International

Covid19 en Europe : « J’ai peur de mourir loin de ma famille » (Djélika Kane, étudiante burkinabè en France)

Jusqu’ici, la vie n’a pas été tendre avec Djelika Kane, cette jeune fille de 20 ans dont le père est parti trop tôt. Originaire de la ville de Sya, cette férue de biologie a fait des pieds et des mains pour aller terminer ses études en France. Malheureusement, la Bobolaise sera très vite confrontée aux dures réalités de ce pays qui se bat depuis quelques mois contre la pandémie du coronavirus. Nous sommes entré en contact avec Djélika qui a bien voulu nous faire part de ses difficultés.

L’étudiante lors de sa rencontre avec sa marraine, Greet Dobbels, qui paie sa scolarité depuis 2010

Djélika Kane garde-t-elle encore des souvenirs de son cher et tendre papa ? Rien n’est moins sûr. En effet, c’est à l’âge de trois ans, plus précisément le 10 juillet 2003, que son paternel a définitivement tiré sa révérence, laissant derrière lui une femme enceinte de son unique garçon et trois filles éplorées et déchirées par cette perte. Cette situation a poussé la maman à être brave, à prendre ses responsabilités, malgré son accouchement survenu un mois à peine après cette tragédie, soit le 03 août 2003. La veuve Pinda Diarra enchaîne alors différents commerces pour  nourrir, soigner et donner une éducation scolaire à sa progéniture.

Grace à la providence, elle fait la connaissance de l’Association Modibo, une Association sans but lucratif, mise en place par un couple belge tombé amoureux du Burkina Faso dès sa première visite dans le pays en 2007. Le cœur de ces « touristes » s’est surtout laissé attendrir par le charme du petit Modibo (du nom de l’association) qui vendait des serpillières sur la tête pour payer ses frais d’école. Les Belges  décident de prendre en charge la scolarité de cet enfant et créent par la suite l’Association Modibo à travers laquelle ils trouvent des parrains occidentaux pour des élèves issus de familles défavorisées. C’est ainsi qu’une possibilité est offerte à Djelika, après sa réussite au Certificat d’études primaires (CEP), d’aller plus loin dans ses études. Cela fait donc dix ans qu’elle bénéficie de l’appui de l’association.

LIRE AUSSI Aventure aux USA : « A présent, même pour laver des plats il faut être en règle », Boureim Liguidi de Ya paalé

Après l’obtention de son baccalauréat, la jeune fille s’inscrit dans un premier temps à l’université Nazi Boni de Bobo Dioulasso où elle opte pour la filière génie biologique. « J’adore la biologie, c’est ma passion », lance-t-elle avec fierté. Mais voyant le retard qu’elle pourrait accuser dans cette faculté, la Bobolaise décide de tenter sa chance à Bengué (France). Pour cela, la famille Kane ne recule pas devant les obstacles. Après plusieurs mois de démarches, Djélika obtient les papiers nécessaires pour effectuer le voyage.

Modibo Diarra, le petit garçon qui a été à la base de la création de l’association, est malheureusement décédé en octobre 2016

C’est son oncle, Sékou Diarra, un transporteur qui réside à Bamako, qui lui avance l’argent pour le billet d’avion et pour la première tran buche de son inscription dans la filière bio analyse. Dans la nuit du 2 octobre 2020, miss Kane s’envole vers le « continent de toutes les possibilités ». Elle débarque à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle avec plein de projets sous le bras. Celle qui rêve de travailler un jour pour des laboratoires d’analyses médicales sera très vite impressionnée par ce pays un peu trop en avance, où la technologie a pris le pas sur la chaleur humaine. Désormais loin de sa terre natale, elle est frappée par un froid glacial indescriptible. Prise de panique, elle se mit à regretter son choix. Mais tout cela n’était rien par rapport à ce qui l’attendait.

LIRE AUSSI JT the Bigga Figga : l’Afro-américain qui prône le retour aux sources

En effet, compte-tenu de la deuxième vague de covid19, le gouvernement français opte une fois de plus pour le confinement. Les cours doivent désormais être dispensés en ligne et Djélika ne dispose pas des appareils adéquats. Les responsables de l’ASBL Modibo font le voyage jusqu’en France et la ramènent chez eux en Belgique où elle rencontre sa marraine, Greet Dobbels, celle qui a toujours payé ses frais d’études depuis 2010. Un SOS est lancé et la jeune fille reçoit un ordinateur. Et puisqu’elle réside dans une cité universitaire, l’association l’aide avec le loyer du mois de novembre. « Je ne sais comment assurer le reste des charges. J’avais prévu de travailler parallèlement à mes études pour payer les frais nécessaires et rembourser aussi à mon oncle l’argent qu’il m’a avancé. Malheureusement, avec la pandémie de covid19, les jobs d’étudiants ont été stoppés », a-t-elle déclaré, lorsque nous avons pris contact avec elle le 8 novembre dernier.

A cette période, les cours se faisaient en ligne mais les travaux pratiques de laboratoire en présentiel. « Quand je rentre des cours, je reste dans ma chambre. J’ai peur de me promener dans cette ville (Arras) où je ne connais personne. J’ai peur de me perdre ou de contracter le virus. Je ne veux pas mourir loin de ma famille », nous a-t-elle confié, insistant sur la peine qu’elle éprouve en vivant loin des siens. Mais sachant que beaucoup croient en elle, Djélika trouve la force d’aller de l’avant. « Réussir pour faire plaisir à tous ceux qui ont eu confiance en moi », voilà son leitmotiv. Pour cela, elle a 5 ans d’études devant elle en France. « Après le master, je compte rentrer pour servir mon pays grâce aux compétences que j’aurais acquises », déclare-t-elle avec beaucoup d’enthousiasme.

Le président de l’association, Michel Musschebroeck, sur les débuts de la structure et les difficultés vécues par Djélika

Aux dernières nouvelles, les cours ont repris normalement et Djélika Kane a même déposé son dossier pour un job d’étudiant. C’est dire que tout est possible et que l’étudiante peut entrevoir la vie en France sous un autre angle.

Zalissa Soré

Articles similaires

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page