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Burkina Faso : La quadrature du cercle sur le chantier de l’Etat-nation

Aux prises avec les attaques terroristes depuis le 15 janvier 2016 après celles contre le Splendid hôtel et le Café Cappuccino, le Burkina peine à maîtriser sa situation sécuritaire sur toute l’étendue de son territoire. Il ne se passe plus une semaine sans que le pays ne soit la cible d’une attaque dans l’une ou l’autre de ses localités. Comment retrouver le chemin de la paix, du vivre ensemble au service de l’idéal d’édifier un Etat-nation ?

Une manifestation de soutien aux FDS du Burkina sur le front de la lutte contre le terrorisme

Le nouveau ministre d’Etat, ministre de la Réconciliation nationale, Yéro Boly, a reconnu lors d’une récente conférence de presse, organisée par le service d’information du gouvernement, que désormais, ce sont des Burkinabè qui prennent les armes contre d’autres Burkinabè. Il a confirmé ce que le citoyen lambda savait depuis belle lurette, enfonçant ainsi une porte ouverte : celle de la grande déchirure, dans les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun, du tissu social qui met à mal le vivre-ensemble des Burkinabè.

La présente réflexion se veut être une contribution à la recherche de la paix, pour consolider le vivre-ensemble, préalable à l’édification de l’Etat-nation que les patriotes burkinabè appellent de tous leurs vœux.

Mais avant d’esquisser les pistes de solution pour le retour de la paix et pour un meilleur vivre-ensemble, il faut s’entendre sur la signification de deux concepts fondamentaux : le vivre-ensemble et l’Etat- nation.

Le vivre-ensemble est un comportement social, se rapportant à l’humain, qui au contraire du grégarisme animal, dicté par l’instinct de survie, procède d’un choix réfléchi, c’est-à-dire fruit de la raison, au service de l’intérêt général. Vivre- ensemble, c’est donc rechercher l’intérêt général. Quand donc l’intérêt général converge vers les intérêts particuliers, le vivre-ensemble est facile à réaliser et à rendre meilleur. Mais quand il y a antinomie d’intérêts entre ceux de la société et ceux de particuliers, vivre-ensemble devient problématique. Il faut en prendre conscience et travailler à y remédier.

L’Etat-nation est un concept politique, une vision qui, concrètement, renvoie à la juxtaposition de l’organisation du pouvoir étatique sur un ensemble de populations humaines qui se reconnaissent un destin commun, liées par l’histoire, la géographie et la sociologie, et travaillant de concert pour en améliorer le cours.

La justice classique est lente, froide et répressive

Les avatars dramatiques de l’histoire politique du Burkina Faso ont semé les graines de la haine et de la division des Burkinabè qui ont poussé et bien poussé. La lutte contre le terrorisme en a ajouté aux meurtrissures des cœurs, au déchirement du vivre-ensemble et à l’effritement de l’autorité de l’Etat.

La mal gouvernance, matérialisée par la corruption dans l’administration publique et ses démembrements, apporte sa part de discrédit aux institutions étatiques ; si fait que, l’idéal de l’Etat-nation n’amasse plus mousse dans le cœur des Burkinabè. Au contraire, la politique politicienne y sème la moisissure du régionalisme, de l’ethnicisme, voir du tribalisme.

Que faire alors pour le retour de la paix, la réconciliation nationale et pour raviver la flamme de l’unité nationale chez  nos compatriotes ? Trois questions importantes qui se résument en une : comment booster le vivre-ensemble des Burkinabè pour le transformer en bien-vivre et plus tard en mieux-vivre ensemble ?

Répondre à cette question nous amène à évoquer les crimes politiques, notamment ceux de sang. Sans les passer en pertes et profits, comment se réconcilier entre Burkinabè ?

Le fameux triptyque « Vérité-Justice et Réconciliation », juste dans le principe, a du mal à être opérationnel dans les faits. En effet, la justice classique est lente, froide, répressive et on n’a jamais vu, sauf erreur ou omission de notre part, un procès au sortir duquel, accusé et accusateur se sont jetés dans les bras l’un de l’autre en guise de réconciliation. Suivez mon regard sur le jugement de l’affaire « Thomas Sankara et 12 autres ». La vérité n’y a pas été forcement dite et pour la réconciliation, il faudra repasser. Alors,  pour les autres affaires pendantes, si  on essayait autre chose : la justice transitionnelle ! Celle où le bourreau vient raconter son crime devant une commission ‘’Vérité et réconciliation’’ et demande pardon à ses victimes où à leurs proches ainsi qu’au pays tout entier. La justice transitionnelle, rapide, compatissante et tolérante, a eu de bons résultats au Rwanda et en Afrique du Sud.

Pour le retour de la paix au Burkina, le gouvernement de la Transition, en proposant l’idée de concertations locales pour encourager ceux des Burkinabè qui ont pris les armes contre leurs frères à revenir à la raison, donne un signal fort qu’il n’y a pas que les armes pour résoudre les conflits armés. Le dialogue et le pardon sont une partie de la solution. Mamadou Traoré, le chef de canton de Nouna n’a pas tort d’appeler les Burkinabè, depuis les colonnes de L’Observateur Paalga du 13 mai 2022 à « faire table rase des rancœurs et des faits passés qui nous divisent ».

Des femmes déplacées internes se réjouissent de l’assistance dont elles sont l’objet

Dans la recherche de la paix consécutive aux attaques terroristes, outre les concertations locales, le gouvernement doit rapidement concevoir un ambitieux plan de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale. Avec le soutien des partenaires techniques et financiers, cette solution a eu de bons résultats en Côte d’Ivoire, au Liberia et en Sierra Leone. Pourquoi pas au Burkina ? Va donc pour des pourparlers locaux avec des facilitateurs locaux pour recoudre le tissu social localement d’abord avec ensuite en point de mire, le retour de la paix par le désarmement et la réinsertion des ex combattants.

La résolution de cette équation quadratique que je propose ‘’Dialogue- Désarmement-Pardon- Réinsertion’’ est plus globale dans la prise en charge des problèmes du vivre-ensemble des Burkinabè. C’est un puissant viatique sur la route du long voyage, à la poursuite de l’idéal d’édification de l’Etat-nation au Burkina Faso où il fera bon vivre.

A bon entendeur…

Zéphirin KPODA

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