Burkina Faso : l’analyse des actions de lutte anti-corruption des acteurs étatiques montre une insuffisance en 2024, malgré quelques initiatives salutaires

Le rapport 2024 du REN-LAC sur l’état de la corruption au Burkina Faso, publié lundi 22 décembre, s’est penché sur les actions de lutte anti-corruption des acteurs étatiques.
À ce niveau, l’analyse montre une certaine insuffisance en dépit d’un discours favorable à la lutte contre la corruption.
Bien que plusieurs initiatives aient été entreprises par le Gouvernement, certaines d’entre elles sont restées inopérantes à l’image de la loi portant renforcement de la neutralité politique et de la méritocratie dans l’administration publique adoptée en 2023 et dont les décrets d’application n’ont pas été pris. D’autres posent un problème de cohérence face aux structures déjà existantes. C’est le cas notamment de la Commission de Régulation des Dysfonctionnements (CRD) dont on pourrait s’interroger sur la pertinence, étant donné l’existence des Inspections techniques de Services (ITS) et de l’Autorité supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) qui sont censées normalement jouer le même rôle. Au surplus, le choix de rattacher directement cette structure au Cabinet du Président du Faso constitue une interrogation dans la mesure où les bonnes pratiques de lutte anti-corruption recommandent une certaine indépendance des structures de contrôle dont on constate actuellement la réduction du budget.
Par ailleurs, le rapport considère comme une mauvaise pratique l’acceptation de dons d’une entreprise privée étrangère par des membres du Gouvernement. En novembre 2024, le ministre de l’Économie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, avait officiellement réceptionné des véhicules électriques, d’une valeur estimée à plus d’un milliard de francs CFA, offerts par Yunhong International Group, une entreprise chinoise représentée par son PDG, Li Yubao, par ailleurs Conseiller spécial du Président du Faso. Cette entreprise bénéficie de privilèges économiques, notamment dans le secteur minier. À titre d’illustration, Yunhong International Holdings a obtenu des permis de prospection dans les zones minières de Somanguina, Paspanga et Yelembassé.
Pour le REN-LAC, cette situation présente des similitudes avec celle de 2016 où les parlementaires avaient accepté un don de tablettes de la société Huawei, suscitant ainsi une vive polémique au sein de l’opinion publique. Ce qui avait amené l’Assemblée nationale à remettre les tablettes.
En effet, l’acceptation de tels « cadeaux », dans un contexte de relations d’affaires avec l’État, soulève des risques de conflits d’intérêts et peut fragiliser la crédibilité du discours anti-corruption.
Qu’en est-il des autres pouvoirs publics ?
De son côté, malgré quelques chantiers juridiques et enquêtes parlementaires à fort enjeu de gouvernance, l’ALT ne s’est pas montrée très active dans la lutte contre la corruption, notamment dans le contrôle de l’action gouvernementale sur les questions de gouvernance.
En revanche, les Corps de Contrôle de l’État (ASCE-LC, CENTIF, CONACFP) sont demeurés des acteurs centraux de cette lutte à travers audits et enquêtes, même si leurs actions restent encore limitées par des contraintes techniques et financières.
La Justice a, elle, matérialisé son rôle dans la lutte contre la corruption et les crimes économiques à travers le traitement de plusieurs dossiers emblématiques tels que ceux relatifs aux affaires « Amidou Tiégnan », « Charbon fin » et « Vincent Dabilgou ». Cependant, certaines décisions, notamment celles prononcées dans l’affaire CNSS avec des peines clémentes, assorties de sursis, constituent des limites objectives en termes de dissuasion des criminels.
REN-LAC



