Editorial

Affaire Gracia Prunelle : les pratiques moyenâgeuses du charlatanisme ont la vie dure

Qui n’a jamais vu en Afrique, aux abords d’une voie, en ville comme en campagne, des objets du genre cola, œuf, grains de mil ou des galettes ? Parfois ce sont des organes d’animaux : queue, tête, pattes, plumes ou os de ceci ou de cela, intentionnellement laissés là en guise d’offrandes aux mânes, aux génies où à des divinités desquelles les auteurs de ces dons insolites attendent assistance dans la réalisation de projets pas toujours avouables. Passe encore quand ces oboles sacrificielles sont des produits céréaliers, des restes de mammifères ou d’oiseaux ! Car les passants s’accommodent, avec un détour du regard, un pincement du nez, de la présence de ces objets qui n’ont rien à faire là. Mais quand pour plaire à ces puissances occultes ou à des fétiches d’on ne sait quel charlatan obscurantiste, leurs adeptes en arrivent à ôter la vie humaine, il ne s’agit plus de détourner le regard par dédain de leurs pratiques moyenâgeuses, il faut les réprimer avec toute la réprobation morale et les rigueurs de la loi qui s’imposent.

A ce propos, les populations béninoises, particulièrement celles de Cotonou et la famille Assogba s’en remettent difficilement de la vive émotion qu’a suscitée le meurtre rituel de Gracia Prunelle, une fillette de 7 ans, en février dernier. A l’occasion du procès de l’assassin et de son commanditaire, le lundi 15 juin dernier, la salle du tribunal de Cotonou a refusé du monde, échantillon très représentatif des Béninois qui ont la conscience révulsée par ce crime odieux de mythomane abject. En rappel, la malheureuse victime a été occise par un charlatan; son sang et ses organes génitaux prélevés pour servir d’ingrédients dans la fabrication d’un savon magique.

Au-delà du Bénin, ces pratiques d’un autre âge concernent bien d’autres pays africains dont certaines populations, une minorité heureusement, sont encore sous le joug de l’obscurantisme qui, conjugué avec l’occultisme, donne un cocktail de pratiques à rebrousse-poil des valeurs humaines. Le meurtre de Gracia Prunelle n’est pas sans rappeler celui du petit Boubacar Sidiki, dit Bouba, immolé en Côte d’ivoire dans la banlieue abidjanaise, en mars 2018, et dont le sang recueilli devrait entrer dans la fabrication d’une potion magique qui confère richesse et prospérité. En octobre 2019, toujours en Côte d’Ivoire, dans la ville de Dimbokro, une autre fillette, Océane dit Grâce, 3 ans, a succombé suite à l’enlèvement et au viol barbare dont elle a été l’objet. Là aussi, à défaut d’avoir arrêté le coupable, on soupçonne qu’il soit un amateur de pucelles, motivé par les raisons fallacieuses, qu’avoir des relations sexuelles avec elles porte chance, bonheur et fortune.

En Côte d’Ivoire, si l’assassin d’Océane court toujours, au Bénin, la justice a condamné celui de Gracia Prunelle à la réclusion criminelle à perpétuité et à 30 millions de FCFA d’amende. Le hic, c’est que son commanditaire a été relaxé pour insuffisance de preuves quant à sa présence sur le lieu du crime au moment des faits. Une relaxe qui n’est pas du goût de l’avocat de la famille de la victime et du procureur qui a fait appel. On croise alors les doigts pour que la Cour d’appel de Cotonou condamne ce chercheur de savon magique qui, selon la loi béninoise, à l’article 22 du Code pénal, est un complice, pénalement responsable du meurtre de la petite Gracia Prunelle. Sa condamnation sera un autre signal fort à l’endroit de tous les charlatans aux pratiques moyenâgeuses, prédateurs de jouvencelles.

lobspaalga.com

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