La chronique de Bernard Kaboré

Ousmane et le coup de colère de trop !

Ousmane, 33 ans, père de trois enfants et maçon de profession, est d’un naturel colérique. Prompt à monter sur ses grands chevaux à la moindre attitude qu’il trouve décalée chez autrui. Il n’avait sans doute jamais imaginé où ce défaut pouvait un jour le conduire. Mais si seulement il avait eu la prémonition que le quiproquo qui l’oppose à madame Ilboudo allait tourner à la colère de trop ! Il n’y a pas pensé.

Encore si seulement il était de nature à écouter et réécouter son moi comme le conseillent les philosophes! Ce jour où il a décidé de laisser exploser sa colère contre madame Ilboudo, une voix intérieure lui a sans doute murmuré ceci : « Attention à ce que tu fais dans cette cour commune qui est d’ailleurs la propriété de ton oncle. Ne mets pas dehors les affaires de ta voisine de maison. Ne les détruit pas, ne les mets pas au feu. Ne fais pas cette folie… »

Ousmane n’a pas écouté cette voix. Il a plutôt écouté sa pulsion. Il s’est introduit dans l’appartement de sa voisine, alors qu’elle était absente. Il en est ressorti les mains chargées d’effets divers. Pour quoi faire ? Pour les jeter. Pour les détruire. C’est ainsi  que des effets d’habillement ont été mis sens dessus sens dessous hors de la maison.  Des seaux ont été réduits en morceaux. Des chaises et des bancs ont été mis au feu. Un vélo a été dépiécé.

Adviendra que pourra, s’est dit enfin Ousmane. Car, de toute façon, il est le neveu du propriétaire de la cour, ce qui lui confère, selon lui, un certain pouvoir d’y mettre de l’ordre.  Mieux, c’est grâce à lui, Ousmane, en tant qu’intermédiaire avec le proprio, que dame Ilboudo a pu installer gracieusement ses pénates dans cette cour. De toute façon, s’est-il encore dit, cette explosion de colère ne pouvait qu’arriver car les semaines précédentes ont été jalonnés de vives tensions entre dame Ilboudo et lui. Ce jour de casse ne pouvait qu’arriver car à la faveur des fêtes de fin d’année, dame Ilboudo a hébergé dans sa maison des étrangers et ce, plusieurs jours durant, sans prendre la peine d’en aviser le neveu du bailleur.

Sous l’effet de la colère, Ousmane se dit que lorsque  madame Ilboudo viendra faire le constat des dégâts, elle pourra aller se plaindre où bon lui semble. Eh bien, la bonne dame a saisi le procureur. Elle s’est déclarée victime de dégradation volontaire de biens. Ousmane a été interpellé, puis placé sous mandat de dépôt. A ces instants, il réalise qu’il aurait dû mâcher et avaler sa colère. Car avec ce qui lui est reproché, il risque gros. Devant le juge c’est ce qui lui a été confirmé. L’infraction jugée assez constituée, le procureur a requis contre lui la peine de 18 mois de prison assorti de sursis et une amende de 500 000 F CFA ferme. A la barre, on a même vu un Ousmane écraser une larme de regret. Trop tard. A son encontre, le juge a prononcé une peine de cinq ans de prison dont douze mois ferme et une amende d’un million de F CFA. Et de lui expliquer que sa peine aggravée tient de l’usage du feu selon les faits. « La loi est claire, cette infraction vaut cinq à dix ans de prison. »

Quel vilain défaut, la colère !

Bernard Kaboré

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