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Burkina Faso: « La guerre ne doit pas être un prétexte à toutes les lubies intellectuelles »

Dans cette tribune, l’éditorialiste et journaliste, Lookman Sawadogo se prononce sur l’Etat de droit au Burkina Faso dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Pour lui, la guerre ne doit pas être un prétexte à toutes les lubies intellectuelles.

Lookman Sawadogo

RIEN NE VAUT L’ÉTAT DE DROIT

Faisons attention! La guerre ne doit pas être un prétexte à toutes les lubies intellectuelles. 

La société fonctionne sur des règles qui font d’elle une organisation civilisée.

Certains proclament tout de go qu’il faut prendre des libertés avec le contrat social.

On décrète qu’il faut accepter qu’on dérègle la société, qu’on piétine certaines règles de droit, qu’on abrège telle liberté parce que c’est la situation de guerre qui le commande. 

Mais ce qu’on oublie ou feint de dire c’est que la guerre elle-même est réglementée et obéit à des normes et principes de droit. D’où le droit international humanitaire (DIH). 

Du reste le Burkina Faso a pu s’en sortir grâce à ces règles internationales codifiées de la guerre, qu’il a invoqué pour mettre hors de cause nos FDS chaque fois qu’elles étaient accusées de commettre des exactions. 

On peut aussi noter l’introduction récente des prévôtés au sein des unités au combat. 

Tout ça c’est pour montrer patte blanche et prouver que l’armée ne viole pas le droit de la guerre. Donc confirmation du prima du droit sur la guerre.

Si donc la guerre se fait dans les règles de l’art et ne s’accommode pas de l’anarchie; c’est donc logiquement que la guerre ne pourrait pas servir à justifier les atteintes délibérées à certaines règles de la société que des thuriféraires suggèrent de commettre.

Cela est tellement paradoxal , impertinent qu’il faut s’inquiéter de telles appels à l’inversion des valeurs et principes fondamentaux de la société moderne.

Oui en temps de conflit le droit est mis à rude épreuve et subit souvent des abîmes. Mais cela devrait être compris et limité aux conséquences d’une situation d’exception et d’événements non prémédités. Ce n’est pas à prendre pour la norme. 

Le principe veut que le droit soit intacte et fonctionnel sans discontinuer. Même en temps de guerre. 

La mission des pouvoirs publics se fait encore plus lourde en temps de guerre qu’en temps de paix justement parce qu’il leur incombe de protéger et garantir la pratique du droit dans une situation complexe.

La guerre ne peut donc pas devenir ce paradigme attentatoire tel que l’on tente de vouloir l’utiliser comme réthorique passe-partout pour théoriser et prescrire la violation abusive et dangereuse de l‘Etat de droit.

La société n’arrête pas d’être une société avec la guerre pour revenir à l’Etat de nature. 

La règle reste et demeure l’essence de la société. 

Nos intellectuels et autres serviteurs du pouvoir militaire actuel souvent au zèle trop poussé doivent s’inscrire dans l’esprit positif de la permanence du droit. Elle a plus de sens et offre plus de sécurité humaine. Le risque est énorme à s’aventurer sur le terrain tortueux et très glissant des parenthèses dans le corpus légal de l’Etat de droit. 

On ne peut en prévoir les effets pervers. Mais au moins , pour sûr, ils ne manqueront pas.

Personne n’est assez fou ou suicidaire pour supprimer le système de freinage de son véhicule ou de sa moto parce qu’il voudrait aller vite sous l’orage. 

On comprend que des gens nourrissent des penchants extrémistes auxquels les règles de droit constituent des freins et contraintes. Mais c’est aussi leur raison d’être afin de faire respecter le pluralisme de la pensée et la diversité sociale .

Lookmann SAWADOGO 

Journaliste éditorialiste 

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