Justice

A la barre : l’élève qui a raté son bac après la vente frauduleuse d’un resto

Pour avoir œuvré à la vente frauduleuse d’un restaurant, Brice, élève de terminale n’a pas composé son examen de baccalauréat, puisque détenu à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) et que ses demandes de liberté, le temps de pouvoir passer le Bac, sont restées vaines. Le procureur a requis contre lui et son complice, 15 mois de prison assorti de sursis ainsi qu’une amende de 500 000 F CFA ferme.

Brice (nom d’emprunt) tutoie la trentaine. A cet âge, nombre de ses camarades ont presque bouclé un cursus universitaire quand ils n’ont pas décroché un emploi de rêve.  Mais pas lui qui n’a pas encore quitté les bancs du lycée, élève en classe de terminale qu’il est.

Ceux qui ont la bouche fendue au mauvais endroit diront sans doute que ce n’est pas fortuit si le jeune homme est encore à ce niveau de son cursus. Car, Brice a allié affaires et études. Et il ne s’en cache pas d’ailleurs : lorsqu’il n’est pas occupé à ses cahiers, il est démarcheur dans la vente de biens immobiliers. A tout le moins, cette occupation lui permet de subvenir à ses besoins. Et même de garnir le gâteau de cerise. Car une affaire peut rapporter des millions selon les termes du contrat.

Dans les  affaires, comme le conseille le milliardaire Steve Jobs, « les grandes choses ne sont jamais faites par une seule personne » mais « par toute une équipe ». Ce que Brice applique au mieux. Rarement seul sur le coup, il a un associé de…confiance avec qui il partage souvent ses deals. Cet associé, c’est Razak, un prestataire de services, pas plus âgé. Lui, a une facilité à trouver un client lorsqu’il est question de vendre un article ou un bien quelconque.

Dans le quartier où il habite, Brice a aussi son « bon kôro », un mentor, si vous préférez, qui est pour lui un modèle de réussite. Agent d’une cimenterie de la place, le mentor, monsieur Ouédraogo est visiblement le type d’homme d’affaires que Brice aspire à devenir. Loin d’imaginer la boue dans laquelle ce dernier va le traîner. En effet, pour une affaire de de vente frauduleuse d’un restaurant, Brice est pris dans les mailles de la justice.

L’affaire remonte à mars 2021. Le cimentier a sollicité les services de son « bon petit » pour la vente d’un kiosque dont son épouse en est la propriétaire légale. Il a sans doute pris le soin d’informer l’élève-démarcheur que l’établissement a déjà été vendu à une tierce personne qui n’a pu payer la totalité mais seulement une partie du montant après l’expiration d’un délai. Pas de problème, a estimé le trentenaire, car les affaires c’est aussi les risques. Brice a alors contacté son pote, Razak. Il lui a donné les caractéristiques du restaurant et précisé que le prix de vente est fixé à 2,1 millions de F CFA. Plus que le montant indiqué par monsieur Ouédraogo  qui attend tout juste une brique et demie. En quelques jours, Razak a trouvé un acheteur : Nicolas. Voulant le local du resto pour entreprendre mais n’ayant pas la bourse solide, ce dernier a contracté un prêt. Il a pu donc réunir les 2,1 millions qu’il a remis aux vendeurs. La cagnotte est répartie ainsi qu’il suit : 1, 5 millions à monsieur Ouédraogo, 120 000 F à Razak, et le reste du fric pour Brice.

Documents d’achat en main, il ne restait plus au nouvel acquéreur du restaurant qu’à aménager l’établissement pour débuter l’activité de son entreprise. Mais le jour où Nicolas s’est rendu au resto pour lui donner un coup de neuf, un inconnu qu’il a trouvé sur les lieux s’y est opposé. De fil en aiguille, il s’est rendu compte qu’il a acquis un établissement déjà vendu à un tiers. En clair, il est victime d’escroquerie et de stellionat (double-vente d’un bien immobilier).

Début d’une procédure judiciaire dont l’un des tournants a été l’arrestation de Brice et Razack, monsieur Ouédraogo n’ayant pas été suspecté, lui qui, au moment de signer l’acte de vente a prétexté une course à effectuer, lui encore qui a déménagé et disparu des radars après avoir récupérer sa part du gâteau.

Devant les juges, ce sont deux jeunes hommes sereins qui ont comparu. L’un, Brice, soutenant que c’est après avoir vendu le resto qu’il a découvert que l’établissement avait déjà été vendu et l’autre, Razak, qui a avoué avoir été mis au courant de la double vente dès qu’il a été contacté par son ami.

Pour le procureur, la constitution des infractions ne souffre d’aucun doute, les faits sont assez clairs. Et c’est pour cela qu’il a requis 15 mois de prison assorti de sursis et une amende de 500 000 F CFA ferme contre chacun des deux prévenus.

Si le juge venait à appliquer cette demande du parquet, c’est une double peine qu’il aura infligé particulièrement à l’élève démarcheur qui, du fait des liens de la prévention, n’a pu composer son examen de baccalauréat, les demandes de liberté provisoire formulées par son conseil n’ayant  pas obtenu la clémence du parquet.

Après la prison, il n’y aura sans doute plus personne pour convaincre Brice et son pote que « les mauvaises affaires sont les bonnes », comme disait le journaliste et romancier français, Aurélien Scholl. Autrement, la pêche n’est pas forcément meilleure quand l’eau est trouble.

Bernard Kaboré

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