Ordination épiscopale : Guy Mukasa Sanon, pasteur et grand prêtre de Nouna

L’ordination épiscopale de Monseigneur Guy Mukasa Sanon a eu le samedi 03 mai 2025 à la cathédrale Notre Dame de Lourdes de Bobo-Dioulasso. Ce nouveau prélat est désormais l’évêque du diocèse de Nouna en remplacement de Mgr Joseph Sama admis à la retraite. Cet évènement devait se tenir dans le chef-lieu de la province de la Kossi mais a été reporté et délocalisé dans la ville de Sya pour des impératifs de sécurité. Par contre, c’est bien à Nouna que le nouvel évêque procédera à la prise de possession canonique de son siège épiscopal le dimanche prochain 11 mai 2025.
Pour les férus de l’Histoire, il faut préciser que l’ordination épiscopale de Mgr Guy Mukasa Sanon restera dans les annales de Bobo-Dioulasso comme la deuxième ordination du genre à se tenir dans la ville de Sya depuis 50 ans. En effet, la première messe d’ordination d’un évêque à Bobo-Dioulasso a eu lieu en 1975 et c’était celle de Mgr Anselme Titiama Sanon. Les deux autres prélats qui lui ont succédé (Paul Ouédraogo et Laurent Dabiré) étaient des évêques transférés (Paul venant de Fada N’Gourma et Laurent venant de Dori). Du coup, les fidèles ont accouru de partout pour vivre en live l’ordination de Mgr Guy Mukasa Sanon si bien que l’enceinte de la cathédrale était noire de monde.

La messe d’ordination a débuté par la traditionnelle procession d’entrée mais elle a été brusquement interrompue par un l’irruption d’un « gang » qui a réussi « à prendre en otage » l’élu du jour. Renseignements pris, les « ravisseurs » étaient des Dafing (une ethnie de l’ouest du Burkina qui a des alliances de parenté à plaisanterie avec les Bobos ethnie dont est originaire Mgr Guy). Toutes les négociations pour obtenir la libération de « l’otage » ont été vaines. Le « gang » a exigé une « rançon » qui consistait en un passage obligatoire des Bobos à la caisse. Une quête en somme dont le fruit, selon les « preneurs d’otage », devrait servir à payer un billet d’avion (Sya-Nouna) pour Mgr Guy Mukasa Sanon. L’idée étant qu’en cette période d’insécurité il puisse rejoindre après son diocèse sain et sauf. Après le paiement de la « rançon », « l’otage » a été libéré et la messe a pu se poursuivre.
Dans la monition d’ouverture de la célébration eucharistique, Mgr Laurent Dabiré, archevêque de Bobo-Dioulasso a précisé que cet évènement qui de déroule dans la cité de Guimbi Ouattara a été préparé de longue date et avec enthousiasme par les fidèles du diocèse de Nouna pour le 26 avril dernier. « Mais l’évaluation globale et spécifique de la situation sécuritaire a conduit au report et à la délocalisation de cette ordination épiscopale à Bobo-Dioulasso ». « La pullule de la délocalisation a été dure à avaler pour les gens de Nouna » a avoué l’archevêque.

Dans son homélie, Mgr Joseph Sama, l’évêque émérite de Nouna est revenu sur cette question et a invité ses diocésains à louer le nom de Dieu quoiqu’il arrive. « Aux fidèles de Nouna, je dis que l’heure n’est plus à la tristesse mais à la joie d’avoir un nouveau pasteur avec qui nous allons continuer à bâtir notre diocèse ». S’adressant à son successeur il a déclaré : « lors de votre premier passage à Nouna vous avez vu la mobilisation des fidèles. Nous attendons alors votre retour définitif dans votre diocèse ».
Après cela, celui qui a passé 25 ans sur le siège épiscopal de Nouna a précisé aux fidèles ce qu’est le sens de l’épiscopat. Pour lui, ce n’est pas une affaire de prestige et de grandeur mondaine mais bonnement « un simple service, un simple ministère qui est confié à l’évêque ». A ce propos il a rappelé que le mot évêque vient du grec et qu’étymologiquement il signifie « celui qui veille ». L’évêque est donc le gardien, le berger et dans cette acception, sa fonction rime avec « humilité, disponibilité et service ».

Après l’homélie, place au rite d’ordination épiscopale. Le consécrateur principal était Mgr Joseph Sama entouré des deux co-consécrateurs Mgr Laurent Dabiré, archevêque métropolitain de Bobo-Dioulasso et Mgr Pierre Claver Malgo, évêque de Fada N’Gourma. Au terme d’un dialogue entre le consécrateur principal et l’abbé Guy Mukasa Sanon, ce dernier a marqué son accord d’être ordonné évêque : « oui j’accepte cette charge au service du peuple de Dieu et je m’engage à la remplir jusqu’à ma mort ».
Après cette acceptation, on a procédé à la litanie des saints, l’imposition des mains puis de l’évangéliaire sur la tête du nouvel évêque, l’onction de l’huile sainte et enfin la remise des attributs épiscopaux (voir encadré). Tous ces rites et rituels ont permis à celui qu’on appelait jusque-là Monsieur l’abbé, à devenir désormais Monseigneur Guy Mukasa Sanon.
L’évêque frais émoulu a aussitôt eu une pensée pour le défunt pape François, pour feus les évêques André Dupont (Bobo-Dioulasso) et Jean Le Sourd (Nouna), pour son père Bertin décédé et pour les Forces de défense et de sécurité (FDS) ainsi que les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Puis s’adressant à l’assemblée en prière il a déclaré : « chers frères et sœurs, voyez ce qu’ils ont fait de moi, voyez ce que Dieu a fait de moi. Il ne me reste plus rien. L’épiscopat m’est tombé dessus comme la dalle d’une tombe. Je reconnais que Dieu est le plus fort. Je vous demande de prier pour moi ». Puis il a clamé son amour pour les populations de son diocèse : « Nouna, terre bénie de Dieu. A vous tous de Nouna je dis : je vous aime ». Tout le reste de son allocution n’était plus que gratitude aux uns et aux autres et action de grâce à Dieu.
Mgr Laurent Dabiré, archevêque de Bobo-Dioulasso et président de la conférence épiscopale Burkina/Niger a félicité le nouveau venu dans la famille épiscopale et pour le sang neuf qu’il y apportera.

Le dimanche prochain 11 mai 2025, le nouvel évêque va procéder à la prise de possession canonique de son siège épiscopal à Nouna. Mais en attendant, dès hier matin, dimanche 04 mai 2025, il a célébré sa messe d’action de grâce à la cathédrale de Bobo-Dioulasso.
Mgr Guy Mukasa Sanon est né le 14 septembre 1968 à Toussiana. Il a été ordonné prêtre le 14 juillet 1996 à Bobo. Il est titulaire d’un doctorat en philosophie. Dans ses charges pastorales il a été, entre autres, curé de la paroisse cathédrale de Bobo (2011-2016). Après 29 ans de vie sacerdotale, il a été nommé évêque de Nouna le 25 janvier 2025 par le pape François alors qu’il était le recteur du grand séminaire Saint Pierre, Saint Paul de Kossoghin à Ouagadougou (2019-2025).
San Evariste Barro
Encadré
Panorama des attributs épiscopaux
Dans l’église catholique, un évêque est reconnaissable par les attributs spécifiques à sa charge pastorale. Nous vous en dressons ici le panorama.
La mitre est une coiffe pointue à deux faces portées par les évêques lors des célébrations liturgiques. Les deux pans de la mitre signifient symboliquement l’Ancien et le Nouveau Testaments, le Nouveau étant devant.
La calotte est un petit bonnet porté sous la mitre par les évêques. Elle est de couleur violet/fushia pour les évêques, rouge pour les cardinaux et blanche pour le pape. Elle souligne la dignité de la consécration de l’évêque et de son appartenance à la hiérarchie. Pendant la messe, il ne l’enlève qu’au moment de la prière eucharistique.
La crosse, venue du mot « croc » ou « crochet », est le bâton pastoral de l’évêque. La forme recourbée de son extrémité supérieure rappelle la houlette du berger. Bâton de celui qui dirige, conseille, et secourt, houlette du Bon Pasteur, marchant à la tête du troupeau des fidèles, signe d’une autorité paternelle.
L’anneau épiscopal ou pastoral. Au cours de l’ordination épiscopale, le nouvel évêque reçoit un anneau qui signifie le lien de l’évêque ou le mariage symbolique avec l’Eglise du Christ, son épouse. L’évêque le porte en tout temps. L’anneau rappelle que l’évêque est la Tête, le Pasteur, l’Epoux et le Docteur de l’Eglise qui vit sur le territoire de son diocèse. Enfin, l’anneau signifie la fidélité de l’évêque à l’Eglise, son alliance avec le diocèse qui lui a été confié.
La cathèdre Ce mot vient du latin et signifie chaise. C’est le siège réservé à l’évêque pour la présidence de célébrations liturgiques. La cathèdre est le symbole de l’autorité, de l’enseignement et de la juridiction de l’évêque. Le mot cathèdre a donné par extension le mot : cathédrale.
La cathédrale est l’église-mère d’un diocèse où se trouve la cathèdre, le siège de l’évêque qui a la charge d’un diocèse. Elle est le lieu de rassemblement et le signe de l’unité de l’entièreté du diocèse.
La devise épiscopale Afin de motiver les fidèles et de se fixer une direction spécifique, un nouvel évêque se choisira une devise épiscopale, laquelle l’inspirera et le guidera. Cette devise est souvent écrite au bas des armoiries, dans la langue officielle de l’Eglise catholique, le latin.
Les armoiries Les symboles qui y apparaissent se réfèrent à toutes sortes d’éléments qui ont influencé la vie de l’évêque : il peut s’agir de références à des personnes, à des communautés, à des lieux et à des événements qui ont une influence sur son leadership spirituel.
Encadré 2
« Au cœur des ténèbres il y a toujours une lueur qui brille »
Au sortir de la messe d’ordination épiscopale, le nouvel évêque de Nouna, Mgr Guy Mukasa Sanon s’est exprimé devant les micros et caméras de la presse. Voici ce qu’il a déclaré.

« Je voudrais tout d’abord avoir une pensée spéciale pour les disparus de notre pays. Je place cette ordination sous le signe de l’espérance. Nous sommes dans un pays qui est meurtri. Je m’en vais dans un diocèse qui souffre et au nom de l’évangile de Jésus-Christ, je voudrais dire qu’au cœur des ténèbres il y a toujours une lueur qui brille, c’est la lueur de l’espérance. Les sentiments qui m’animent sont des sentiments de reconnaissance et d’humilité. Je ne crois pas du tout que ma petite personne mérite une telle assemblée. Je ne crois pas du tout que ma pauvre personne mérite que tant de monde se rassemblent pour prier. En fait derrière moi, les gens voient quelque chose de plus grand qui est la foi, l’espérance et la charité, et quelqu’un de plus grand qui est Dieu ».
Propos recueillis par SEB