affrété par l’armée du Burkina Faso.  On a mis une quarantaine de minutes pour rallier la capitale. Nous étions une vingtaine de  fonctionnaires à bord de l’appareil dont quelques uns du ministère de la Santé. On avait perdu tout espoir de retourner chez nous parce que des listes ont été établies plus de trois fois mais rien n’y fit.

Parlez-nous de vos conditions de travail quand vous y étiez ?

Les agents de santé font face à un manque crucial de produits et de consommables médicaux. La prise en charge des patients est devenue un chemin de croix. C’est devenu quasiment impossible. Les dépôts des médicaments essentiels génériques (MEG) sont vides et ne sont plus en mesure d’approvisionner les  districts sanitaires et les dépôts privés. L’UNICEF distribuait des kits composés de médicaments mais cela reste insuffisant et de nombreux produits manquent.

Qu’en est-il de la prise en charge des Djibolais ?

Certains malades agonisent sous les yeux impuissants du personnel soignant. Les évacuations de malades concernent uniquement le personnel administratif et celui des ONG. La prise en charge des malades se fait sans distinctions aucune. On reçoit même souvent des patients atteints de balles qui nous expliquent qu’ils sont tombés d’un arbre. A vrai les problèmes sont multiples.

Dans des villes comme Ouagadougou les prix des denrées de première nécessité ont connu une  flambée ces derniers temps, qu’en-est_il à Ddjibo?

Les denrées de première nécessité sont extrêmement chères à Djibo. De nombreux commerçants véreux gardent les céréales  afin de spéculer plus tard. Les gens souhaitent que la situation pourrisse pour qu’ils en tirent le maximum de profit. Le sac de 25 kg de riz  est passé de  9000 F  à 12 500 F.  Le paquet d’eau  est passé de 500  à 2000 F.  Le bidon d’eau de 20 L est vendu à 75 F CFA. C’est insoutenable pour beaucoup de personnes.

Mais l’armée organise des convois de ravitaillement…

La dernière opération organisée en fin mars a pu arriver à bon port mais les vivres restent en deçà des attentes des populations. En moins de 24 h les stocks de sucre, d’huile, de carburant étaient épuisés. 

Comment se fait l’approvisionnent en eau à Djibo ?

Des installations de l’ONEA et des forages ont été détruites.  Les terroristes sont même allés jusqu’au jardin du chef où ils ont tiré sur une pompe manuelle. Certains services de santé disposent de polytanks. Mais une fois que  le ravitaillement se fait par les citernes, les populations se ruent vers ces stocks et laissent parfois les patients et les accompagnants dans le désarroi.  

La mobilité des fonctionnaires est-elle réduite  ?

Nos déplacements sont très réduits. Aussi bien pour des raisons de sécurité mais aussi pour des motivations financières. Se rendre au service est devenu difficile. en partie du fait du manque de carburant.  Des efforts de ravitaillements sont faits mais  le problème demeure. Le litre d’essence est vendu à  1500  F mais la vente est restreinte à certaines personnes  par endroits.

Quel est l’état de fonctionnement de l’administration publique à Djibo ?

Des services publics sont encore fonctionnels mais certains tendent à plier bagage. Les coups de feu sont récurrents dans la ville de Djibo. Une journée sans coups de feu c’est impensable.

Avez-vous le sentiment que la situation sécuritaire évolue ?

En vérité on est affecté psychologiquement. Les informations nous échappent parce qu’on est déconnecté à Djibo du fait du saccage du réseau téléphonique. On se demande si l’Etat cherche des solutions.  Pour moi, il ne suffit pas d’évacuer les fonctionnaires mais de savoir quel sera le sort des populations qui vont rester à Djibo.

Etes-vous prêtes à retourner à votre poste ?

Je ne dirai pas que je ne suis pas prête à retourner. mais je souhaite que le jour où je vais repartir que ce soit par voie terrestre et que le convoi et la route soient sécurisés. Les autorités doivent comprendre la réalité à Djibo et ne pas obliger les gens qui quittent la ville à y repartir au péril de leur vie.

Interview réalisée par 

W. Harold Alex Kaboré

Articles similaires

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page