Société

Intégration en Afrique de l’Ouest : WCA brise les barrières coloniales à moto

D’une manière générale, les vacances sont mises à profit pour se relaxer. Mais pour des motards burkinabè, ayant abandonné leurs lits douillés, ce mois d’août pluvieux, a été retenu pour parcourir 5000 km à la conquête de l’Afrique de l’Ouest. Ils sont une vingtaine, tous membres de l’association West coast adventure (WCA), qui sont partis du Burkina Faso, le 16 août dernier pour le Mali, la Guinée, la Sierra Léone, le Libéria et la Côte d’Ivoire. Profitant d’une escale le jeudi 28 août 2025 à Man (RCI), le président de ladite association, Adama Ouédraogo dit Demsy, nous a conté le plaisir qu’ils ont, d’aller à l’aventure juché sur de grosses cylindrées, les magnifiques paysages, les rencontres avec les communautés burkinabè mais aussi l’adversité de la nature et du relief à certains endroits. Accrochez-vous donc !

Qu’est-ce que la West coast adventure pour ceux et celles qui ne la connaîtraient pas ?

C’est une association burkinabè qui a vu le jour en 2018. Elle est forte de 86 membres, tous, passionnés de moto. On y trouve tous les profils, notamment des ouvriers, des chefs d’entreprises, des fonctionnaires, etc. Depuis sa création, le club s’est engagé dans la sensibilisation sur la sécurité routière et le sociale à travers l’aide aux couches défavorisées. Nous fonctionnons sur la base de notre plan d’action annuel. Chaque mois nous organisons des sorties, des randonnées, des activités caritatives, des formations au profit des motards.

Qu’est ce qui a prévalu à la création d’un club de passionnés de gros bolides ?

WCA est née de la scission de « Les motards du Faso », l’un des premiers clubs de motards au Burkina Faso. Notre objectif est de promouvoir le goût de l’aventure comme notre nom l’indique. Nos machines sont puissantes, stables et faites pour les routes. Mais les chevauchées réalisées dans la ville de Ouagadougou ne reflètent pas le plein potentiel de ces engins si bien que nous avons opté de multiplier les sorties aussi bien au niveau national qu’à l’international. Au lancement, nous avons organisé un voyage sur Ouaga-Dakar-Ouaga.

Pour un motard désireux de se joindre à vous, dans vos sorties, quelle cylindrée ou puissance doit avoir sa moto ?

Les sorties internationales sont ouvertes à toutes les cylindrées. Ici ce qui compte, c’est l’endurance. Nous comptons dans nos rangs des 700, 800, 1200, 1250, 1400 cm3. Par moments, les 700 cm3 tiennent plus du fait de leur maniabilité. Nous roulons au rythme des plus petits moteurs qui roulent en tête. Nous évitons la conduite de nuit, nous respectons la limitation de vitesse et les règles imposées par l’éclaireur.

Ce n’est pas donné au Burkinabè lambda de se procurer un engin qui coûte des millions. Peut-on en conclure que WCA est un club de privilégiés ?

Rires… Ce n’est pas un club de privilégiés. Les montures coûtent parfois le prix d’une voiture, mais tout réside dans la préparation. La passion n’a pas de prix. Nous n’hésitons pas à nous faire plaisir sans tomber dans l’excès. Certains contractent des prêts pour l’achat de leurs engins. A l’interne, nous créons des facilités pour les acquisitions de moto. Après, si les moyens financiers le permettent, nous montons en puissance en revendant les anciennes montures. Nous nous épaulons. Je conseille aux débutants d’utiliser les engins de 600 cm3. Pour moi, tout est une question de priorité, tout comme vous avez certains Burkinabè qui mettent des sommes colossales dans ce qui leur font plaisir (immeubles, voitures, consommation d’alcool, etc.)

Depuis quelques jours, vous avez entamé un périple dans la sous-région que des gens suivent sur les réseaux sociaux. Parlez-nous de cette aventure…

Le circuit a été finalisé en mai 2015. Puis nous avons adressé des correspondances aux différents ministères de la Sécurité pour leur parler de l’itinéraire et obtenir leur adhésion. Notre ministère a alors avisé les différents ambassades et consulats. Dans les 5 pays, les différentes représentations diplomatiques ont aussi pris langue avec les ministères des Affaires étrangères et du Tourisme. Nous avons parcouru au total 5 000 km (Ouagadougou-Bamako-Conakry-Freetown-Monrovia-Yamoussokro-Ouagadougou).
Au début, nous nous sommes questionnés sur ce périple qui semblait trop ambitieux. Mais le goût de l’aventure a pris le dessus. Sur 33 inscrits, 22 ont pris le départ. La 23e personne a été victime d’un accident en quittant Cotonou pour nous rejoindre, mais elle se porte mieux à présent. Le voyage est fatiguant, nous avons un minimum de 400 km à parcourir par voyage. L’étape la plus longue, 650 km avec de nombreux virages, a été Kankan-Conakry, en Guinée.

D’aucuns voient une connotation politique dans cette randonnée qui vous a conduit d’abord dans un pays membre de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), notamment le Mali ?

La communauté malienne est très hospitalière. Le Burkina Faso et le Mali, ce sont un même peuple et cela a été prouvé une fois de plus. Dans ce pays, nous avons bénéficié d’un accueil très chaleureux à partir de Sikasso jusqu’à Hèrèmakono, la frontière. Les motards maliens et les FDS ont mis le paquet dans l’organisation sécuritaire. L’Agence nationale de sécurité routière a souhaité que nous fassions de la sensibilisation dans les villes que nous avons traversées. En collaboration avec les amis motards du Mali, nous avons prêché à Bougouni, Bamako, Sikasso, Ouelessebougou pendant que nos partenaires distribuaient des casques. En Guinée, Sierra Léone, Libéria et en Côte d’Ivoire également, à partir des frontières, nous avons été escortés par des FDS et les communautés. A chaque grande ville nous avons bénéficié de l’aide de la Police pour la traversée.

Quel est concrètement l’objectif de cette tournée ?

Se faire plaisir et joindre l’utile à l’agréable. Découvrir d’autres cultures, rencontrer les clubs motards, les communautés de ces pays et apprendre d’eux. Cela permet de développer des relations fraternelles et de collaboration.
En 2021, lors de la première édition des 72h du motard de Ouaga, notre sortie en Côte d’Ivoire avait facilité en retour la participation des clubs ivoiriens. Partout, ils nous ont rassuré qu’ils viendront au Burkina Faso en fin septembre. Nous voulons briser les barrières érigées par le colon et prôner l’intégration sous-régionale par la moto. Les temps de repos sont mis à profit pour les échanges avec les communautés burkinabè vivant dans les pays visités. Lorsqu’un motard quitte son pays, il trouvera toujours des amis, des frères, des compatriotes pour l’accueillir où il passe. Les motards forment une grande communauté forte et très solidaire.

Que citerez-vous comme faits marquants de cette aventure ?

Nous avons découvert de belles cultures, de beaux paysages. En Guinée, les chemins sont tortueux et parsemés de collines et de virages. La nuit, le brouillard réduit la visibilité. Nous avons donc cassé le rythme par moment. Nous avons aussi roulé sous la pluie. Du Libéria en Côte d’Ivoire sur certaines pistes, nous avons roulé dans la boue. Au Libéria et en Sierra Léone, la barrière linguistique ne nous a pas empêchés de fraterniser avec les peuples. La mauvaise qualité des routes n’a entamé en rien notre détermination. Douze pneus ont été remplacés, 3 carters cassés et soudés par la suite. Il y a eu plusieurs chutes qui ont endommagées des carrosseries. Nous avons noté des problèmes mécaniques qui ont été résolus au fur et à mesure. La camionnette qui nous accompagne s’est embourbée à 5 km de Danane (RCI). Nous l’avons traqué de 18h à 4h du matin alors qu’elle transportait déjà trois engins. Il y a eu pleins d’anecdotes, des virages qu’il ne fallait pas rater au risque de se retrouver dans le ravin, des falaises, des montagnes…

On constate que le chemin est parfois semé d’embûches, mais vous y tenez tout de même. D’où tirez-vous cette ténacité ?

La force du motard, c’est d’abord le mental et sa ténacité face à tous les dangers et les difficultés. Nous avons bravé les nids les poules et des chutes comme indiqué. Nous avons soudé des gentes cassés, montés des roues de secours et remplacé des pièces. Les engins qui tombent en panne sont chargés et réparés une fois que nous atteignons une ville. Nous nous préparons en conséquence, mais ce n’est jamais facile. L’un d’entre nous a eu deux gentes brisées et cela l’a affecté. Nous avons eu recours à un porte-char parce que notre camionnette de dépannage était loin. Il nous a permis d’atteindre Freetown où le souci a été résolu.

Certains pays de la sous-région font face au terrorisme. Quelles sont les mesures que vous prenez en amont pour ne pas être victime de groupes armés ?

Nous récoltons toujours des informations aux préalables avant de bouger. On s’assure que les axes sont safe, sécurisés. Nous faisons des propositions d’itinéraire aux FDS qui nous conseillent et valident l’itinéraire. Mais on ne peut pas tout prévoir, raison pour laquelle, avant de partir, nous demandons des messes, des doua, des prières dans toutes les confessions religieuses. Nous sommes un groupe cosmopolite.

On sait que ces déplacements nécessitent des frais de carburant, d’hébergement. D’où proviennent vos sources de financement ?

Chacun se prend en charge en essayant de se préparer très tôt avant le périple. Nous avons signé des partenariats avec des sociétés de la place. Pour chaque activité, les membres du club, notamment les chefs d’entreprises, contribuent à travers le sponsoring. Les enveloppes vont de 25 000 à 3 millions de F CFA et elles permettent de faire fonctionner l’association. Présentement, nous réfléchissons déjà à la prochaine destination de 2026.

Chaque motard se munit de quoi manger en route, ou vous prenez des forces pendant les différentes escales ?

C’est l’aventure… le matin on prend du café, des biscuits que nous transportons dans nos valises. Lorsque nous devons démarrer très tôt le matin, nous faisons fi du petit déjeuner dans nos hôtels. Notre premier aliment, c’est le carburant de la moto. En escale-ravitaillement on prend des forces dans les stations-services en attendant des arrêts pour manger.

En fin septembre, Ouagadougou va accueillir les motards de la sous-région à l’occasion des ‘’72h du motard’’. Votre périple est-il une opération de charme ?

Nous avons parlé des ‘’72h du motard’’ que les Clubs motards du Burkina Faso organisent du 26 au 28 septembre 2025, cette grande convergence d’Afrique de l’Ouest. Partout où nous sommes passés, nous avons vendu la destination Burkina Faso. Pour les motards de la Guinée qui viendront, ça sera leur première fois de sortir à l’international. Avec Nimba Rider’s club de la Guinée, nous avons prévu d’organiser l’accueil à la frontière et leur offrir un séjour mémorable aux pays des Hommes intègres. La fête de la moto s’annonce belle et c’est main dans la main que l’ensemble des clubs du Burkina Faso va relever ce défi.

Interview réalisée par
W. Harold Alex Kaboré

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