Justice

Indemnisation des parties civiles:« A ce stade, on ne doit rien demander à l’Etat »

Le magistrat Karfa Gnanou est l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE). A ce titre il représente et défend les intérêts de l’Etat devant les juridictions. Dans le dossier sur l’assassinat de Thomas Sankara, l’AJE ne veut pas du tout être cité comme le civilement responsable, c’est-à-dire celui qui doit payer les indemnisations dues aux victimes. L’AJE a également rappelé que certaines victimes ont déjà perçu des indemnisations. C’est autour de ces deux point que nous avons posé trois question à Karfa Gnanou.

Karfa Gnanou, agent judiciaire de l’Etat

Depuis le début de ce procès, les parties civiles souhaitent que vous, l’Etat, soyez civilement responsable. Quelle est votre position ?

Dans ce dossier, il y a des parties civiles qui nous ont effectivement citées comme civilement responsable depuis l’ouverture du procès. Vous aurez compris lors des débats, à un moment donné, nous nous sommes prononcés sur la question en disant clairement que pour nous, au regard des actes qui ont posés par ceux qui ont été reconnues coupables et surtout en raison de leur solvabilité, l’Etat ne devrait pas être appelé comme civilement responsable.

Le civilement responsable suppose qu’il y a une faute de service. Ici, il s’agit d’une faute purement personnelle qui doit entièrement tomber sur la tête des personnes qui ont été reconnues coupables. Nous, nous travaillons à montrer que l’Etat n’a absolument rien à avoir et même si l’Etat devait être appelé en garantie, c’est lorsque les parties civiles vont chercher à être indemnisées en vain par les personnes condamnées qu’elles vont se retourner vers l’Etat. Dans un cas comme dans l’autre, nous pensons qu’à ce stade, on ne doit rien demander à l’Etat par rapport aux indemnisations qui vont probablement être prononcées contre les condamnés.

Malgré tout on voit que vous vous préparez à payer pour les indemnisations puisque vous avez fait savoir que des victimes ont déjà été indemnisées par l’Etat et qu’il faudrait faire attention pour ne pas qu’il ait une double indemnisation…

Tout à fait. Le procès ce n’est pas nous qui décidons. Nous avons des arguments que nous pensons être conformes au droit. Si la juridiction ne nous suit pas sur notre position principale, nous allons évoluer dans notre argumentaire en lui disant qu’il y a une position subsidiaire et une autre très subsidiaire. C’est dans cette logique de défense que nous sommes. C’est donc très subsidiairement que nous disons que si finalement la juridiction estime que nous devons payer quelque chose, attention il faut qu’elle tienne compte du fait que nous avons déjà payé des sommes d’argent à certaines familles. Et elle doit en tenir compte dans la détermination des montants qu’elle va prononcer. Voici notre ligne de défense sur trois niveaux : premièrement, c’est que nous ne sommes pas du tout responsables.  Deuxièmement, même si on est appelé en garantie, il faut que les parties démontrent qu’elles ne peuvent pas payer. Troisièmement, si la juridiction n’est pas d’accord avec nous, qu’elle tienne compte des montants déjà payés.

Avez-vous une idée du nombre de personnes déjà indemnisées ?

Nous avons une idée très claire. C’est contenu dans le rapport de la Commission d’indemnisation des victimes en politique. Nous avons le nombre de victimes concernés et les montants en jeu.

Il n’y a que trois familles de victimes décédées qui n’ont pas été indemnisées. Sur les trois familles, il y a deux dont nous n’avons pas les traces. Il y a une qui, dans le cadre de la Journée du pardon, a totalement refusé de prendre de l’argent tant que la justice ne se prononce pas sur l’assassinat.

Propos recueillis par Roukiétou Soma

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