Culture

Musique : Idak Bassavé nous revient avec « Ba A Yô »

Elle est l’auteur de la chanson à succès «Zambèla». Beaucoup de Burkinabè reconnaissent d’emblée sa voix quand il s’agit de musique. Idak Bassavé nous fait découvrir son nouvel album « Ba  A Yô », dans cet entretien réalisé le 18 août 2022 au sein du journal l’Observateur paalga.

Idak Bassavé n’est plus à présenter mais pour la jeune génération qui est-elle ?

Idak Bassavé c’est Kadi Bassavé à l’état civil. C’est Kadi qui a été renversé pour donner Idak, le nom d’artiste. J’ai commencé la musique avec ma famille, la famille Bassavé , qui était un orchestre familial où il y avait les parents et nous, les enfants. Chaque enfant jouait à un instrument de musique. Nous avons voyagé dans plusieurs pays comme la Côte d’Ivoire, le Togo, le Benin, le Mali, etc. Le dernier pays que nous avons fait était la Guinée Bissau. C’est de là-bas que je suis allée en Côte d’Ivoire pour mon premier album « Hommes intègres », produit par Touré sound, une structure qui avait produit le groupe les Salopards en son temps. Le dernier album qui vient de sortir est  le huitième et s’appelle « Ba  A Yô » qui veut dire en Sissala « ils font mais c’est zéro ».

Avant de parler du huitième album, nous allons parler de votre famille et faire un petit rétro dans votre vie. Dites-nous à quand remonte le dernier concert en famille?

Le dernier concert en famille a été en Guinée Bissau. Nous y sommes restés pendant 4 ans, on a eu à faire des albums là-bas. Le papa avait d’autres projets. Il voulait qu’après la Guinée Bissau, on continue en Europe mais comme on le dit, l’homme propose, Dieu dispose, cela n’a pas marché.

Que devient Idak et la fratrie Bassavé ?

Idak est toujours là avec le reste de la famille. Beaucoup savent que les deux parents ne sont plus, mes deux sœurs ne sont plus également. C’est en tout 4 personnes qui sont parties. Entre la mort de ma grande sœur et celle de ma petite sœur, il y a eu 3 mois d’écart. Cela a été un coup dur pour moi. Il fallait que je me retire un peu pour revenir. Je suis née dans la musique, la musique est un métier pour moi, c’est ce que j’ai d’ailleurs dit dans l’une de mes chansons « Tuumde ». C’est grâce à elle que je me suis occupée de ma famille restante.

Nous savons que Safoura Bassavé, votre petite sœur, était aussi musicienne  mais la grande sœur que faisait-elle ?

La grande sœur avait arrêté la musique, ce qui a fait que beaucoup de personnes l’ont oubliée. Sinon quand on regarde la vidéo de la famille, qui est devenu blanc-noir maintenant, on la reconnait dans une tenue avec une guitare à la main. Elle jouait à l’accompagnement. Certains pensent que je suis l’aînée, mais non, j’avais une grande sœur. Elle ne nous a même pas suivit pour aller en Guinée puisqu’elle s’était mariée ici.

Si vous devez faire un bilan de votre carrière artistique, que doit-on en retenir ?

Le bilan, il est positif parce que ce n’est pas tout le monde qui réussit à produire 8 albums. Il y a certains qui arrivent mais d’autres à 1 ou 2 albums ils raccrochent d’autant plus que la musique est un métier qui demande énormément d’argent, sans oublier les difficultés liées à la vente des CD et les spectacles qui sont devenus rares. Si Malgré ces difficultés, je continue à chanter, c’est parce que j’ai la bénédiction de mes parents et je remercie le Seigneur.

Idak totalise combien d’années de carrière en ce jour ?

Avec la famille, nous avons commencé en 1984. Tout a commencé au Ghana quand nous sommes allées pour des vacances. Les parents y étaient donc le papa est venu nous chercher pour qu’on aille voir la maman. On  a commencé à jouer. Notre premier concert a eu lieu à la maison du peuple en 1984. Je peux dire qu’on a commencé avant « les petits chanteurs au point levé ». Le président Thomas Sankara voulait même que nous, les enfants de la famille, rejoignions le groupe mais le papa n’a pas voulu. Je peux dire que nous avons inspiré les créateurs  des « petits chanteurs au poing levé ».

Est-ce que l’âge et les responsabilités familiales n’ont pas pris le dessus sur vos créations ? Etes-vous mariée ?

Tout le monde prend de l’âge, j’ai pris de l’âge, c’est vrai qu’on ne dit pas l’âge d’une femme et c’est souvent mieux qu’on garde nos secrets aussi un peu.  Il ne faut pas tout le temps les dévoiler, ce n’est pas parce que nous sommes des artistes qu’il faut tout dire. Dieu m’a donné une princesse qui me procure du bonheur.

Justement, l’identité du géniteur de cette princesse a fait l’objet de beaucoup de débats. Est-ce qu’on peut y revenir ?

Je revois cette question (rires). J’ai donné des réponses mais la question revient toujours. Aujourd’hui je pense que je vais tout expliquer en même temps.

Une fois, j’ai accompagné une sœur à Komsilga. Arrivée, j’ai chanté, les gens étaient contents. C’est alors, qu’ils ont dit qu’ils vont me donner un mari. Dans l’amusement, je leur ai demandé s’il y a un homme ici qui peut me gérer. Ils ont dit oui, que je suis désormais  la femme de leur chef. C’est ainsi qu’à chaque fois que j’accompagnais ma copine à Komsilga, on m’appelait la femme du chef. Moi aussi je rigole souvent avec les femmes du chef : La famille du chef dit de venir qu’il y a de la place et les femmes refusent. C’était vraiment de la plaisanterie.

Une fois à Ouagadougou, quelqu’un m’appelle depuis les États-Unis me disant qu’il a appris que je veux me marier à un  chef, et que ce dernier est à Ouagadougou. J’étais étonnée. Après cela, j’ai encore entendu par ci et par là que je suis la femme de tel chef à Ouaga. De toute façon, je ne vais pas vous dire le nom mais les gens vont reconnaitre et ils comprendront de qui il s’agit. Je me suis demandée ce que cette histoire signifiait. Comme Komsilga n’est pas loin et dans la plaisanterie on m’appelle la femme du chef, l’histoire a commencé a circulé à Ouagadougou. Quelque chose qui n’est même pas vrai. Pire encore, je suis allée faire une émission où j’ai dit que ma fille est une princesse. Il ne fallait pas. J’ai entendu par la suite que c’est la fille du Laarlé  Naaba. C’est faux, le Laarlé Naaba je ne l’ai jamais rencontré en dehors des concerts. Heureusement qu’il a aussi compris. Les gens racontent du tout.

Comment s’appelle votre princesse ?

Ma princesse s’appelle Rachel Barro. C’est une petite Sénoufo. Elle a 13 ans et elle fait la classe de cinquième.

Que fait Idak en dehors de la musique ?

Puisque j’ai dit que la musique est mon métier, certains pensent que ce n’est rien mais nous, on vit de ça. Sinon en dehors de la musique j’ai essayé de produire du vinaigre, le vinaigre Idak. C’est vrai qu’il n’y a pas de bénéfices mais on le fait aussi. Je fais également du savon liquide, l’eau de javel et la pommade Idak. J’ai essayé de fabriquer du vin, malheureusement je n’ai pas eu l’autorisation car tous ces produits, il faut passer au laboratoire pour les faire examiner. La vente du vinaigre par exemple a été autorisée mais le vin c’est très compliquer avec les histoires de levures et tout. J’ai tenté une deuxième fois et je n’ai pas eu d’autorisation donc je n’ai plus voulu le faire.

Quels sont vos rapports avec les autres artistes musiciennes notamment Amity Méria, Rovane et bien d’autres de la nouvelle génération ?

Les rapports sont bons. A la dédicace de mon album tout dernièrement, toutes les chanteuses de ma catégorie étaient là pour me soutenir, la jeune génération est venue également, ils ont payé les CD. Idak n’a pas de problème. Quand j’ai un problème avec quelqu’un je le lui fais savoir. Je ne cache pas les choses.

Parlons à présent de votre huitième et dernier album dédicacé le 05 août dernier. Quels sont les thèmes qui y sont abordés ? Et de combien de titres est-il composé ?

D’abord« Ba  A Yô », c’est le prénom de mon papa. Je rappelle qu’il y a une rue au cinquième arrondissement qui porte ce nom. Sinon que son nom à l’état civil c’est  Abdoulaye Bassavé mais au village on l’appelle Ba  A Yô. Il est décédé le 5 août et j’ai voulu que l’album sorte le 05 août également en signe d’hommage.

Il y a 12 titres au total dans l’album. Plusieurs thèmes y sont abordés. Il y a une chanson sur la paix. Nous en avons tous besoin car la violence ne profite à personne. Je l’ai chanté en featuring avec la maman Aïcha Koné. L’amour est évoqué dans cet album. « Sodassa » aussi, une chanson à l’honneur de nos braves soldats qui se battent sur le terrain nuit et jour. « Ka mi beogo » (nul ne connait l’avenir), c’est d’ailleurs la chanson dont le clip est disponible. Il ne faut jamais ridiculiser, minimiser, humilier ton prochain car personne ne sait ce dont  demain est fait. Prenons l’exemple des femmes au foyer : certaines ont des enfants mais d’autres n’en ont pas. Pour celles qui ont des enfants, on ne se moque pas de celles qui n’en ont pas parce que ce n’est pas sûr que demain tes enfants en aient. Il y a également une  chanson sur les filles qui abandonnent leurs bébés à la naissance. On ne peut pas jeter un enfant vivant, même mort, on ne le jette pas. Si ta mère t’avais jetés, tu ne serais pas là.

 J’ai également chanté  « Sanmba » (étranger) où j’ai dit que nous sommes tous des étrangers, on est là pour quelques temps et un jour nous allons tous partir faisons donc du bien autour de nous, soyons solidaires. Il y a aussi « Boura » que j’ai chanté  pour mon petit village. «  Zambèlè » est encore revenu dans cet album, c’est une chanson qui ne se démode pas et je l’ai fait plus dansante. J’ai travaillé l’album entre Abidjan et Ouagadougou.

En dehors de la collaboration avec Aïcha Koné, y a-t-il des featuring  avec des artistes burkinabè dans cet album?

Cette fois, il n’y a pas eu de featuring avec un artiste burkinabè. Dans l’avant-dernier album, il y en a eu sur le titre « Faso » avec Malkom qui est un excellent jeune chanteur. J’ai voulu collaboré avec Aïcha Koné parce que nous avons à peu près la même voix, à savoir la voix rock, donc j’ai voulu faire ce mélange. La différence dans cette chanson est qu’elle a chanté en Dioula et moi en Moore sinon c’est comme si c’est la même voix.

Est-ce que ce contexte ne peut-il pas être un frein à la promotion de cet album quand on sait que vous êtes souvent amenées à faire des tournées à l’intérieur du pays ?

Bien sûr que ce contexte est un frein. Il y a beaucoup d’endroits où on ne veut même plus aller. On nous appelle dans plusieurs villes pour des concerts mais nous déclinons. C’est difficile de se dire qu’il y a des personnes qui vivent dans ces zones d’insécurité et nous, nous ne voulions pas y aller mais on ne sait pas où se trouve le danger. Cela fait que nos prestations sont limitées, les CD ne s’achètent plus surtout avec l’insécurité.

On aimerait vraiment que la situation change. C’est ce qui a fait que j’ai chanté « la paix » dans le monde avec Aïcha Koné parce qu’il y a des violences partout en Afrique. Pourquoi ne pas déposer les armes ? Pendant que les pays occidentaux évoluent, on se tue ici. Ce n’est pas comme ça que l’Afrique va avancer. Les autres nous flattent, on se fait du mal pendant ce temps, eux ils se développent. L’argent que nous prenons finira, personne ne va mourir avec ses milliards, ses dollars ou diamants. Pour cela, cultivons le pardon.

Idak et quelques journalistes de l’Observateur paalga

Quelles sont les perspectives pour Idak, après la sortie de cet opus ?

Les perspectives c’est avoir une bonne promotion de l’album. Je veux que le clip se joue partout car il est tellement simple, propre et bien chanté. En ce moment il passe sur beaucoup de chaînes du Burkina. Il  passe aussi au Mali, au Niger. En Guinée Conakry et en Côte d’Ivoire, ce sera pour bientôt. Ce qui est sûr, nous ne sommes pas pressés, on va pas à pas.

 C’est des chansons qui ont des thèmes qui sensibilisent. Elles ne peuvent pas se démoder. Surtout le phénomène de l’abandon des bébés. Certains artistes de la nouvelle génération essayent de faire de la musique du terroir, ça c’est bien mais d’autres, leur chanson, c’est sur place que ça se vend et sur place ça se démode. J’insère beaucoup les instruments du terroir, c’est pour qu’on puisse écouter à tout moment.

Je compte faire la promotion de l’album partout.

De plus en plus nous avons des jeunes artistes qui sont très en vue. On a par exemple Miss Tanya, Kayawoto, Amzy. Ne pensez-vous pas que le genre musical que vous faites est moins exportable ?

Le genre musical que je fais va rester plus longtemps. C’est bien, ce qu’ils font. Je ne peux pas dire le contraire mais ce qu’ils font, c’est pour maintenant. Certaines chansons ne durent pas. C’est pourquoi je les invite à surtout utiliser les instruments du terroir dans leur musique. Par exemple, On peut faire du rap en ajoutant les sons du Kundé, comme  le fait Smarty. Ce n’est pas mal. Tanya, elle chante très bien, elle a une belle voix, c’est bien qu’elle insère également les instruments du terroir. Kayawoto, c’est un jeune aussi qui est bien, il est respectueux. Nous avons voyagé ensemble. C’est leur génération. Nous les encourageons, il le faut. S’ils abandonnent la culture burkinabè, leurs enfants seront perdus. Ils viendront faire comme les Américains ou les Français. Il faut donc qu’ils prêtent attention à ce que nous faisons, pour essayer d’insérer les instruments du terroir, afin qu’à l’avenir, nos enfants sachent faire du « Warba, Winninga », de la musique Senoufo… S’ils ne le font pas et qu’ils sont trop dans le moderne, je ne sais pas le conseil que leurs enfants garderont d’eux.

Qu’est-ce que vous avez à dire comme dernier mot ?

Le dernier mot c’est d’inviter mes fans à me soutenir. J’ai une association qui s’occupe des enfants démunis, Association Bassavé pour le bien-être des enfants. Soutenez Idak en achetant les œuvres et les prestations. J’ai mon concert le 24 septembre 2022 au CENASA, c’est  le premier concert du nouvel album. J’aimerai que le public vienne. Même si certains ne pourront pas venir, qu’ils achètent au moins les tickets, pour distribuer à d’autres personnes. Continuer à soutenir Idak, Merci.

Sarah Daboné

(Stagiaire)

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