Justice

Assassinat Thomas Sankara : « J’ai été déçu d’entendre Blaise Compaoré justifier le coup d’Etat », Mousbila Sankara

Ce mardi 30 novembre 2021, le procès des coupables présumés de l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses douze compagnons d’infortune s’est poursuivi avec les questions que les différentes parties ont adressées au témoin Mousbila Sankara.

Mousbila Sankara était ambassadeur du Burkina en Lybie à l’époque

La veille, en l’occurrence le lundi 29 novembre 2021, Mousbila Sankara avait présenté au tribunal le récit des évènements qu’il a vécus lors du coup d’Etat du 15 octobre 1987. L’ingénieur en télécommunication à la retraite avait ainsi indiqué à la cour que ce jour-là, il était à la 42e session de l’Assemblée générale de l’ONU (Organisation des Nations unies) à New York lorsqu’il a été informé qu’il se passait quelque chose au pays. Ambassadeur du Burkina en Lybie à l’époque, il a alors appelé Blaise Compaoré pour comprendre et ce dernier lui a demandé de repartir à son poste à Tripoli et de l’aider avec du matériel de maintien d’ordre. Ce qui a été fait.

« Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont mangé »

Mais à son retour au bercail en novembre 1987, Mousbila Sankara sera arrêté en décembre de la même année. Enfermé à la gendarmerie, il a été, selon lui, torturé. L’ingénieur a par la suite été conduit en fin décembre au Conseil de l’entente où il a été maintenu en détention, toujours sous la torture, jusqu’au 7 avril 1991. C’est à cette date qu’il a été libéré après qu’on lui ait dit qu’il était accusé d’être impliqué dans « le coup d’Etat que préparait Boukary Kaboré dit le lion à Koudougou ». On lui aurait dit également que bien qu’il soit un dégénéré, le Front populaire le graciait. Pour lui, tous ses déboires sont dus au fait qu’il a démissionné de son poste après le coup d’Etat. En effet, il avait été déçu par le fait que Blaise Compaoré ait justifié le putsch et qu’il l’ait assumé.

Répondant aux questions posées par le ministère public, le témoin a indiqué que l’ex-président Blaise Compaoré a fabriqué des monstres qui l’ont mangé. « D’un Côté, on avait Hyacinthe Kafando et de l’autre Gilbert Diendéré. Chacun voulait lui montrer qu’il était le plus fidèle serviteur », a-t-il expliqué, clamant haut et fort que Gilbert Diendéré n’a pas commandité le coup d’Etat mais qu’il l’a fait. Perdu dans les déclarations du témoin, le parquet militaire a voulu comprendre davantage en lui posant la question suivante : Comment se fait-il alors que ce soit Kafando qui était le chef du commando qui a donné l’assaut alors qu’il y avait selon vous une rivalité entre lui et Diendéré ? Réponse : « A un moment donné, on a fait croire à Hyacinthe qu’il faut tuer Sankara mais que c’était difficile. Alors celui-ci s’est donné les moyens de le faire ».

Lorsque la parole a été donnée à la partie civile, l’un des avocats de la famille Sankara, Me Julien Lalogo, s’est penché sur l’état des rapports qu’il y avait en son temps entre le président Thomas Sankara et son homologue libyen Mouammar Kadhafi. Si l’on se réfère à ses explications, les relations entre les deux hommes étaient compliquées car ils ne s’entendaient pas sur plusieurs sujets. A la question de savoir si le 15 octobre a permis de restaurer les relations entre les deux pays, le témoin dira : « Oui. Entre Kadhafi et Blaise, ça marchait très bien. Cette année-là, il était allé à Tripoli représenter le Burkina à la fête nationale du 1er septembre. Il a été bien reçu ».

Après Mousbila Sankara, c’est Fidèle Toé, 72 ans, qui a fait sa déposition. A l’époque, il était ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique. Dans son témoignage, il a expliqué au tribunal que le 14 octobre 1987, il était heureux en sortant du Conseil des ministres car le président Sankara, sur fond d’humour, avait crevé l’abcès par rapport aux rumeurs qui se rependaient sur des conflits avec Blaise Compaoré. Selon le témoin, il les avait rassurés sur leurs relations. De plus, il a expliqué les raisons qui prévalaient à l’adoption du projet de la FIMATS (Force d’intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité). C’est donc avec beaucoup d’étonnement que  l’inspecteur du travail à la retraite a appris la nouvelle du coup d’Etat du 15 octobre. Ce jour-là, dans la matinée, il a parlé au téléphone de certains dossiers avec le président qui devait lui faire un retour dans l’après-midi. C’est ainsi qu’il lui parlé à nouveau aux environs de 16h. C’est en voulant aller au sport de masse qu’il a entendu les coups de feu. Il a alors été tenté d’aller au conseil mais on l’en a dissuadé.

Il passera la nuit du 15 octobre chez un ami, Adama Drabo, et c’est de là qu’il a suivi la déclaration du Front populaire. « Le matin, j’ai quitté ma cachette pour aller à Samandin mais en route j’ai aperçu des bérets rouges et j’ai préféré aller à Petit Paris chez un autre ami », a-t-il expliqué, ajoutant que la presse le donnait pour mort. « On me recherchait auprès de ma famille et je ne savais quoi faire. Fallait-il me rendre ? Est-ce que je devais aller à Koudougou », voilà les questions qu’il se posait avant de décider d’aller au Ghana où il a été bien reçu. L’ancien ministre fera au total sept ans d’exil. Selon son récit, les Ghanéens et même le père du leader de la révolution burkinabè lui ont fait comprendre qu’ils avaient prévenu le président Sankara ( de ce qui se tramait contre lui) et qu’une villa avait été préparée pour lui dans ce pays. « Mais Sankara pensait qu’il pouvait tout arranger en raisonnant ses amis », a-t-il exprimé avec regret.

Zalissa Soré

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