Politique

Charte de la transition au Burkina : « Ne pas organiser des élections consiste à violer la constitution »

DE LA FIN TRANSITION…
J’écris cette nouvelle tribune sur les élections et la fin de notre transition pour reposer le débat. Mais ma position est assez claire sur cette question. Pour moi, il faut pouvoir dire ce qu’on entend faire au juste. Organiser des élections ou ne pas les organiser ? Et apporter les arguments pour chaque cas.
L’opinion dominante du côté du régime de transition c’est de ne pas organiser les élections. La premier ministre l’a dit, sans le dire, de façon sibylline face à certains partenaires comme la représentante résidente du PNUD.
Le président de l’ALT a quant à lui cassé la baraque lors de la réunion de l’Assemblée parlementaire francophone tenue dernièrement à Abidjan. Il a déclaré à cette tribune « Il faut résoudre les questions sécuritaires et humanitaires avant de pouvoir organiser des élections». Comme quoi si l’insécurité ne trouvait pas de solution, il n’y aura pas d’élections.
Jusque-là on ne lis pas une intention réelle chez nos autorités de transition de vouloir tenir les élections. On peut féliciter les Maliens qui viennent de convoquer le corps électoral pour le référendum constitutionnel. Au Burkina c’est mouta mouta on ne voit rien venir. Alors que c’est le moment d’en parler et de poser des actes dans le chronogramme de la CENI. Or, là pas d’actes sur le terrain électoral. À la dernière audience entre le président et les entités de la classe politique la question de l’agenda électoral que les politiques auraient soulevé n’a pas reçu de réponse nouvelle. À part que la priorité c’est la reconquête du territoire national. En un mot la guerre d’abord et les élections après ! Sauf qu’on ne sait pas pour combien de temps encore. Qui peut garantir que la guerre va finir dans une, deux, quatre, cinq ou dix années ? Les élections ne sont pas un luxe pour notre pays dans ce contexte de guerre. C’est une partie de la solution pour la sortie de crise.
J’avais dit et je voudrais le répéter : rien absolument rien n’empêche d’organiser ces élections; sauf à en décider autrement pour d’autres raisons bien plus politiques que sécuritaires.
On dit qu’on ne peut pas organiser des élections parceque le territoire est occupé et qu’il faut la sécurité pour permettre des activités électorales et pour que les populations puissent voter.
Cette préoccupation est battue en brèche par trois arguments majeurs éclairés par le constat sur le terrain que voici:
1- primo, les populations c’est à dire celles-la même qui sont les potentiels électeurs se trouvent dans les centres urbains donc en zone de sécurité… Elles peuvent librement voter et sans problème.
2- secundo, on observe des marches meeting un peu partout jusque dans les communes des zones rouges comme Falangoutou, Pama, Nouna, Djibo , Bourzanga etc.
Des marches pour soutenir la transition. Ici on voit les populations qui peuvent marcher et manifester démocratiquement en tant que citoyens au nom de leur liberté et droit reconnus par la constitution. C’est la preuve qu’elles peuvent également remplir leur droit politique et citoyen qu’est le vote.
Il est plus difficile sous l’angle sécuritaire voire plus périlleux d’être dans une manifestation de foule nombreuse en zone rouge que de se déplacer seul dans un bureau de vote ou on n’aura au plus à se mettre dans un rang pour voter.
3- tierso, la question de financement des élections se posera c’est certain et l’Etat burkinabé a des problèmes de ressources c’est connu. On peut faire appel aux partenaires. Le 9 mai dernier l’Union européenne a annoncé une allocation de 15 millions d’euros pour le processus électoral. D’autres partenaires n’hésiteront pas à accompagner le pays vu qu’il est en guerre. C’est une situation qui plaide en sa faveur.
Certains conseillent des voies tortueuses aux jeunes capitaines pour qu’ils prolongent la transition en se donnant un « lenga ». C’est assurément dans une erreur qu’on veut les pousser. On va jusqu’à suggérer une pétition pour modifier la charte de la transition et prolonger la durée à l’ALT.
L’écueil de la pétition dans notre contexte actuel est double. Premièrement , le problème politique qu’il va poser n’est pas différent de celui de l’article 37 en 2014. Parceque la légalité ne confère pas forcément la légitimité. Ce n’est pas en forçant le passage par la voie légale que politiquement le fait va être accepté.
Deuxièmement, le président de l’ALT, a déjà pris une position partisane mettant l’institution législative dans une posture pro gouvernementale. L’ALT ne peut pas recevoir et examiner une pétition de manière équitable, indépendante vu son parti pris flagrant. On ne peut pas être juge et partie. En se sabordant ainsi à l’Exécutif on peut imaginer aisément le sort d’une pétition qui dirait non à la prolongation de la transition.
À mon avis les militaires ont fait leur part du job, ils doivent remettre dignement les commandes du pouvoir aux civils au terme du temps qui a été consacré par la charte. La guerre c’est l’armée qui la fera et la gagnera pour son honneur. Le retour du pouvoir aux civils ;
est avant tout une question d’honneur, de respect de la parole donnée et de grande responsabilité.
La Charte n’a pas prévu de conditions pour la
non organisation des élections. Elles ne sont donc pas facultatives mais bien obligatoires. L’accepter c’est respecter la constitution. Le contraire c’est violer la constitution.
Je pense que si la transition n’arrive pas à remplir sa mission première, qu’est la sécurité et la reconquête du territoire, de manière satisfaisante elle devrait tirer simplement les conséquences de son bilan. Elle a joué sa partition.
Quand un élève n’a pas la moyenne, il ne passe pas en classe supérieure. Il est recalé. On ne peut pas demander de faire passer en classe supérieure un élève qui n’a pas eu la moyenne.
Ici la transition pourra être alors recalée pour défaut de résultats et non atteinte des objectifs. Apparemment les autorités mêmes n’y croient plus quant à pouvoir relever le défi dans le temps. On les voient plus sceptiques parlant avec des « si ».
Au terme des délais, d’autres vont prendre le relais et continuer ce travail commun qui ne peut exclure les militaires. Cette élection est loin d’être un luxe démocratique. C’est une nécessité vitale. Une raison d’Etat.
Car ce qui est crucial aujourd’hui c’est que nous devons obligatoirement renouer avec la normalité institutionnelle afin d’aider le pays à revenir sur ses pieds et dans le concert des nations. Mais aussi et surtout ne pas tuer à petit feu un État dans une guerre qui ravage dangereusement l’économie, la diplomatie et la vie sociale. Il faut penser une guerre dans un pays qui fonctionne avec tous ses compartiments.
En somme, même s’il n’y avait pas d’élections ça devrait être le choix des forces vives de la nation et celles-ci pourraient alors trouver la solution adéquate. Les trouvailles par rapport à un schéma consensuel de mise en place des organes d’une transition civile ne manquent pas.
Les modificateurs doivent comprendre que s’ils pensent que c’est logique et normal de maintenir un président avec une pétition signée par 15 milles personnes, il devraient aussi admettre que rien n’empêche, parallélisme des formes oblige, que 15 milles personnes puissent constituer un corps électoral garantissant le suffrage universel ou définit comme de « grands électeurs » pour élire valablement un président dans le cadre d’une élection. Et la légitimité du président élu serait intacte parce que la source du pouvoir serait le peuple conformément à l’esprit et à la lettre de l’article 167 de notre loi fondamentale .

Lookmann Sawadogo
Journaliste éditorialiste
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