Santé

Chirurgie cardiaque au CHU de Tengandogo : Nafissa, la miraculée de Houndé

Blessée accidentellement par un objet pointu (généralement utilisé pour défaire les nattes ou pour coudre les calebasses et connu sous l’appellation guéndré ou piim en mooré) Nafissa Nacanabo, âgée de 7 ans et native de la ville de Houndé, a été opérée avec succès au Centre hospitalier universitaire de Tengandogo (CHUT). Le poignard qui a transpercé son thorax pour aller se loger au fond du ventricule droit a été soigneusement retiré par le docteur Adama Sawadogo et son équipe dans la nuit du mercredi 8 février 2023, sauvant miraculeusement la petite Nafi.

C’est dans cet état que Nafissa Nacanabo est arrivée à Tengandogo (Ph CHUT)

Oui, on peut bien la qualifier de miraculée, vu le périple qui a conduit à sauver sa vie. C’est à Houndé (253 km de la capitale, dans les Hauts-Bassins) que la petite Nafissa Nacanabo, en jouant avec une de ses camarades est tombée sur cet objet pointu qui a engagé son pronostic vital. «Je n’étais pas à la maison quand ça s’est passé. Quand je suis rentrée, on l’avait conduite à l’hôpital d’où on nous a transférés à Bobo. Là-bas on nous a dit de venir ici », nous relate, Aguéra Ouédraogo, la génitrice de la l’accidentée.

A Tengandogo où elles sont arrivées dans la nuit du mercredi 8 février, jour même de l’incident, aux environs de 22h, Nafissa a été immédiatement prise en charge. Maman Aguéra, toujours sous le coup de l’émotion, n’a que des mots de gratitude «Ma petite a été opérée et elle va bien. Je n’en reviens toujours pas. Je les (agents de santé : Ndlr) remercie beaucoup », dit-elle, peinant de dissimuler une larme qui a finit par perler sur sa joue droite. C’était le lundi 13 février lorsque nous sommes aller nous enquérir de l’état de la petite. Il était 10h passées d’une trentaine de minutes et Nafi, se remettait de son état, couchée sur son lit, après avoir fait un petit tour dans le couloir de l’hôpital.  

Pour une chance, c’en est vraiment une, selon Dr Adama Sawadogo, chirurgien cardio-vasculaire et thoracique au CHUT, grâce à qui le Burkina est, aujourd’hui, devenu l’un des rares pays africains à réaliser des interventions à cœur ouvert et à cœur fermé de façon routinière. C’est donc cet imminent chirurgien et son équipe qui ont eu la lourde charge de prendre urgemment en charge la patiente qui est arrivée au moment idoine : « On était en train d’opérer un cœur quand j’ai reçu l’information depuis Bobo Dioulasso qu’une petite fille a eu un thorax transpercé par un objet pointu, survenu accidentellement. Mes premières consignes ont été de ne pas essayer de retirer l’objet et de s’assurer de la stabilité de l’état clinique de la patiente. En effet quelqu’un qui est blessé au niveau du thorax a très souvent un essoufflement qui traduit le fait que les poumons sont en menace, du fait de l’air ou du sang qu’il y a autour. Il a aussi une douleur thoracique importante et sa tension artérielle s’effondre. Après vérification, Nafissa ne présentait aucun de ses signes. On a alors autorisé le transport médicalisé », a expliqué le chirurgien.

                    3h chrono pour coudre un cœur

Commença alors une course contre la montre pour sauver la vie de la blessée. « Ils sont arrivés autour de 22 h et la malade directement conduite au bloc opératoire car notre équipe était prête à l’accueillir. Nous avons juste eu le temps de faire une échographie cardiaque au bloc qui nous a permis de savoir que la partie pointue de l’objet était dans le ventricule droit. La paroi du ventricule a été transpercée et la pointe se retrouvait carrément au fond, sur le point de franchir le mur qui sépare les 2 ventricules. La chance est qu’on était à une semaine de mission de chirurgie et tout était apprêté dans la salle : du sang, la machine de circulation sanguine extra corporelle qui remplace le cœur lorsqu’on l’arrête… », a-t-il ainsi présenté la situation.

Nafissa hors de danger, Maman Aguéra ne cesse de la contempler. (Ph Lambert. O)

Ces conditions étant réunies, l’opération complexe a pu commencer sans tarder et le praticien nous en donne les détails : « On a abordé le thorax, ouvrant le sternum, puis le fourreau qui entoure le cœur appelé péricarde, on l’a ouvert gentiment et il y avait du sang à cause de la blessure de la paroi du ventricule. On a pris la précaution de mettre des fils autour de l’objet avant de le retirer, c’est-à dire qu’en même temps qu’un chirurgien le retirait, l’autre serrait les fils pour boucher le trou. On a fait un renfort et on n’a pas eu besoin d’utiliser la circulation sanguine extracorporelle. Une autre échographie a été faite avant l’admission de la patiente en réanimation qui a permis de se rassurer que les autres cavités du cœur n’étaient pas endommagées. Ce qui nous a permis de refermer le trou ». Ouf ! Nafissa est tirée d’affaires. 

Selon en effet notre réparateur de cœurs, elle a passé 2 jours en réanimation et actuellement internée au service de Chirurgie cardiaque et, « son évolution est très satisfaisante». A l’en croire, elle pourrait être libérée dans les prochains jours. 

« Théoriquement elle peut sortir au cours de cette semaine. Mais avant, nous allons lui faire une prévention du tétanos et de l’endocardite (infection des cavités internes du cœur : ndlr). Il s’agira d’antibiotiques qu’elle prendra sur plusieurs mois », a t-il prescrit.

        « Tout pouvait basculer d’une seconde à l’autre »

Après la tempête, le beau temps. Ce sourire du Dr Adama Sawadogo traduit la satisfaction d’une mission bien accomplie (Ph Lambert.O)

L’opération a en tout duré 3h de temps. A t-elle été difficile ou plutôt facile comparativement aux chirurgies cardiaques à cœur ouvert que le docteur Sawadogo a l’habitude de réaliser ?  A cette question, le médecin remue la tête avant de lâcher, avec soupir :

« C’était plus risquant qu’une opération à cœur ouvert programmé dans lequel cas on contrôle le cœur avant de l’aborder pour plus de sécurité. Alors que dans le cas de Nafissa nous avons été contraints par les événements : aborder le cœur sans l’avoir préparé. C’est une urgence dont l’évolution peut être catastrophique, tout pouvait basculer d’une seconde à l’autre.

La grande chance est que nous avions tout le matériel sur place et déjà apprêtée. Il se pouvait qu’on n’arrive pas à contrôler le trou, dans ce cas, il fallait le boucher avec un doigt et mettre la circulation extracorporelle en marche en vue d’arrêter le cœur. Mais cela a des risques : le cœur peut fébriler et s’arrêter. L’autre inconvénient, c’est que tout le sang peut se vider ». Si cette opération a été un succès il a fallu en amont respecter les consignes données par les praticiens qui n’ont pas manquer de les rappeler à titre de prévention.

Selon Dr Sawadogo, les blessures du cœur peuvent généralement arriver au cours des rixes, des accidents domestiques comme dans le cas de Nafissa, des accidents de circulation, et sont plus fréquentes chez les adultes. En dehors de ces accidents dits civils on a les traumatismes balistiques qui surviennent dans le cadre de la criminalité ou des conflits militaires. Elles sont plus rares chez les enfants.

L’objet retiré (Ph CHUT)

Dans tous les cas, il faut suivre les conseils que le docteur nous prodigue : « En cas de plaie pénétrante et dont l’objet pénétrant est toujours en place, que ce soit au niveau de l’abdomen, du cou, des membres inférieurs ou les axes des vaisseaux, il ne faut pas essayer de retirer l’objet. Ce corps étranger contribue souvent à la stabilisation temporaire des lésions qui ont été créées, le retrait peut alors traduire une mort cataclysmique en quelques secondes ».  

A 7 ans, Nafissa Nacanbo n’a pas encore trouvé le chemin de l’école et il est peut-être temps d’y penser après cette chance inouïe qu’elle a eu.

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