Société

Drame de Banlo : « Il y a bien longtemps que nous banalisons la vie humaine dans ce pays », Bertrand Meda

Dans un écrit posté sur sa page Facebook, un internaute donne sa lecture du drame de Banlo où trois agents du CCVA ont été lynchés suite à un accident de la circulation. Bertrand Meda, ainsi se nomme cet internaute, estime, arguments à l’appui, que cette tragédie n’est pas un cas isolé d’autant plus que « la vie humaine a longtemps été banalisée au Pays des hommes intègres ». Lisez plutôt.

« Je n’aime pas polémiquer quand il y a mort d’hommes par respect pour la souffrance de ceux qui ont perdu des êtres chers. J’ai donc longtemps résisté à me prononcer sur le drame de Banlo malgré que certains raisonnements plats et les lynchages médiatiques de toute une région (Sud-Ouest) m’ont rejoint sur Watshapp.

Hier nuit, j’ai donc posé une simple question et demandé qu’on élève le niveau du débat. J’espérais que la réponse à la question par tout un chacun nous amènerait à ouvrir les yeux pour poser le bon diagnostic et réfléchir à des solutions idoines.

Hélas, certains y ont vu une tentative de justification de l’acte de « mes parents » (je suis convaincu que mon nom de famille n’est pas étranger à certaines intentions qu’on m’a prêté). Je vais donc être un peu plus long.

D’abord, je ne me reconnais pas dans la déclaration des maires du Sud-Ouest qui tend à accréditer la thèse selon laquelle le drame tel qu’il s’est déroulé à Banlo serait l’apanage de la seule région du Sud-Ouest et de l’ensemble de la région. Sans doute, en « bons politiciens » ont-ils cédé à la pression médiatique et des réseaux sociaux mais c’est une déclaration qui participe à la stigmatisation de toute une région. J’aurais compris une déclaration du maire de Bouroum-Bouroum dont relève Banlo. Mais que viennent faire ici les maires des 27 autres communes du Sud-ouest? Des faits semblables s’y sont-ils déjà produits? On me répondra peut-être qu’il s’agit d’une prévention. Dans ce cas, c’est tout le pays qui en a besoin et non seulement les communes du Sud-Ouest car je n’ai pas connaissance de données qui montrent que le risque de tels drames serait plus élevé à Ouessa, Koper, Bondigui, etc. qu’à Kirsi ou Bereba, etc.

Dans leur déclaration, les maires affirment même que « . ..de tels actes mettent en mal le vivre ensemble tant souhaité par nos plus hautes autorités… » comme s’il s’agissait d’actes commis par une communauté contre une autre. Or il me semble que c’est un pur hasard s’il n’y avait aucun ressortissant de la région du sud-ouest dans cette voiture. Je ne crois pas que les occupants ont été interrogés pour savoir d’où ils venaient avant d’être assassinés. Celui qui aurait eu la malchance d’être de cette mission ou qu’on aurait même pris en auto-stop aurait subi ce triste sort peu importe sa région d’origine ou son ethnie

Il y a bien longtemps que nous banalisons la vie humaine dans ce pays et nous espérons maintenant récolter autre chose que ce que nous semons.


Si on crie « au voleur » dans nos villes, des gens, attablés devant leurs bières ou thé, vous abattront avant même de demander ce que vous avez volé. Puis ils retourneront tranquillement boire leurs bières ou thé comme s’ils venaient de tuer un margouillat.

Si quelqu’un crie que vous lui avez volé son sexe, les passants vous lyncheront également à mort avant même de vérifier que le sexe de l’accusateur a vraiment disparu. On dira après que c’est votre mort qui a fait revenir son sexe.

Des escadrons de la mort exécutent sans jugement de présumés bandits de grand chemin (dans les années 2000 ils les laissaient même pourrir dans la nature) ou des présumés terroristes et beaucoup de ceux qui s’indignent aujourd’hui applaudissent et en redemandent.

Si vous brûlez un feu et vous refusez de vous arrêter, si le policier vous abat, certains trouveront cela mérité car votre refus d’obtempérer mérite la mort.

Un policier ou un douanier commet une bavure dans nos campagnes et on organise la chasse à tous les policiers ou douaniers. Dans tous les cas si ce n’est pas lui, c’est son collègue. De l’autre côté, bien qu’on soit conscient que l’homme de tenue a commis une bavure,sa hiérarchie et ses collègues feront tout pour le couvrir en déformant les faits.

Des « djihadistes » attaquent un village et tuent six personnes. Des représailles sont aussitôt organisées contre toute une communauté accusée de complicité et on en tue plus d’une quarantaine. Il s’en ait trouvé des gens pour justifier Yirgou ici.

Des femmes continuent de mourir en donnant la vie par négligence d’agents de santé mais cela ne les empêche pas de dormir profondément et de siroter tranquillement leurs bibines.

Bref, on peut multiplier les exemples pour montrer que malheureusement le drame de Banlo n’est pas un cas isolé ni une marque déposée du Sud-ouest. Et comme si l’actualité a voulu faire une nique a ceux qui voulaient régionaliser le problème, le drame de Koulpelogo (où un VDP aurait tué un père et son fils pour une dispute de place au marché) est arrivé comme un brutal rappel de la réalité.

La réalité est que beaucoup d’entre nous sont capables aujourd’hui de tuer notre prochain comme un poulet pour des broutilles. Les questions que nous devons nous poser: c’est pourquoi? Qu’est-ce qui a changé? Comment faire pour que la vie redevienne sacrée? Dans quelle société voulons-nous vivre? Quels sont les moyens que nous y mettions ou que nous devrions y mettre pour y parvenir?

Voici des questions qui méritent réflexions à mon humble avis. Mais, bon! Peut-être est-ce plus facile de jaser avec les spécialistes des réseaux sociaux en attendant qu’un autre fait divers nous offre l’opportunité de sortir de nos préjugés sur telle ou telle ethnie ou région.

NB: ceux qui ont l’art de transposer leurs débats d’autres plateformes sur les pages des autres, épargnez nous les pertes de temps. Seul m’engage, ce que j’ai écrit. »

Bertrand Meda

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