Editorial

Prorogation du mandat des députés : Le Parlement, seul contre tous ?

Ce n’est pas encore la fièvre de la campagne électorale mais on assiste à une veillée d’armes dans les états-majors des partis. On y travaille à mettre en pole position les présidentiables tandis que se peaufinent les listes des candidats aux sièges du Parlement. C’est dans un tel contexte que les députés, actuellement  en session extraordinaire, ont adopté le 6 juillet dernier une résolution demandant la prorogation de leur mandat. Un rapport a ainsi été introduit 2 jours plus tard à l’attention du gouvernement.

Le chef de file de l’opposition et son staff à la réunion du 2 juillet au MA

Cette résolution des parlementaires a surpris plus d’un observateur de la scène politique burkinabè même si elle  n’a pas surgi ex nihilo. Elle résulte des conclusions d’un rapport  du Parlement sur la situation sécuritaire au Burkina après la tournée du président de l’Assemblée nationale dans les 5 régions les plus affectées par les attaques terroristes au mois de juin dernier : l’Est, le Nord, le Centre-Nord, le Sahel et la Boucle du Mouhoun. Pendant cette tournée, Bala Sakandé avait pris langue avec les élus de tous les bords politiques ainsi  qu’avec les notabilités religieuses et coutumières des régions visitées.

Qu’ont bien pu dire ces personnalités au président de l’Assemblée nationale et à sa délégation pour que durant cette session extraordinaire, les députés décident à l’unanimité des 105 présents de voter une résolution prorogeant leur mandat d’une année, au nom de l’article 81 de la Constitution ? En tout cas, selon le rapport du Parlement transmis au gouvernement, 40% du territoire serait dans une situation d’insécurité préoccupante à tel point que le vote y serait impossible en novembre prochain.

 Pourtant, le comité de suivi du dialogue politique réuni par le Premier ministre, le 1er juillet dernier, en présence de la direction de la CENI et d’une délégation de l’Etat-major des Armées n’avait pas fait le même diagnostic sur la tenue des élections. Les députés de la majorité parlementaire non plus, eux qui se sont concertés le 2 du mois courant. Pourquoi alors, sans attendre un rapport du gouvernement et de la CENI sur la question de l’impact de la situation sécuritaire sur le déroulement des scrutins, l’Assemblée nationale adopte une résolution demandant le report des élections législatives. Quid de la présidentielle ? Les risques encourus par les électeurs pour le choix du président du Faso ne sont-ils pas les mêmes pour élire les députés ?

Le moins qu’on puisse dire c’est que sur une question aussi importante, les parlementaires ont fait cavalier seul, mettant et le gouvernement et la CENI et  l’ensemble de la classe politique devant le fait accompli. Il n’aura pas fallu longtemps pour que cette dernière réagisse. En effet, au cours d’une réunion tenue ce 10 juillet au ministère de l’Administration territoriale, la majorité présidentielle  et le chef de file de l’opposition ont exprimé leur rejet du report des élections législatives. Il sera difficile, pour ne pas dire impossible, que le gouvernement ignore cet avis des partis les plus représentatifs de l’échiquier politique quand il examinera le rapport à lui transmis par le Parlement.

Que l’opposition refuse d’adouber une résolution du Parlement,  cela est dans la logique du jeu politique dans une démocratie pluraliste. Par contre, on n’est surpris que les partis de la majorité présidentielle ne suivent pas le sens du vote exprimé par leurs élus. Visiblement il a manqué la concertation entre le Parlement, le gouvernement et le parti majoritaire sur une question aussi importante que celle du report des élections législatives. De là à dire qu’il y a de l’eau dans le gaz des relations entre trois hommes clés du pouvoir, Roch Kaboré, Simon Compaoré et Bala Sakandé, il y a un pas vite franchi.

Zéphirin Kpoda

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