Société

Situation sécuritaire dans le Sourou : « la vallée agricole et ses infrastructures sont en danger »

Une semaine après des attaques d’hommes armés non identifiés (HANI) contre Di, nous nous sommes rendus à Tougan, une ville qui a accueilli des déplacés internes venus de cette commune voisine. Ces derniers sont un peu dispersés dans des familles d’accueil.  Les populations tentent tant bien que mal de vivre  dans la psychose et la peur de la menace terroriste. Un de nos interlocuteurs a ainsi exprimé son inquiétude si les groupes armés venaient à s’emparer de la vallée agricole et de ses infrastructures, poumon économique de la région.

La cité de Di est située dans la province du Sourou. Cinq policiers y ont trouvé la mort au petit matin du  31 octobre 2021, après l’attaque d’un détachement du groupement de compagnie républicaine de sécurité et du poste frontalier. Une localité qui a vu depuis lors,  ses habitants convergés vers Tougan afin de trouver un peu plus de sécurité dans des familles d’accueil. En effet, tous ceux qui ont été traumatisés par les échanges de tirs entre FDS et terroristes ont quitté la zone.  Une mauvaise expérience qu’a vécu cette employée de commerce que nous désigneront par un nom d’emprunt,  Mawa .  C’est de son domicile qu’elle a  suivi les crépitements de balles. « C’est aux environs de 5 h que j’ai sursauté sur ma couchette, réveillée par les bruits des armes. Je n’avais jamais vécu cela et au début j’étais dubitative. Un ami au téléphone m’a confirmée qu’il s’agissait d’une attaque. Après l’assaut, des voisins sont allés  constater les faits.  J’ai rendu compte à ma hiérarchie qui m’a instruit de rester terrée.  Lorsque les tirs se sont arrêtés, aux environs de 7 h j’ai pris la route sur ma mobylette », a-t-elle confié ajoutant que les habitants de Di n’ont pas quitté spontanément la commune mais contraints par la répétition des incursions des groupes armées.

Mawa a pu recevoir progressivement une partie de son matériel et de ses vivres

A Di il faut éviter de se faire  remarquer, poursuit notre interlocutrice. « Eviter les mèches, les tenues courtes.  Dans certaines zones comme le village de Houet, à 7 km de Di, tout  le monde est en noire et les femmes sont voilées. Même si tu portes ta croix il faut le niquab. Au niveau de la localité de Benkadi ils ne sont pas  exigeants. Les terroristes se déplacent à Di au vu et au su de tout le monde. Qui va oser parler ? Ils ne touchent pas à la population. Si tu te rends à la police pour une dénonciation, tu es assailli de questions et après on t’expose. Cette situation a rendu muette la population.  C’est la suspicion qui caractérise les relations humaines là-bas. A Di, les populations sont à majorité sunnites et se comportent comme les terroristes le désir. Ils n’ont plus rien à leur apprendre ».

Après avoir rejoint Tougan, Mawa a pu reprendre son activité tout en ayant la tête à Di où elle a tout laissé.  C’est finalement grâce à un commerçant, qu’elle a pu convoyer ses vivres et autres équipements à Tougan. Ce dernier que nous appellerons  Bouba nous a expliqué que la situation a un réel impact sur les travaux agricoles des paysans qui n’ont cependant pas d’autres choix que d’y retourner malgré tous les dangers.

Selon une source digne de foi que nous avons rencontré à Tougan où les langues se délient difficilement,  le commissariat, le détachement militaire, la Gendarmerie ont plié bagages de Di, laissant les populations à la merci des terroristes. « La première attaque dans la zone a eu lieu en 2019 à Lanfiera situé est à 32 km de Di.  Les zones  sont inaccessibles.  La commune de Kassoum est voisine à Toéni mais Il n’y a pas de route pour rejoindre  Di. Nous avons peur de  la progression des forces du Mal.  Il existe une forêt à Léry (un village du département et la commune rurale de Gassan). S’ils y parviennent, Dédougou ne sera pas épargné. Le campement de chasse de Safari est également un lieu stratégique », a-t-il répété, poursuivant que  si toutefois les HANI arrivent à contrôler ces espaces, ils mettront la main et détruiront les machines et les installations agricoles, ces gros investissements qui représentent le poumon économique de la région. 

Toujours selon notre interlocuteur, Il faut que les autorités prennent gardent parce que Lanfiera, Di et Gnassan  sont les localités qui abritent la vallée. C’est là que les premières exploitations du projet Sourou ont débuté sous le président Thomas Sankara…

Au cours de notre séjour à Tougan, nous avons rencontré également des jeunes dont les parents ont été contraints de quitter Di pour  Tougan. « Nos frères qui ont investi là-bas dans l’agriculture ont ramené femmes et enfants et sont repartis. Ils n’ont vraiment pas le choix. Comme eux, de nombreux élèves ont aussi déménagé afin de poursuivre leur scolarisation ailleurs.« 

Du côté des autorités municipales que nous avons approchées, nous n’avons pas eu d’interlocuteur. Le 2e adjoint du maire après la célébration d’un mariage nous a renvoyé à son supérieur qui a quitté la commune. Mais après un échange avec l’édile de Tougan au téléphone, promesse nous est faite que le 2e adjoint qui est sur place répondrait à nos questions. Hélas, après ce premier coup de fil, le maire de Tougan nous est devenu injoignable. Même scénario avec un enseignant qui a aussi fui  Di et que nous avons rencontré à la mairie. Outre ses tentatives infructueuses d’interviews de personnes ressources de la localité, un entretien téléphonique avec le maire de Di a lui aussi fini en queue de poisson pour des questions d’humeur. L’intéressé, visiblement remonté contre l’Etat à cause de l’aggravation de la situation sécuritaire malgré les multiples interpellations des autorités communales de la région, a mis fin à nos échanges tout en s’excusant. Un silence forcé qui ne présage rien de bon pour la province du Sourou.

W. Harold Alex Kaboré

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