Lutte contre le terrorisme : »nous avons fait le choix de la dignité et de la résistance » PM burkinabè

80e Assemblée générale des Nations Unies: Déclaration du Burkina Faso prononcée par le Premier ministre Chef du Gouvernement SEM Rimtalba Jean Emmanuel OUEDRAOGO
New-York, le 27 septembre 2025
Madame la Présidente,
Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation,
Distingués délégués,
Mesdames et Messieurs,
J’ai l’insigne honneur et le grand privilège de prendre la parole au nom du Camarade Président, le Capitaine Ibrahim TRAORÉ, Président du Faso, Chef de l’État, à l’occasion de la présente session, afin d’y porter la voix du peuple digne et intègre du Burkina Faso.
Aussi, me charge-t-il d’adresser ses fraternelles salutations, à tous les citoyens du monde épris de paix et de liberté.
Madame la Présidente,
Je vous adresse, au nom du Burkina Faso, mes chaleureuses félicitations pour votre élection à la présidence de cette 80ème session. Votre élection consacre la confiance de la communauté internationale en votre leadership, et votre sens de l’écoute et du dialogue. Vous trouverez auprès de mon pays un partenaire sincère, constructif et engagé.
À votre prédécesseur, Monsieur Philémon YANG, j’exprime ma gratitude pour la qualité et la rigueur du travail accompli lors de la 79ème session.
Madame la Présidente, Distingués délégués, Mesdames et Messieurs,
Le Burkina Faso souscrit pleinement à la déclaration prononcée au nom de la Confédération des États du Sahel (AES) par la République sœur du Mali. Ensemble avec le Niger, nous avons une communauté de but et d’aspirations dans un espace de renouveau et de rupture.
Monsieur le Secrétaire Général,
Le Burkina Faso tient à saluer l’apport du système des Nations Unies et de ses partenaires dans notre quête commune de stabilité et de prospérité.
La présente session qui se tient quatre-vingts ans après l’adoption de la Charte des Nations Unies, constitue une occasion idéale pour marquer une halte et dresser un bilan sans complaisance de notre organisation. C’est cette réflexion que nous propose le thème : « Mieux ensemble : plus de 80 ans au service de la paix, du développement et des droits humains ».
S’il s’inscrit dans la perspective de renouvellement de notre engagement mutuel en faveur d’un monde davantage porté sur l’équité et la justice, et d’un multilatéralisme plus efficace, ce thème traduit bien la démarche idéale qui devrait guider chaque nation, chaque regroupement sous-régional, régional et international.
Ces « Noces de Chêne » qui devraient incarner un temps de célébration solennelle appellent plutôt à une profonde introspection. Le bilan des huit décennies des Nations Unies, loin de susciter l’allégresse, s’apparente davantage à un « fiasco embarrassant », « une désillusion collective » et « un échec structurel ».
Puisque le devoir de vérité nous y invite, nous devrons reconnaitre avec humilité que quoique le tableau global présente quelques acquis, celui-ci reste négativement marqué par huit décennies d’optimisme durement éprouvé, huit décennies d’espoirs déçus, huit décennies de rêves brisés, bref …huit décennies de rendez-vous cruciaux manqués.
C’est malheureusement l’image obscure d’une ONU que beaucoup de nos devanciers de 1945, s’ils vivaient encore, auraient eu du mal à accepter.
Il est donc difficile de se réjouir face à un bilan aussi mitigé.
Comment comprendre que l’Afrique, berceau de l’humanité et foyer de tant de conflits, représentant plus d’un milliard d’êtres humains, demeure exclue des instances décisionnelles du Conseil de sécurité ?
Comment accepter que des missions de maintien de la paix, financées à coups de milliards, quittent nos pays en laissant davantage de frustrations et de souffrances que de résultats tangibles ?
Les causes de ce « naufrage collectif » sont pourtant bien connues de tous, notamment des Etats membres eux-mêmes qui, durant ces huit décennies, ont, dans le cadre de l’Assemblée générale, consacré leurs énergies à défendre des causes nobles et à proposer des reformes réalistes sans obtenir gain de cause.
Que peut-on y faire si les décisions de l’Assemblée Générale, qui ne sont pas contraignantes, la rendent congénitalement inaudible et inefficiente ?
Pouvait-on espérer un meilleur bilan avec un Conseil de Sécurité malade de la politisation de ses décisions, impotent du fait de ses incohérences et inefficient en raison de ses divisions permanentes ?
Pire encore, ce Conseil, au rôle aujourd’hui galvaudé, se présente lui-même comme un grand fauteur de trouble pour la complicité tacite, sournoise et parfois active de certains de ses membres permanents, eux-mêmes grands acteurs et principaux financiers des crises de notre époque.
Voilà ce qu’est devenu notre Conseil de Sécurité, une « entreprise » -il faut le dire- « funeste » qui, du fait des visées prédatrices de certains de ses membres permanents, peut entre autres décider quel pays sera à l’ordre du jour du terrorisme international, dans quel autre envoyer des opérations de maintien de la paix, comme pour mieux légitimer son rôle.
C’est donc impuissants, que nous assistons aux échecs d’initiatives pourtant judicieuses en raison de rivalités entre États et à des crises non résolues dont la plus emblématique est le conflit Israélo-Palestinien qui n’a que trop duré.
L’inaction coupable de la communauté internationale face à la défiance de l’autorité des Etats par des terroristes financés et soutenus par d’autres Etats s’ajoute à tous ces paradoxes inquiétants.
Le temps du sursaut et des réformes courageuses est venu.
Sans cela le Conseil de sécurité restera une institution anachronique, incapable de répondre aux défis de notre temps.
Mesdames et messieurs
Dans un monde en profonde mutation, marqué à la fois par l’essor de la numérisation et par la persistance de tensions géopolitiques, il devient impératif de repenser nos stratégies de développement économique.
Le commerce international ne peut plus être appréhendé à travers les schémas rigides et déséquilibrés qui nous ont été imposés, mais doit être réorienté vers le renforcement de l’autonomie économique, la transformation locale des ressources et la promotion d’une justice sociale réelle.
Il est aujourd’hui reconnu que la prospérité durable passe par des politiques volontaristes d’industrialisation, de valorisation sur place de nos matières premières et de création d’emplois décents, notamment pour notre jeunesse.
C’est pourquoi, il est urgent de rompre avec le cycle de dépendance aux exportations de produits bruts, un modèle qui accroît la vulnérabilité de nos économies et freine inexorablement notre émergence.
Au Burkina Faso, les initiatives présidentielles traduisent cette volonté ferme de bâtir une économie productive, inclusive et résiliente, capable d’offrir de nouvelles perspectives à nos concitoyens.
C’est dans ce sens que mon pays réaffirme son attachement à l’édification d’un système commercial multilatéral plus juste et plus équitable, fondé sur la solidarité internationale et tirant pleinement parti des avancées scientifiques, technologiques et de l’innovation, véritables leviers d’un développement durable et partagé.
Madame la Présidente,
Mon pays traverse, comme d’autres nations du Sahel, une des épreuves les plus difficiles de son histoire. Depuis près d’une décennie, le Burkina Faso est agressé par des terroristes soutenus par des forces obscures.
Ces groupes convoitent nos ressources, cherchent à briser notre souveraineté et à imposer la loi du chaos.
Mais loin de nous résigner, nous avons fait le choix de la dignité et de la résistance.
Sous le leadership du Camarade Président, le Capitaine Ibrahim TRAORÉ, nous avons décidé de prendre notre destin en main :
- En mobilisant nos Forces de défense et de sécurité, appuyées par les Volontaires pour la Défense de la Patrie, véritables héros du quotidien ;
- En instituant le Fonds de Soutien
Patriotique, alimenté par les contributions volontaires de nos citoyens, de notre diaspora et des amis du Burkina Faso à travers le monde. Depuis 2023, ce Fonds a déjà collecté plus de 413 milliards de FCFA, preuve éclatante de l’unité et du sursaut patriotique de notre peuple ; - En engageant des réformes historiques pour atteindre la souveraineté alimentaire, réhabiliter nos terres, relancer notre production agricole et réduire notre dépendance aux importations.
Ces efforts déployés par tout un peuple déterminé, portent leurs fruits : plus de 72 % de notre territoire a été reconquis, des milliers de déplacés internes regagnent leurs localités, des écoles rouvrent, des services sociaux reprennent vie. Le Burkina Faso démontre ainsi qu’un peuple uni et debout peut surmonter les épreuves les plus dures.
En tout état de cause, le Burkina Faso réaffirme, en toute responsabilité, que ses priorités ne sont pas négociables et que ses choix sont plus que jamais à respecter.
Mesdames et messieurs
Nous inscrivons notre action dans le sens des vertus de la solidarité et de l’unité, avec la conviction profonde qu’un peuple rassemblé autour d’un idéal commun peut accomplir de grandes choses.
Les efforts conjugués de nos concitoyens de l’intérieur comme de la diaspora, et leur adhésion enthousiaste à la dynamique impulsée, nous confortent dans la justesse des choix que nous avons opérés, sous le leadership du Camarade Président du Faso.
L’engouement suscité par le Fonds de Soutien Patriotique (FSP) et l’Initiative présidentielle « Faso Mêbo » en est la parfaite illustration. Institué en 2023, en appui au Plan d’Action pour la Stabilisation et le Développement (PA-SD), le Fonds de Soutien Patriotique a pour vocation de mobiliser, de manière endogène, des ressources nationales supplémentaires afin de renforcer nos capacités de défense et d’investissements stratégiques.
Ce Fonds a suscité une adhésion massive, tant à l’intérieur du pays qu’au sein de notre diaspora.
Madame la Présidente,
La poursuite méthodique de nos réformes nous permet de saluer aujourd’hui des avancées majeures en matière de gouvernance économique : meilleure maîtrise des dépenses publiques, gestion optimisée des ressources humaines de l’État, rationalisation des charges institutionnelles et maintien d’un endettement viable.
Ces efforts sont également perceptibles dans la redistribution plus équitable des richesses nationales, afin que les ressources abondantes de notre territoire profitent pleinement aux citoyens qui œuvrent à l’essor du pays, et non à des intérêts extérieurs ou à leurs relais internes.
Malgré les difficultés inhérentes à la crise sécuritaire et humanitaire, les actions gouvernementales, couvrant l’ensemble des secteurs de développement socioéconomique, enregistrent des succès notables.
Mesdames et messieurs
C’est pourquoi nous nous étonnons des postures condescendantes de certaines agences onusiennes, qui s’autorisent à s’immiscer dans notre débat national à travers des narratifs biaisés et déconnectés des réalités du terrain.
Nous rejetons avec fermeté le rapport intitulé « Les enfants et le conflit armé au Burkina Faso », émaillé de contre-vérités et dont l’intitulé même relève d’une manipulation sémantique.
Je voudrais, à cette occasion, saluer le courage de nos forces combattantes et rendre hommage aux martyrs civils et militaires tombés sur le champ d’honneur pour la défense de notre souveraineté.
Madame la Présidente,
Nous l’avons toujours proclamé : le terrorisme est devenu le prétexte bien trouvé de certains États pour spolier les ressources africaines.
Ainsi, nos pays se retrouvent confrontés à des terroristes qui ne sont, en réalité, que des supplétifs d’armées étrangères prédatrices. Certains États, d’ailleurs, ne se cachent même plus pour revendiquer publiquement le soutien qu’ils apportent à ces criminels.
C’est le cas de la France, du régime MACRON, dont les médias publics, en plus de la désinformation quotidienne sont devenus des relais de la communication des criminels auteurs d’attaques lâches et barbares perpétrées contre de paisibles citoyens.
À ce sujet, nous renouvelons notre appel quant à la suite réservée à la requête adressée le 20 août 2024 par les États membres de la Confédération des États du Sahel au Conseil de Sécurité, et qui demeure, à ce jour, sans réponse. Ce silence persistant ajoute au discrédit de l’institution et laisse planer le doute sur une complaisance implicite.
Plus inquiétant encore, certains membres du Conseil de Sécurité continuent de piétiner la résolution 1373 (2001), pourtant contraignante, qui impose la répression du financement du terrorisme, le renforcement des contrôles frontaliers et une coopération internationale accrue.
Au Sahel, nous avons pris acte de cette réalité et avons adapté nos dispositifs sécuritaires à cette donne, tout en révisant nos modalités de coopération avec certains pays.
Madame la Présidente,
Nous demeurons convaincus que les Nations Unies doivent rester un cadre central de dialogue et de coopération. Mais nous appelons à un partenariat rénové, fondé sur le respect mutuel, l’égalité et la solidarité sincère.
Mesdames et messieurs
Face aux menaces communes et aux ingérences extérieures, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont uni leurs forces pour fonder la Confédération des États du Sahel (AES).
L’AES n’est pas un repli, encore moins une fermeture. Elle est une affirmation : l’affirmation de notre droit de disposer de nous-mêmes, de définir nos priorités et de bâtir une coopération régionale au service exclusif de nos peuples.
- C’est un choix de dignité.
- C’est le refus d’un système où nos pays servaient trop souvent de terrains de manœuvre pour des agendas extérieurs.
- C’est la volonté d’être acteur principal de notre histoire et d’écrire nous-mêmes l’avenir de nos enfants.
L’AES s’inscrit dans la continuité du combat de figures panafricanistes telles que Thomas SANKARA, Patrice LUMUMBA ou Kwame N’KRUMAH. Aujourd’hui, une nouvelle génération de leaders assume ce flambeau, avec la ferme conviction inspirée du père de la Révolution d’août 1983 que « seule la lutte libère ».
Madame la Présidente,
L’Afrique, depuis huit décennies, revendique légitimement sa place au Conseil de sécurité. Il est temps de réformer profondément notre Organisation. Plus concrètement, il s’agit :
- de mettre en œuvre une réforme courageuse du Conseil de sécurité, en accordant à l’Afrique une représentation permanente ;
- d’améliorer la gestion des ressources, pour rendre l’ONU plus efficace et plus proche des peuples qu’elle prétend servir ;
- de s’attaquer avec fermeté aux causes structurelles de l’injustice internationale, qu’il s’agisse du terrorisme instrumentalisé, du blocus contre Cuba, des sanctions contre le Venezuela, la Russie, l’Iran, le Nicaragua ou de l’impasse du conflit israélo-palestinien.
Le Burkina Faso souscrit à la vision de la Chine sur la Communauté d’avenir partagée. Dans le cas particulier de la République Bolivarienne du Venezuela, nous réaffirmons notre soutien indéfectible à ce peuple qui subit depuis des décennies, des campagnes d’isolement, des sanctions illégales et des provocations incessantes.
Face à cette ingérence flagrante dans les affaires souveraines d’une nation et à cette agression économique aux conséquences humanitaires désastreuses, nous exprimons notre solidarité avec ce pays qui résiste avec dignité pour préserver son droit de choisir son propre destin, sans ultimatum ni diktat étranger.
Nous appelons donc à la raison et à la diplomatie pour que cesse toute action hostile contre le Venezuela.
Monsieur le Secrétaire général
Je voudrais à présent m’adresser à vous. Il est vraiment temps pour notre organisation de changer de paradigme, car l’ONU se retrouve aujourd’hui dans la même situation que la défunte Société Des Nations.
Elle est incapable d’imposer sa voix et faire respecter ses propres principes, incapable de faire appliquer ses décisions et résolutions aux puissants, incapable de faire respecter le droit international, incapable de régler les multiples conflits et incapable d’évoluer et de se mettre au niveau des défis actuels.
Monsieur le Secrétaire général,
Vous avez une belle occasion de rentrer dans l’histoire, en prenant vos responsabilités pour une transformation en profondeur de cette organisation qui à sa création a suscité tant d’espoir. Vous avez le soutien ferme de millions de citoyens du monde pour faire de cette organisation un véritable garant de la paix et de la sécurité dans le monde et non un instrument de domination aux mains des plus forts du moment. Malgré les pressions diverses et les jeux de pouvoir, nous vous savons assez ingénieux pour affranchir l’organisation des nations unies et la placer à la hauteur de nos ambitions communes.
Madame la Présidente,
Abordant les questions de développement, le Burkina Faso salue la tenue de la 4ème Conférence internationale sur le financement du développement et forme le vœu que les conclusions de la réunion de Séville puissent contribuer à l’avènement d’une architecture financière plus équitable, respectueuse de la souveraineté des Etats et soutenant une transformation réelle despays en développement.
Dans la même veine, il demeure impérieux de s’attaquer aux facteurs qui constituent un frein à la pleine réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD), censés transformer positivement notre monde sous l’égide des Nations Unies.
Mesdames et Messieurs,
Quatre-vingts ans après la Charte des Nations Unies, notre Organisation est loin d’avoir répondu aux espoirs de 1945. Quatre-vingts ans après, le monde est plein d’injustice et de souffrance et les risques d’un autre conflit généralisé se précisent et sont sources d’inquiétude pour l’avenir.
Mais il n’est pas trop tard pour redonner à notre maison commune l’élan qui lui manque.
Le Burkina Faso, fidèle à son héritage panafricaniste, réaffirme sa foi en un multilatéralisme rénové, juste et équitable. Nous sommes résolus à défendre notre souveraineté et notre dignité, mais nous tendons la main à toutes les nations éprises de justice, de liberté et de solidarité.
Vive l’Organisation des Nations Unies réformée et crédible !
Vive la Confédération des États du Sahel !
Vive le Burkina Faso, digne, souverain et debout !
La Patrie ou la Mort, Nous Vaincrons !
Je vous remercie.